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Un festival de peintures viennoises

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
05/17/2010 -  et 14, 15 (Athinai), 20 (Wien) mai 2010
Richard Strauss : Salomé, opus 54 : « Danse des sept voiles » – Der Rosenkavalier, opus 59 : Première Suite de valses – Scène finale
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 3 en mi bémol majeur, « Héroïque », opus 55

Genia Kühmeier (Sophie), Anne Schwanewilms (La Maréchale), Bernarda Fink (Octavian)
Sächsische Staatskapelle Dresden, Georges Prêtre (direction)


G. Prêtre (© Stefan Trierenberg)


La France a toujours du mal à fidéliser ses grands artistes ; aussi faut-il profiter de la moindre occasion pour avoir enfin le plaisir de les applaudir sur nos scènes. Depuis quand Georges Prêtre n’était-il point venu au Théâtre des Champs-Elysées ? Sauf erreur, la salle de l’avenue Montaigne ne l’avait pas accueilli depuis septembre 2006, à la tête de la Staatskapelle de Dresde : c’est fort dommage puisque, à presque 86 ans, Georges Prêtre offre toujours le spectacle d’un éternel jeune homme qui, âge aidant, attire sur son seul nom une foule enthousiaste. De même, on le voit, plus que jamais, courir les scènes à travers le monde, multipliant sa collaboration avec les orchestres auxquels il a toujours été fidèle, à commencer par la Staatskapelle de Dresde avec laquelle il collabore activement depuis 2002.


Pourtant, bien que très lié à l’orchestre saxon, le programme donné ce soir reflétait avant tout les affinités de Georges Prêtre avec la capitale autrichienne, lui qui fut un hôte régulier de l’Opéra de Vienne dès les années 1960, qui dirigea longtemps l’Orchestre symphonique de Vienne (de 1986 à 1991) avant d’en devenir le premier chef invité et qui se montre régulièrement à la tête de l’Orchestre philharmonique, notamment lors de deux concerts du Nouvel An (en 2008 et 2010).


D’un pas alerte, Georges Prêtre gagne donc son podium afin de diriger la célébrissime « Danse des sept voiles », extraite de Salomé que Richard Strauss (1864-1949) acheva en juin 1905. Le succès mais aussi le scandale provoqué par cet opéra (qui ne put être monté à Vienne à l’époque « pour des raisons religieuses et morales ») est notamment illustré par cette page orchestrale, qui décrit la danse qu’effectue Salomé afin de séduire et d’envoûter le roi Hérode, qui n’est autre que son beau-père. Georges Prêtre prend la partition à bras le corps et, avec un art consommé du rubato, fait magnifiquement sentir, derrière quelques tonalités grinçantes, le drame qui se profile derrière la séduction immédiate. L’emballement final est conclu par une salve d’applaudissements qui viennent saluer un orchestre superbe (le hautbois !) dont il faut rappeler qu’il fut historiquement créateur de l’opéra en décembre 1905.


Après cette peinture orientale venait la peinture d’une Vienne de carte postale, où le climat que l’on peut encore trouver dans certains cafés se mêle à la nostalgie d’une époque à jamais révolue. Car tel est bien le ressenti à l’écoute des ces valses tirées de l’opéra phare de Strauss, Le Chevalier à la rose, créé à Dresde en janvier 1911. Georges Prêtre bénéficie de la souplesse d’un orchestre rompu à ce répertoire et insuffle ainsi aux valses extraites des premier et deuxième actes un côté virevoltant tout à fait extraordinaire. Il faut dire que la direction pour le moins énigmatique du chef permet à l’orchestre de tanguer en mesure sans que les inévitables imprécisions des pupitres ne posent problème pour autant. Tel ne fut pas le cas, en revanche, des extraits chantés de l’opéra. Le premier, issu de la fin du troisième acte, est le célèbre passage où, alors que la Maréchale jette un regard cru sur son passé, Octavian et Sophie se déclarent mutuellement leur amour. Si les trois chanteuses s’avèrent excellentes (en dépit de quelques faiblesses dans les attaques chez Bernarda Fink), c’est surtout Georges Prêtre qui est ici en cause. Gagnant en souplesse ce qu’elle perd en précision, sa direction pose de réelles difficultés à l’orchestre, qui se voit ainsi obligé de suivre le premier violon solo. Les décalages entre instrumentistes et voix solistes sont nombreux jusqu’au départ de la Maréchale, le duo conclusif de l’opéra entre Genia Kühmeier et Bernarda Fink s’avérant superbe de poésie et de musicalité.


C’est également à Vienne que Ludwig van Beethoven acheva puis créa sa Troisième symphonie en avril 1805. Georges Prêtre est un habitué de cette symphonie qu’il a notamment dirigée à la tête de l’Orchestre philharmonique de Vienne il y a plusieurs mois (voir ici), de même que la Staatskapelle de Dresde qui rode cette œuvre depuis quelques semaines, l’ayant déjà interprétée à cinq reprises sous la direction de Neeme Järvi en tournée au début du mois de mai. Là encore, les premières impressions sont fortes grâce à un orchestre splendide, alliant des solistes virtuoses et des pupitres à la cohésion et à la puissance tout à fait remarquables. La gestique de Georges Prêtre est toujours aussi difficile à suivre, oscillant parfois entre le cabotinage et l’absence totale de direction, le chef laissant alors jouer l’orchestre dans une partition qu’il connaît par cœur. Le résultat est donc à l’avenant : le premier mouvement est impérieux, servi par une fougue et une clarté qui témoignent sans aucun doute de l’influence des interprétations baroques en vogue depuis quelques décennies. La marche funèbre du deuxième mouvement (Adagio assai) laisse une impression mitigée, avançant constamment (évitant ainsi toute pesanteur injustifiée) mais manquant de profondeur et de drame. Si le troisième mouvement se révèle assez réussi, on reste sur sa faim avec le final, qui demeure trop statique.


L’enthousiasme du public fut néanmoins réel : un bis fut donc naturellement offert. Vienne encore, à travers la figure de Johannes Brahms (1833-1897) et sa Quatrième danse hongroise séduisante à souhait : heureuse conclusion d’une belle soirée.


Le site de la Staatskapelle de Dresde
Le site de Genia Kühmeier
Le site d’Anne Schwanewilms



Sébastien Gauthier

 

 

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