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Violence et perversion

London
Royal Opera House, Covent Garden
07/03/2010 -  et 6, 9, 12, 16 juillet 2010
Richard Strauss: Salomé, opus 54

Angela Denoke (Salomé), Johan Reuter (Jochanaan), Gerhard Siegel (Hérode), Irina Mishura (Hérodias), Andrew Staples (Narraboth), Adrian Thompson (Premier Juif), Robert Anthony Gardiner (Deuxième Juif), Hubert Francis (Troisième Juif), Steven Ebel (Quatrième Juif), Jeremy White (Cinquième Juif), Vuyani Mlinde (Premier Nazaréen), Dawid Kimberg (Second Nazaréen), Nicolas Courjal (Premier Soldat), Alan Ewing (Second Soldat), Sarah Castle (Page d’Hérodias), John Cunningham (Un Cappadocien)
Orchestre du Royal Opera House, Hartmut Haenchen (direction musicale)
David McVicar (mise en scène), Justin Way (reprise de la mise en scène), Es Devlin (décors), Wolfgang Göbbel (lumières), Andrew George (chorégraphie), Emily Piercy (reprise de la chorégraphie), Mark Grimmer, Leo Warner (vidéos)


(© The Royal Opera/Clive Barda)


La Salomé vue par le metteur en scène David McVicar à Londres suinte l’hémoglobine, la décadence, le sadisme et la violence. Production choc créée en 2008, sa reprise n’a rien perdu de sa force. Dans la salle à manger de son palais, Hérode offre un banquet à ses invités, alors qu’au-dessous, dans ce qui ressemble à une cuisine complètement délabrée, des domestiques vaquent à leurs occupations et des gardes lourdement armés surveillent de jeunes filles nues qu’on fait monter pour le bon plaisir du tétrarque; d’autres soldats font le guet autour du puits au fond duquel est enfermé le prophète. Ces images ne sont pas sans rappeler Salò ou les 120 Journées de Sodome de Pasolini. Salomé, qui s’ennuie parmi la bonne société, décide d’emprunter le grand escalier menant au sous-sol, pour ce qui s’apparente, au propre comme au figuré, à une véritable descente aux enfers. La célèbre Danse des Sept Voiles constitue le point culminant de la production: dans un flashback saisissant, illustré de projections vidéo, Salomé et son beau-père passent successivement dans sept pièces différentes, autant d’étapes dans la vie de la jeune fille. Dans la première, la princesse, une peluche à la main, est assise sur les genoux d’Hérode. Image glaçante, terrifiante, tant l’allusion au viol est on ne peut plus claire. A la fin du spectacle, le bourreau qui offre à Salomé la tête de Jochanaan (sans plateau!) est le même qui, couvert de sang, tuera la jeune fille quelques instants plus tard.


Par ailleurs, l’absence de toute charge érotique entre l’héroïne et le prophète saute aux yeux ici. Volonté du metteur en scène ou tempérament des chanteurs? On ne saurait le dire avec certitude. Ce qui est sûr en tout cas, c’est que la Salomé d’Angela Denoke est froide et rationnelle, presque distante, ne jouant à aucun moment la carte de la sensualité. La voix, en revanche, est somptueuse, solide, égale sur tous les registres, avec des aigus particulièrement puissants. Le reste de la distribution est à l’avenant, avec le Jochanaan fanatique de Johan Reuter, au chant intense et sonore, l’Hérode particulièrement pervers de Gerhard Siegel et l’Hérodias un peu en retrait d’Irina Mishura. Dans la fosse, Hartmut Haenchen dirige un orchestre en forme superlative, qui sait rendre avec raffinement la luxuriance de la partition de Strauss. Il n’empêche, une fois le rideau baissé, on quitte le théâtre le sang glacé dans les veines.



Claudio Poloni

 

 

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