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Pauvre Berlioz !

Paris
Opéra-Comique
02/24/2010 -  et 26, 28* février, 2, 4, 6 mars
Hector Berlioz : Béatrice et Bénédict
Christine Rice (Béatrice), Allan Clayton (Bénédict), Ailish Tynan (Héro), Elodie Méchain (Ursule), Edwin Crossley-Mercer (Claudio), Jérôme Varnier (Don Pedro), Michel Trempont (Somarone), Giovanni Calò (le Messager), David Lefort (le Messager), Bob Goody (Alberto)
Chœur de chambre Les Eléments, Joël Suhubiette (direction), La Chambre Philharmonique, direction Emmanuel Krivine
Dan Jemmett (mise en scène)


(© Pierre Grosbois)


Des pantins agités dans un castelet de guignol par un montreur de marionnettes sicilien parlant anglais, voilà ce qu’a imaginé Dan Jemmett pour le pétillant Béatrice et Bénédict de Berlioz, chef-d’œuvre de finesse où son inspiration, au-delà du croisement de Rossini et de l’opéra-comique français, peut atteindre les plus hauts sommets, pimentée de piques et de clins d’œil musicaux malicieux. Certes l’idée du théâtre dans le théâtre à plusieurs niveaux, même si elle est fort rebattue aujourd’hui, se peut justifier. Encore faut-il qu’elle soit soutenue par une vraie direction d’acteurs : on nous sert à la place des personnages au grimage et aux gestes d’automates, figures grotesques convenant davantage aux tréteaux de Petrouchka, qui ne prennent guère vie quand ils quittent leur état de pantin. S’il est vrai que Berlioz a composé un « opéra-comique imité de Shakespeare » en puisant dans Beaucoup de bruit pour rien, ramené ici à l’histoire somme toute secondaire des deux jeunes gens, les commentaires du bonimenteur Alberto, tirés de l’original, n’ajoutent rien que de la confusion, même confiés à un Bob Goody plein d’humour complice – sans compter que la plupart des protagonistes disent les dialogues avec un accent anglais moins délicieux que pénible. Bref, tout cela ne fonctionne pas et ne peut cacher la vacuité d’un propos fourre-tout. Le plat de gourmet s’est mué en soupe épaisse. L’Opéra-Comique constituait pourtant le cadre idéal pour l’ultime ouvrage lyrique de Berlioz, créé au Théâtre Bénazet de Baden-Baden en 1862.



L’interprétation ne console pas de ce ratage. Emmanuel Krivine, qui nous donne de grandes joies au concert, ne parvient pas, dans la fosse, à imprimer à sa direction un élan théâtral ; ses bonnes intentions se voient trahies par une Chambre philharmonique dépourvue de la moindre homogénéité, aux sonorités râpeuses, sans fruité ni rondeur, incapable de restituer la magie mystérieuse du Nocturne, par exemple. On a beau sentir que le chef cherche la clarté et la souplesse, tout tourne court et les phrasés ne trouvent pas leur galbe. La distribution s’avère moyenne, voire médiocre. Parmi les protagonistes, seul le Bénédict d’Allan Clayton, très anglais d’école, tire vraiment son épingle du jeu, ductile d’émission, à l’aise dans l’aigu, impeccablement stylé. Christine Rice, elle, accuse des duretés dans le timbre, des raideurs dans l’émission, des inégalités dans la ligne qui entachent la probité de sa Béatrice et compromettent sérieusement le grand air du second acte. On ne lui préfère pas la Héro d’Ailish Tynan, non moins honnête, mais manquant de charme, au legato et au phrasé appliqués, à la vocalisation laborieuse, ne pouvant du coup créer dans le Nocturne l’enchantement attendu – excellente Élodie Méchain, en revanche. Somarone, ce Falstaff avant l’heure, finit toujours confié à des chanteurs en bout de course et de souffle : Michel Trempont, à plus de quatre-vingts ans, fait plutôt bien ce qu’il peut encore faire… dans un français impeccable, lui. Tout aussi impeccable que celui des Eléments, habillés pour le coup en costumes d’époque de la création, dont les interventions sauveraient presque cette production à oublier.


Autant dire qu’on garde la nostalgie de la version de concert, même imparfaite, de sir Colin Davis à la tête du National. Shakespeare a plus de chance avec le Falstaff des Champs-Elysées.



Didier van Moere

 

 

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