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Pépinière berlinoise Paris Cité de la musique 03/02/2010 - Joseph Haydn : Quatuor n° 24, opus 9 n° 6
Leos Janácek : Quatuor n° 2 «Listy dùvìrné»
Robert Schumann : Quintette avec piano, opus 44
Quatuor Philharmonia de Berlin: Daniel Stabrawa, Christian Stadelmann (violon), Neithard Resa (alto), Dietmar Schwalke (violoncelle) – Elisabeth Leonskaïa (piano)
Le Quatuor Philharmonia de Berlin (© Stephan Roehl)
La venue de l’Orchestre philharmonique de Berlin à Pleyel (voir ici et ici) s’inscrit dans un ensemble plus vaste de manifestations: organisé par la Cité de la musique et intitulé «Le modèle orchestral Berliner Philharmoniker», le cycle a déjà offert par ailleurs un «forum» (conférence, table ronde et projection de documents filmés) sur la prestigieuse phalange allemande puis concert des Solistes baroques de Berlin, ensemble fondé par quelques-uns de ses membres. Il s’achève sur un programme donné par le Quatuor Philharmonia de Berlin: constitué en 1984, à l’image du Quatuor du Gewandhaus de Leipzig, par quatre chefs de pupitres des Philharmoniker menés par le Konzertmeister Daniel Stabrawa, il a conservé la même composition durant un quart de siècle, jusqu’au décès de son violoncelliste, Jan Diesselhorst (1954-2009), remplacé tout naturellement par un autre musicien de l’orchestre, Dietmar Schwalke. Et encore, on n’a pas ainsi fait le tour de la pépinière berlinoise, dont est en effet également issu l’Ensemble Scharoun, qui se produira au musée d’Orsay les 11, 13 et 14 mars prochain.
Le Quatuor Philharmonia a choisi de commencer par le dernier des six Quatuors de l’Opus 9 (1769) de Haydn: assez rarement abordé au concert, ce recueil, antérieur de trois ans seulement à l’Opus 20, n’en possède pas encore toute la portée novatrice. Mais ce Vingt-quatrième quatuor ne manque pas pour autant d’intérêt, d’autant qu’il est servi par une interprétation sage et académique, d’une impeccable franchise stylistique: Presto initial annonçant le Dix-septième quatuor «La Chasse» de Mozart, Menuet comprenant un Trio en mode mineur, Adagio où le premier violon chante haut dans l’aigu et fusées en traits descendants de l’Allegro final.
Contraste radical avec le Second quatuor «Lettres intimes» (1928), dont la construction en quatre mouvements ne peut dissimuler que Janácek s’ingénie à faire éclater le modèle établi par Haydn. Instrumentalement satisfaisante – en particulier l’alto de Neithard Resa, très sollicité dans cette œuvre – la prestation du Quatuor Philharmonia déçoit en revanche par un ton bien trop tiède, lisse et mesuré, plus studieux que passionné: unifiant le discours délibérément fragmenté du compositeur tchèque, il présente une plaidoirie argumentée, certes avec talent, alors que cette musique n’est qu’un immense cri, appelant un jeu plus engagé, rauque et rugueux.
Après l’entracte, le Quintette avec piano (1842) de Schumann demeure lui aussi très en deçà de son potentiel expressif, malgré l’adjonction d’Elisabeth Leonskaïa. Dans l’Allegro initial, plus pesante que brillante, le second thème ne cesse de s’alanguir: où est passé le formidable jaillissement créateur de cette période de la production chambriste du compositeur? Le deuxième mouvement paraît encore plus éteint, sans enjeu, presque indifférent, de telle sorte que le Scherzo apporte enfin un peu de vie, pour retomber dans un Allegro ma non troppo final plus consciencieux qu’enthousiaste.
Une soirée à oublier dans la carrière de ces grands artistes, dont la générosité mérite néanmoins d’être saluée, puisqu’ils offrent en bis le Scherzo du Quintette (1940) de Chostakovitch, plus aimable et moins sarcastique qu’à l’accoutumée, puis à nouveau celui du Quintette de Schumann.
Simon Corley
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