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«Spectaculaire»

Paris
Cité de la musique
04/15/2010 -  
Pierre Boulez : Répons

Hidéki Nagano, Dimitri Vassilakis (pianos), Frédérique Cambreling (harpe), Michel Cerutti (cymbalum), Samuel Favre (vibraphone), Gilles Durot (xylophone, glockensepiel), Andrew Gerzso (réalisation informatique musicale Ircam), Gilbert Nouno (régie informatique Ircam)
Ensemble intercontemporain, Susanna Mälkki (direction)


S. Mälkki (© Aymeric Warmé-Janville)


Conclusion en forme d’apothéose pour le cycle «Multimédia et temps réel» de la Cité de la musique: apothéose de Pierre Boulez qui, s’il a fêté ses 85 ans récemment à Vienne et vient par ailleurs de diriger l’Orchestre de l’Opéra national de Paris dans un exigeant programme Messiaen (voir ici), assiste à une soirée où tout semble procéder de lui. Car l’une de ses œuvres mythiques est interprétée à deux reprises au cours d’un même et unique concert qui lui est exclusivement consacré, dans un lieu dont il a inspiré la construction, et ce avec la participation d’une formation (l’Ensemble intercontemporain) et d’une institution (l’Ircam) qu’il a fondés et dirigés. L’affluence est d’autant plus grande qu’une exécutions de Répons constitue un événement en soi – en région parisienne, il faut semble-t-il remonter à septembre 1999 à Versailles, sous la direction du compositeur. Prise isolément, chacune des difficultés posées ne serait pas insurmontable, mais c’est sans doute leur cumul qui explique cette rareté: durée (huit sections de trois quarts d’heure sans interruption), complexité technique et, surtout, effectif peu ordinaire, dont le rôle justifie la référence du titre à un procédé en usage dans les offices médiévaux.


Il s’agit en effet de l’alternance et du dialogue entre un ensemble relativement traditionnel placé au centre de la salle – huit cordes (à gauche), neuf bois (à droite) et sept cuivres (à l’arrière-plan) – et six solistes (deux pianos, harpe, cymbalum, vibraphone et xylophone/glockenspiel) installés sur tout le pourtour du balcon. Le caractère modulable de la grande salle de la Cité de la musique, peu souvent mis en valeur, se révèle donc en l’occurrence précieux. Le travail de l’Ircam sur la spatialisation et la modification en temps réel des parties solistes suffirait à justifier le qualificatif de «spectaculaire» auquel recourt la directrice musicale de l’EIC, Susanna Mälkki, dans une très brève intervention liminaire: une véritable cathédrale sonore dès la première intervention des solistes, qui fait visiblement sensation, chacun cherchant à localiser l’origine du déferlement de notes cristallines puis des textures liquides produites grâce à l’informatique. Le jeu des lumières contribue également au «spectacle»: solistes et ensemble instrumental dans le noir lorsqu’ils ne jouent pas, jusqu’à l’extinction complète après le «carillon» conclusif, radieux, presque festif, résonnant longuement comme celui de Noces de Stravinski et ouvrant en même temps sur de nouveaux horizons.


Entouré de haut-parleurs, le public se trouve ainsi plongé dans un environnement luxuriant de timbres et couleurs, qu’il est invité à apprécier une seconde fois, après l’entracte, depuis un autre point de la salle. Dans son propos introductif, Susanna Mälkki prend en effet la peine de rappeler aux spectateurs la recommandation qui leur est faite tant par le programme de salle que par voie d’affichage: monter s’ils étaient placés au parterre et descendre s’ils étaient placés au premier ou au second (galerie) balcon. Bien que peu d’auditeurs aient profité de l’entracte pour s’échapper, cet exercice de chaises musicales ne tourne pas au happening et se déroule sans heurt, Boulez se contentant pour sa part de glisser de quelques fauteuils et restant dès lors en bas, sur le côté, derrière les bois. De fait, depuis un endroit exactement opposé à celui auquel on avait été assigné en première partie, en bas, derrière les cuivres, la perception évolue sensiblement: au second balcon, sur la gauche du chef et presque immédiatement au-dessus de la harpe, la sensation globale est nettement moins enveloppante tandis que «l’orchestre» sonne de façon plus habituelle. Du même coup, l’image, si l’on ose dire, paraît mieux définie et détaillée, aussi bien dans la relation entre le «centre» (l’ensemble instrumental) et la «périphérie» (les six solistes), qu’à l’intérieur même de ce «groupe des six».


L’Ensemble intercontemporain a créé les trois versions successives de cette work in progress, en octobre 1981 (à Donaueschingen) puis en septembre 1982 (à Londres) et en septembre 1984 (à Turin): certains de ses membres étaient déjà là, comme Michel Cerutti au cymbalum, d’autres n’étaient pas encore nés, comme le percussionniste Gilles Durot. L’ayant ensuite enregistrée en septembre 1996 pour Deutsche Grammophon, les musiciens stupéfient une fois de plus par la facilité avec laquelle, sous la direction rigoureuse de la Finlandaise, ils dominent ne seraient-ce que les problèmes posés par le texte. Trépidations, gamelans et enchevêtrements contrapuntiques dignes de Messiaen, incantations, éruptions et chocs telluriques varésiens, le tout nimbé d’une subtilité debussyste ou ravélienne, Boulez, s’il évoque de la sorte la plupart des grands noms de son panthéon esthétique, avec en l’espèce un tropisme plus français que Mitteleuropa (Bartók, Webern), n’en va pas moins de l’avant, et au devant d’un accueil aussi triomphal que prévisible, qui se prolongera certainement fin mai à Pleyel pour les deux volets de l’hommage intitulé «Pierre Boulez, un certain parcours» que lui rendront conjointement avec l’Orchestre de Paris et l’Ensemble intercontemporain.


Le site de l’Ensemble intercontemporain



Simon Corley

 

 

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