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Chorégraphié mais ascétique

Aix-en-Provence
Grand Théâtre de Provence
07/16/2010 -  et 19*, 20, 21 juillet 2010
Jean-Philippe Rameau : Hippolyte et Aricie (extraits) – Pygmalion

Karolina Blixt (Phèdre, Céphise), Sophie Karthäuser (Aricie, L’Amour), Emmanuelle de Negri (Amour, Matelote, Chasseresse, Prêtresse, La Statue), Ed Lyon (Pygmalion)
Les Arts Florissants, William Christie (direction musicale)
Trisha Brown Dance Company, Trisha Brown (mise en scène et chorégraphie), Elisabeth Cannon (costumes)



(© Elisabeth Carecchio)



Le quatrième spectacle de la rubrique opéra du Festival d’Aix-en-Provence 2010 est une production plutôt originale lorgnant du côté du ballet, réunissant pour la première fois la Trisha Brown Dance Company et William Christie à la tête de ses Arts Florissants, pour mettre en scène Pygmalion de Rameau, créé en 1748. Comme cet acte de ballet est plutôt court, les artistes le font précéder d’extraits de la première grande tragédie lyrique de Rameau, datant de 1733, Hippolyte et Aricie, qui comporte beaucoup d’intermèdes dansés sur lesquels Trisha Brown avait déjà élaboré un spectacle. La totalité confronte donc deux dimensions de l’amour, destructeur à travers la folie meurtrière de Phèdre, et créateur, le désir de Pygmalion donnant vie à la statue qu’il a sculptée, mythe puissant qui amène à réfléchir sur le pouvoir de la création artistique.


Trisha Brown, qui a beaucoup travaillé avec John Cage, mais a aussi étudié le ballet «préclassique», ne cherche pas à reconstituer les danses d’époque, mais leur invente un équivalent contemporain, tentant de manifester les structures et l’expressivité de la musique à travers les évolutions de ses neuf danseurs et danseuses, dans une démarche qui rappelle celle de Balanchine. D’ailleurs, le décor blanc nu avec juste quelques traits issus d’un de ses tableaux annonce bien que l’on donne dans le «minimalisme contemporain». Avec la sobriété des costumes blancs et ocre, cela donne une impression de dépouillement janséniste qui jure avec une musique évoquant les ors et les pourpres des fastes rococo!


Plus original, elle chorégraphie les mouvements des chanteurs eux-mêmes, comme elle l’a déjà fait dans ses quatre productions opératiques précédentes: Orfeo de Monteverdi en 1998, Le Voyage d’hiver de Schubert en 2003, et deux œuvres de Salvatore Sciarrino en 2007. Ces derniers ont bien du mérite à parvenir à chanter convenablement tout en se contorsionnant, mais la chorégraphe ne leur impose heureusement que de très rares et brefs retournements. Ce pourrait être une solution intéressante au problème du statisme des chanteurs, mais le résultat ne nous a pas paru très convaincant, surtout dans la suite de danses et d’airs chantés tirés d’Hippolyte et Aricie. La succession de pages secondaires, intermèdes et divertissements, arrachés à cette tragédie lyrique, donne une impression de fadeur et de froideur. Si la fluidité et l’inventivité des évolutions des groupes de danseurs sont plutôt plaisantes, les gesticulations imposées aux chanteurs paraissent quelque peu artificiellement plaquées. Il faut attendre l’ultime pièce retenue, la scène de déploration de Phèdre et du chœur après la mort d’Hippolyte, où le décor se mue en noir, pour enfin éprouver de vraies émotions, grâce à la belle voix de mezzo aux éclats sombres de Karolina Blixt.


Le ballet Pygmalion s’avère plus convaincant, ne serait-ce que parce que l’on respecte la continuité de la musique voulue par Rameau, selon une forme assez étonnante, puisqu’il y a de nombreux airs et même dialogues chantés, comme celui plutôt abrupt entre Pygmalion et Céphise (toujours excellente Karolina Blixt) qui lui reproche de dédaigner son amour. Il y a de jolis moments dans ce spectacle, comme l’éveil de la statue (pétillante Emmanuelle de Negri): on sort enfin de la gratuité, car on se trouve dans une vraie scène d’opéra, et les chanteurs retrouvent de plus en plus leurs attitudes théâtrales conventionnelles, qui semblent tout de même plus naturelles, tout en bénéficiant de la beauté des mouvements des danseurs. L’on est touché de vrais moments de grâce avec les évolutions aériennes de deux danseurs-acrobates suspendus, figurant les virevoltes de deux Amours, féerie reproduite ensuite par la chanteuse Sophie Karthäuser en Amour, également suspendue, qui toutefois ne chante pas dans cette posture.


Si visuellement le spectacle s’avère inégal et discutable, musicalement il est irréprochable, sauf à polémiquer sur le choix des extraits et la valeur des œuvres. William Christie et Les Arts Florissants sont évidemment à leur affaire, le chœur (situé dans la fosse) également. Tous les chanteurs présentent une articulation et une diction impeccables. Les voix blanches de rigueur et le texte de Rameau ne leur permettent pas de se mettre spécialement en valeur: on a connu le ténor Ed Lyon, très juste stylistiquement ici, plus expressif dans Purcell ou Mozart, les sopranos sont délicieuses, notamment Sophie Karthäuser dans de ravissantes vocalises, même si la palme revient à Karolina Blixt, qui impose une présence farouche, dans Phèdre comme dans Céphise.


Le site de la compagnie Trisha Brown
Le site des Arts Florissants
Le site de Sophie Karthäuser
Le site d’Ed Lyon



Philippe van den Bosch

 

 

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