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Un Schumann juvénile

Lille
Conservatoire
06/13/2010 -  
Robert Schumann : Kinderszenen, opus 15 – Carnaval, opus 9 – Etudes symphoniques, opus 13

Paul Badura-Skoda (piano)


P. Badura-Skoda


Hormis son tropisme russe, «Lille Piano(s) Festival» avait également un thème tout trouvé en 2010, avec le bicentenaire de la naissance de deux des plus grands compositeurs ayant écrit pour l’instrument: Chopin ayant déjà été honoré par l’édition 2009, il reste ainsi Schumann, qui revient à plusieurs reprises au cours de ces trois jours. Paul Badura-Skoda, vétéran du festival depuis la défection d’Aldo Ciccolini, lui consacre la totalité de son récital. La veille, en ce même Conservatoire (voir ici), Nikolaï Lugansky avait fait salle comble dans Chopin (et Rachmaninov). Est-ce le répertoire? Est-ce l’artiste? Toujours est-il qu’en ce dimanche matin, il reste des places vides. Il ne fallait pourtant pas rater l’occasion d’entendre le pianiste autrichien qui, à bientôt 83 ans, aborde avec panache (et d’une seule traite) un programme aussi copieux que redoutable.


Sous ses doigts, les Scènes d’enfants (1838) ne sont pas des tableaux pensifs de l’adulte qui porte son regard sur le passé, mais autant de pièces vives et de couleurs claires, même la fameuse «Rêverie», bien moins alanguie que de coutume. Mais cette vision n’exclut nullement la profondeur, notamment des deux dernières pièces («L’enfant s’endort» et «Le poète parle»), nonobstant les échos d’une fanfare qui se produit à l’extérieur. C’est la même fraîcheur qui préside au Carnaval (1835), très engagé, avec un naturel irrésistible que lui autorise sans doute sa très longue fréquentation de l’œuvre. Espiègle, tendre, fantasque, charmeur et même brillant, Badura-Skoda déploie les qualités qu’on lui connaît bien: une souplesse qui n’a pas son pareil dans les mouvements de valse, plus viennois que nature, et une rondeur de sonorité qui évite de se faire trop grasse. On tremble parfois pour lui, d’autant qu’il ne triche pas avec le tempo, tant s’en faut, mais il franchit la plupart des obstacles sans encombre, donnant même l’impression de gagner en sûreté au fil du concert.


Toujours aussi souriant et affable, il n’a pas son pareil pour mettre le public dans sa poche au moyen d’une simple œillade, qu’il s’agisse, dans Carnaval, de lui demander de patienter quand ses applaudissements retentissent trop tôt ou, dans les Etudes symphoniques (1835), de s’excuser de devoir reprendre une malencontreuse fausse note finale. La partition inspire souvent des lectures plus monumentales et virtuoses, ou plus soucieuses de sonder les abîmes d’une personnalité romantique et fragile, mais il fait triompher un Schumann juvénile et solaire, débarrassé de tout pathos. En bis, la deuxième des cinq «variations posthumes» offre un magnifique moment de poésie. Une pièce de Carnaval s’intitule «Chopin» et Badura-Skoda revient pour jouer la Deuxième de ses trois Valses de l’Opus 64 (1847). Présent la veille, il a entendu Lugansky qui avait lui-même choisi de conclure sur cette page: inutile de dire que ce Chopin passé par Vienne, plus lyrique et chaleureux, n’a pas grand-chose à voir avec celui du pianiste russe.



Simon Corley

 

 

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