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En direct du Vlaamse Opera Antwerp Vlaamse Opera 02/12/2010 - et 16, 20, 24, 28 février, 3, 7*, 10, 13 mars 2010 Giuseppe Verdi: Don Carlos (version française de 1867) Jean-Pierre Furlan (Don Carlos), Susanna Branchini/Karine Babajanyan* (Elisabeth), Francesco Ellero d’Artegna (Philippe II), Dario Solari (Rodrigue, marquis de Posa), Marianna Tarasova (La Princesse d’Eboli), Jaco Huijpen (Le Grand Inquisiteur), Marcel Rosca (Un moine), Sabine Conzen (Thibault), Thorsten Büttner (Le Conte de Lerme/Le Héraut), Liesbeth Devos (Une voix céleste), Milcho Borovinov, Adrian Fisher, Laurent Kuba, Nabil Suliman, Bruno Schraen-Vanpaperstraete, Jean Bermes (Députés flamands)
Koor van de Vlaamse Opera, Yannis Pouspourikas (chef des chœurs), Symfonisch orkest van de Vlaamse Opera, Alexander Joel (direction)
Peter Konwitschny (mise en scène), Johannes Leiacker (décors et costumes), Hans Toelstede (éclairages)
(© Annemie Augustijns)
Le Vlaamse Opera d’Anvers reprend le Don Carlos de Peter Konwitschny produit par le Wiener Staatsoper en 2004. Le spectacle se déroule sans bonne ni mauvaise surprise jusqu’au deuxième tableau du troisième acte : un séjour des années 1960 glisse sur scène et le ballet est remplacé par un dîner offert par Carlos, rentré fourbu d’une journée de travail, et Eboli, enceinte de ce dernier, à leur couple d’amis Philippe et Elisabeth. Ce burlesque de cinéma muet – comme la volaille est trop cuite, on commande des pizzas chez Posa – amuse le public et détend l’atmosphère. Autre trouvaille, sortant de l’ordinaire cette fois-ci : durant le premier entracte, une équipe de télévision filme l’arrivée du Grand Inquisiteur (aveugle) et du Roi. La speakerine (trilingue) invite à suivre l’autodafé dans la salle, où règne un brouhaha réjouissant (tant pis pour l’orchestre qui joue tant bien que mal), ou dans les couloirs et le foyer en suivant sur écrans géants ce qui se passe sur et hors scène. Et histoire de politiser le propos, des tracts sont lâchés des balcons. Du Regietheater volontiers impertinent mais ne semblant pas offusquer les spectateurs, qui se prêtent au jeu de bonne grâce mais non sans étonnement.
Mais hormis ces délires, c’est de théâtre, certes pensé mais routinier, qu’il s’agit : abstraction, dépouillement et intemporalité des décors (ciel étoilé mais aucune forêt à Fontainebleau, sempiternels panneaux pivotants munis de portes), éclairages jouant sur le blanc et le noir quand ils n’imposent pas dans le bal masqué des couleurs fluo de fêtes foraines, costumes joyeusement anachroniques – les moines semblent sortir tout droit d’une bande dessinée, le cou de certains protagonistes est décoré de fraises mais des hommes et femmes en tenue de soirée assistent à l’autodafé, coupe de champagne à la main. Quant au jeu des acteurs, plutôt convenu mais jamais esquissé, il exploite toute la palette des sentiments verdiens sans toutefois éviter les gestuelles ridicules. Ainsi, au deuxième acte, Don Carlos et Posa donnent l’impression de nager en brasse dans une eau invisible. En tout cas, le fils du chef Franz Konwitschny évite le faste et la pompe inhérents au genre ce qui, en soi, est beaucoup.
(© Annemie Augustijns)
Vocalement, ce n’est pas Byzance mais le public en a pour son argent. Pour homogène qu’elle soit, la distribution ne rayonne d’aucun éclat particulier et confirme qu’une diction française parfaite reste une denrée rare à l’opéra. Jean-Pierre Furlan a déjà endossé le rôle-titre à Hambourg, Boston et Copenhague : si la voix, bien que solide, manque parfois de pureté, sa prestation a du style et explore finement les facettes du personnage. Prise de rôle réussie pour Karine Babajanyan et Marianna Tarasova qui possèdent avec conviction Elisabeth et Eboli grâce à un timbre approprié et une aisance scénique certaine. Si Dario Solari livre un Posa honnête, Francesco Ellero d’Artegna s’impose dans Philippe II grâce à sa prestance et à la régularité de son chant. Si la perfection absolue n’y règne pas, la fosse soutient constamment l’intérêt au même titre que les parties chorales préparées par Yannis Pouspourikas : la direction enflammée, urgente mais pondérée quand la musique l’exige d’un Alexander Joel familier de ce répertoire épouse adroitement l’action tandis que l’orchestre, parfaitement domestiqué, se montre concerné, endurant et livre même de belles interventions solistes, notamment dans le fameux et très attendu air de Philippe II, applaudi comme il se doit.
Sébastien Foucart
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