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Quatre mains pour les Ballets russes

Paris
Athénée - Théâtre Louis-Jouvet
03/22/2010 -  et 26 mars 2010 (Lyon)
Maurice Ravel : Ma Mère l’Oye (* #)
Claude Debussy : Pagodes (extrait des «Estampes») (*) – L’Isle joyeuse (*) – La Fille aux cheveux de lin, La Terrasse des audiences du clair de lune et Feux d’artifice (extraits des Préludes) (#) – Prélude à l’Après-midi d’un faune (* #)
Igor Stravinski : Feu d’artifice, opus 4 (arrangement Otto Singer) (* #) – Le Sacre du printemps (* #)

Juliana Steinbach (*), Jonas Vitaud (#) (piano)


J. Steinbach (© Balász Böröcz/Pilvax Studio)


La «Saison Blüthner» offre une carte blanche à Juliana Steinbach (née en 1979) pour quatre programmes, donnés chacun à deux reprises, à l’Athénée à Paris puis salle Molière à Lyon. Au cours de cette série, la pianiste franco-brésilienne s’est déjà produite avec la violoniste Sayaka Shoji, puis en récital en solo. Avant d’accueillir, fin mai et début juin, le Quatuor Kuss, elle a invité Jonas Vitaud (né en 1980), lauréat comme elle du Prix Blüthner de la Fondation Alfred Reinhold, pour une soirée consacrée essentiellement à des musiques pour deux pianos ou piano à quatre mains liées aux Ballets russes de Diaghilev.


Si Ravel leur destina Daphnis et Chloé, ce ne fut pas le cas de Ma Mère l’Oye, qui, avant de devenir un ballet pour l’Opéra de Paris (1912), consistait en une série de cinq «pièces enfantines» à quatre mains (1910). Le «Modèle 1» de Blüthner paraît plus sourd et plus mat que les Steinway et Yamaha auxquels l’oreille est habituée. Peut-être les musiciens éprouvent-ils en outre quelque mal à s’adapter à sa mécanique, car certaines notes sont éludées et la sonorité semble assez sèche. Mais ils n’en soulignent pas moins les élans passionnés des «Entretiens de la Belle et de la Bête» et prennent même quelque liberté avec le texte: Jonas Vitaud pince ainsi une corde pour encore mieux imiter le gong dans «Laideronnette, impératrice des pagodes».


«Pagodes», c’est précisément le titre de la première des trois Estampes (1903) de Debussy, que Juliana Steinbach vient d’enregistrer pour Paraty: elle sait y faire preuve de fluidité sans pour autant céder à un impressionnisme mou. Capricieuse, presque heurtée, L’Isle joyeuse (1904) préfigure sous ses doigts les «Jeux de vagues» de La Mer plutôt qu’un embarquement pour Cythère. Jonas Vitaud poursuit ce mini-récital Debussy avec trois des Préludes, «La Fille aux cheveux de lin», extrait du Premier livre (1910), puis «La Terrasse des audiences du clair de lune» et «Feux d’artifice», extraits du Second livre (1912): tour à tour poétique et vigoureux, précis et spectaculaire, il y déploie un jeu à la fois sensible et complet.


Enchaînement logique, Feu d’artifice (1908) de Stravinski ne fut certes pas écrit pour les Ballets russes, mais cette courte pièce orchestrale contribua grandement à ce que Diaghilev commande L’Oiseau de feu au jeune compositeur russe. Otto Singer (1863-1931) était certes rompu à l’exercice – on lui doit par ailleurs notamment une réduction de la Cinquième symphonie de Mahler que Jonas Vitaud présenta voici quelques années avec Philippe Cassard (voir ici) – mais son travail sonne ici de façon encore plus remarquable, parvenant à rendre justice au fourmillement de la partition originale.


En seconde partie, les deux œuvres, adaptées par leurs auteurs eux-mêmes, sont évidemment liées aux Ballets russes. Dans le Prélude à l’Après-midi d’un faune (1894) de Debussy, l’écriture pour deux pianos autorise moins de langueur qu’à l’orchestre, mais le duo n’en souligne pas moins les effusions. Moins connue que la version pour quatre mains, celle pour deux pianos du Sacre du printemps (1913) de Stravinski n’est pas moins difficile à mettre en place: à vive allure, mais sans en exagérer le caractère percussif et survolté, les interprètes relèvent le défi et atteignent de belles réussites, comme la «Danse rituelle des ancêtres». A noter que de façon tout aussi inhabituelle, Jonas Vitaud préfère à nouveau, à la fin de «L’Adoration de la terre» frapper directement la corde plutôt que la touche de son clavier pour jouer le fa répété dans la brève section intitulée «Le Sage».


Les trois bis reviennent à des pages originellement écrites pour quatre mains, d’abord «Pour l’Egyptienne», avant-dernière des six Epigraphes antiques (1914) de Debussy, pas moins ensorcelante que Le Sacre. Plus attendris qu’ironiques, les deux pianistes ne forcent pas le trait dans la Valse, deuxième des Trois pièces faciles (1915) de Stravinski, mais la troisième de ces pièces (Polka), dédiée à Diaghilev, aurait été mieux en situation. Le dernier mot revient à un aphorisme tiré des huit volumes de Jeux de Kurtág: «Nous sommes des fleurs...» ne comprend que sept notes partagées entre les deux pianistes, mais elle permet à Jonas Vitaud, plutôt que de croiser au-dessus du clavier, de conclure en passant le bras derrière le dos de Juliana Steinbach pour atteindre l’ultime note dans le grave.


Le site de Juliana Steinbach
Le site de la Saison Blüthner



Simon Corley

 

 

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