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Le rouge lui va si bien

Mons
Théâtre royal
03/24/2010 -  et 12, 13 novembre (Orléans), 8 décembre (Besançon) 2009, 8, 9, 10, 12, 13 (Paris), 22 (Bourges) janvier, 28 (Massy) mars, 27 avril (Chambéry), 11 mai (Echirolles) 2010
Philippe Boesmans : Julie
Carolina Bruck-Santos (Julie), Alexander Knop (Jean), Agnieszka Slawinska (Kristin)
Musiques nouvelles, Jean-Paul Dessy (direction musicale)
Matthew Jocelyn (mise en scène), Alain Lagarde (scénographie), Zaïa Koscianski (costumes), Pierre Peyronnet (lumières)


Ars Musica prend ses quartiers à Mons le temps d’une seule représentation de la nouvelle production de Julie de Philippe Boesmans créée à Orléans en novembre dernier. Le spectacle tourne en France depuis lors (voir ici), ce qui prouve la reconnaissance dont jouit le compositeur en dehors de son pays. Son dernier opéra a d’ailleurs vu le jour à Garnier en janvier 2009 (voir ici) avant de faire son entrée au répertoire de la Monnaie au mois de septembre prochain, cinq ans après que le précédent, d’après Fröken Julie d’August Strindberg, y a été magistralement créé .


Matthew Jocelyn signe de cet ouvrage condensé – une heure et dix minutes de musique dont rien n’est à retrancher, trois personnages, dix-neuf instrumentistes – une nouvelle lecture qui ne pâlit pas de la comparaison avec l’effroyable thriller psychologique conçu par Bondy et immortalisé au DVD. Si la robe de Julie est de nouveau d’un rouge éclatant, la cuisine n’est plus d’un blanc immaculé mais d’un jaune défraîchi. Alain Lagarde accuse d’ailleurs la désuétude du château – le plafond s’effondre lors de l’orage, le poêle ne donne guère l’impression de fonctionner – ce qui inscrit ce drame dans une atmosphère pour le moins déprimante, à l’opposé de l’« univers rose » voulu cette année par l’actuel directeur du festival, Patrick De Clerck, qui a par ailleurs la délicatesse de préciser dans le décapant éditorial de la brochure (« Cher amoureux, fan, masochiste, sadique, amateur, curieux impartial de la musique ») que la programmation de cette édition a été conçue par son prédécesseur Laurent Langlois.


Le programme de salle, qui parle élégamment d’« aporie amoureuse » à propos de Julie, ne divulgue aucune information sur les chanteurs, une négligence regrettable compte tenu de l’engagement et de la tenue vocale dont ils font preuve. Carolina Bruck-Santos se glisse dans la peau d’une Julie moins femme expérimentée que celle de Malena Erman, mais tout aussi tourmentée. Elle se suicide non en s’égorgeant mais en s’étranglant au moyen du fil électrique que Jean lui tend. Le metteur en scène accuse avec raison le gouffre social qui la sépare de dernier, vulgaire, vantard à souhait, contenant mal sa libido mais victime des conventions – fort bon Alexander Knop qui surjoue parfois son personnage. Agnieszka Slawinska, qui se tire d’affaire dans les vocalises, interprète une touchante Kristin, incarnation du bon sens populaire.


L’acoustique du Théâtre royal défavorise les scrupuleux musiciens de Musiques nouvelles qui, sous la direction de Jean-Paul Dessy, rendent justice à cette superbe partition, déjà traitée comme un classique. La formation désormais basée à Mons, et dont la dénomination abandonne depuis cette année le mot « Ensemble », n’en a pas tout à fait fini avec Ars Musica puisqu’elle créera au Concertgebouw de Bruges le 1er avril, soit la veille de la clôture, Darker de David Lang pour ensemble et mise en lumière. Quant à Philippe Boesmans, venu saluer en portant son inséparable écharpe, il compte bel et bien parmi les rares élus qui ont actuellement le privilège de voir leurs opéras repris de leur vivant. Pierre Bartholomée et Benoît Mernier, présents dans la salle, auront-ils cette chance ?


Le site de Musiques nouvelles
Le site d’Ars Musica



Sébastien Foucart

 

 

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