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Une Cendrillon à épouser

Avignon
Opéra-Théâtre
03/21/2010 -  et 23 mars 2010
Gioacchino Rossini: La Cenerentola

Karine Deshayes (Angelina/Cendrillon), Caroline Mutel (Clorinda), Julie Robard-Gendre (Thisbe), Manuel Nunes-Camelino (Don Ramiro), Franck Leguérinel (Don Magnifico), Lionel Lhote (Dandini), Maurizio Lo Piccolo (Alidoro)
Choeurs de l'Opéra-Théâtre d'Avignon, Orchestre lyrique de Région Avignon Provence, Roberto Rizzi-Brignoli (direction musicale)
Charles Roubaud (mise en scène), Emmanuelle Favre (décors), Katia Duflot (costumes)


(© Cédric Delestrade/ACM-Studio/Avignon)


L’Opéra d’Avignon nous propose en coproduction avec le Festival de Spoleto à Charleston aux Etats-Unis une fort belle version de La Cenerentola de Rossini. Les costumes, avec force crinoline et dentelle, situent l’action vers 1820, époque de l’écriture de l’ouvrage, ce qui est cohérent, puisque Rossini et son librettiste ont refusé la dimension merveilleuse et féérique de ce conte. Les décors représentent un palais miteux et utilisent des projections vidéo dans un style volontairement naïf pour suggérer la fête princière. Ils usent de quelques habiles transformations, avec notamment une scène d’orage très spectaculaire, par les éclairages, la gestuelle et finalement le décor lui-même mis en mouvement. La mise en scène de Charles Roubaud, tout-à-fait illustrative, réussit fort bien à rendre les effets comiques.


La direction de Roberto Rizzi-Brignoli s’avère très dynamique, enflammée, avec des ensembles vocaux remarquablement réglés. Le seul regret est que l’orchestre parvienne difficilement à suivre, avec ses attaques vaseuses et ses intonations imprécises. Malgré de jolis vents, il est à la peine pour rendre tout le brio rossinien, et il est bien dommage de l’entendre donner une réplique aussi approximative à d’aussi remarquables chanteurs. Car le plateau vocal réuni pour l’occasion a comblé nos attentes.


Après avoir remarquablement assuré dans le redoutable rôle travesti de Roméo dans I Capuleti de Bellini sur cette même scène d’Avignon à l’automne dernier, Karine Deshayes manifeste encore davantage toute l’étendue de son talent en incarnant à merveille Angelina/Cendrillon. Elle déploie une remarquable variété de couleurs, avec un délicieux registre médium, souvent d’une douceur onctueuse dans les moments les plus intimes, mais aussi d’éblouissantes vocalises colorature. Dans le rôle du Prince, Don Ramiro, le ténor argentin Manuel Nunez-Camelino lui donne une réplique de bon niveau, sans grande puissance, mais avec un timbre ensoleillé, et un chant élégant, très plaisant dans les vocalises.


Dans le rôle du Père, Don Magnifico, Franck Leguérinel manifeste une belle voix grave, mais point trop engorgée, au contraire avec une ligne de chant très claire. Avec beaucoup de présence, il campe à merveille la bouffonnerie du personnage. Le valet Dandini bénéficie de la basse profonde de Lionel Lhote, à la puissance impressionnante, dont le jeu d’acteur et le charisme constituent un régal. Le précepteur Alidoro est rendu de manière aussi fort plaisante par une autre belle voix de basse, celle de Maurizio Lo Piccolo. Enfin, dans les rôles des deux sœurs Clorinda et Thisbe, Caroline Mutel et Julie Robard-Gendre, aux élégantes silhouettes de fashion victim, se marient fort bien, et jouent avec des voix plus acides pour incarner les deux garces de manière très drôle.


En dépit de sa petite faiblesse récurrente au niveau de l’orchestre, on ne peut que louer l’Opéra-Théâtre d’Avignon de parvenir à nous offrir, malgré des moyens financiers problématiques, un spectacle aussi grisant, avec un plateau vocal aussi enthousiasmant.



Philippe van den Bosch

 

 

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