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Une Italienne qui vieillit mal

Paris
Palais Garnier
09/11/2010 -  et 14, 17*, 20, 23, 27, 30 septembre, 3, 5, 8 octobre
Gioacchino Rossini : L'Italiana in Algeri
Marco Vinco (Mustafà), Jaël Azzaretti (Elvira), Cornelia Oncioiu (Zulma), Riccardo Novaro (Haly), Lawrence Brownlee (Lindoro), Vivica Genaux (Isabella), Alessandro Corbelli (Taddeo). Orchestre et Chœur de l’Opéra national de Paris, direction Maurizio Benini. Mise en scène : Andrei Serban.


M. Vinco, V. Genaux (© Opéra national de Paris/Mirco Magliocca)


Déjà reprise en 2004, cette production de 1998 est connue. Elle ne convainc toujours pas, tant Andrei Serban accumule les effets grotesques sans jamais restituer l’esprit et la finesse du dramma giocoso rossinien. Dommage : il sait diriger les chanteurs et régler un spectacle qui n’en paraît pas moins éclaté. A trop vouloir renverser les poncifs et subvertir le kitsch, le metteur en scène roumain y succombe dès la scène d’ouverture, où des eunuques pansus et fessus s’agitent au milieu d’un hammam, alors que trône le portrait du Bey, émir nouveau riche à l’allure de rocker se rêvant pharaon, mégalo et grossier – à l’image de la mise en scène. Les clins d’œil pèsent lourd, de ce Titanic coulant vers le fond à ces costumes taillés dans le drapeau italien, de ce canapé vermillon en forme de lèvres à cette peau de tigre - symbolisme pesant du duo où Isabella en agite les griffes et Mustafà la queue… -, du borsalino des choristes maffiosi à la bouteille de Chianti. Le spectacle, qui pourrait ressortir à la revue ou au musical, voire au cirque quand le rideau s’ouvre sur une acrobate enlaçant un mât, tient plutôt de la farce vulgaire, notamment par la chorégraphie, et pas seulement dans la pseudo-cérémonie d’intronisation du Pappataci : on cherche en vain les bulles du champagne rossinien. Et puis, avec les années, le soufflé est retombé : ce qui, en 1998, pouvait encore ébouriffer, paraît aujourd’hui frelaté. Cela dit, l’ensemble a du rythme et l’on ne passe pas un mauvais moment.


La distribution manque de cohérence. Sans doute remise de son refroidissement, Vivica Genaux n’est pas le contralto musico généreux et flamboyant qu’il faut, victime d’une voix dont les registres se soudent mal et qui peine à se projeter, surtout dans le médium – défaut rédhibitoire ici. Restent, sans vraiment compenser, la pulpe du timbre, la vocalisation cascadeuse, le charme du phrasé, la composition surtout : on comprend que cette Isabelle rusée aux allures de vamp et à la taille de modèle fasse craquer le Bey et rêver son esclave. C’est nous que celui-ci fait rêver : avec son joli timbre doré, sa colorature déliée, son phrasé élégant, Lawren Brownlee est tout amour et tendresse en Lindoro exploité par le magnat, tirant le meilleur parti d’une voix modeste mais, pour le coup, homogène et parfaitement projetée – un vrai contraltino rossinien. Malgré la richesse de la voix, Marco Vinco, à l’inverse, nous renvoie à l’époque révolue où, dans Rossini, les basses ignoraient les principes du bel canto, ne s’encombraient pas de scrupules stylistiques et vocalisaient comme des savons, accordant tout leur soin au chant syllabique rapide : cela passe – à la rigueur - pour le Bartolo du Barbier de Séville, pas pour le Mustafà de L’Italienne, qui ne doit pas moins maîtriser la colorature que l’Assur de Sémiramis. Côté clés de fa, l’orthodoxie, où le buffa ne fait pas déroger le beau chant, se trouve du coup incarnée par Alessandro Corbelli, fidèle au poste depuis 1998, subtilement drôle en transi promu par le Bey et moqué par sa belle, là où beaucoup ne sont que grotesques. Si Jaël Azzaretti chante pointu, Cornelia Oncioiu possède toujours son timbre chaud. Et le Haly de Riccardo Novaro a une tenue, une consistance qu’on n’attendrait pas d’un rôle aussi sacrifié, exemplaire dans sa modeste aria di sorbetto. Sans être un foudre de guerre, Maurizio Benini tient bien les rênes, précis et vif, à l’opposé de la production par son refus de la lourdeur et de la vulgarité, notamment au moment des finales. Si, pour être plus scrupuleux qu’inventif, il n’échappe pas pour autant à certaines baisses de tension, il obtient de l’orchestre une légèreté toute rossinienne, avec des très beaux solos instrumentaux dans les airs concertants.


On ne manquera pas de comparer cette Italienne avec celle que nous offrira dans deux mois l’Opéra de Lausanne, où l’on se réjouit de retrouver Lawrence Brownlee en Lindoro et Riccardo Novaro… en Taddeo.



Didier van Moere

 

 

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