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Un hippocampe en hiver Normandie
Deauville (Salle des fêtes)
02/13/2010 -
Jean Cras : Suite en duo
Jules Massenet : Méditation de Thaïs
Maurice Ravel : Pièce en forme de Habanera
Raymond Murray Schafer : Wild Bird
Camille Saint-Saëns : Fantaisie, opus 124
Manuel de Falla : Danse espagnole de «La Vie brève»
Duo Bergamasque : Anne-Cécile Brielles (violon), Nathalie Cornevin (harpe)
Le Duo Bergamasque
Curieux concert organisé à Deauville dans une petite salle des fêtes entourée d’amas de neige et de glace par l’Association des amis de Lily Laskine, présidée par la harpiste Bertile Fournier. C’est, il est vrai, à côté de Deauville, à Touques, que siège l’association qui organise tous les trois ans, depuis 1993, le concours international de harpe du nom de la célèbre et dynamique harpiste décédée en 1988. Il ne s’agissait cependant pas d’une épreuve de concours – qui a pu avoir lieu dans la fameuse cité balnéaire – mais de la présentation assez confidentielle d’un jeune duo violon-harpe créé en 2004 et originaire de Lyon, Duo Bergamasque, nom évoquant Verlaine, Fauré et Debussy, lequel avait inscrit à son programme des pièces plutôt rares, essentiellement françaises, et accordant une place virtuose à la harpe.
La première pièce, d’un bon quart d’heure, était ainsi une Suite en duo de Jean Cras (1879-1932), compositeur contre-amiral connu par tous les lecteurs de cartes marines des mers du monde mais insuffisamment des salles de concert. Les deux jeunes artistes la jouèrent de mémoire comme toutes les autres pièces, à part la deuxième, et, grâce à une parfaite complicité, en dégagèrent, sans afféterie, le parfait équilibre marqué de délicates allusions au folklore breton même si plus d’engagement de la part de la violoniste eût pu paraître souhaitable.
La brève mais célèbre Méditation de Thaïs extraite de l’opéra éponyme (1894) de Jules Massenet (1875-1912) qui aimait passer des vacances à Villerville, non loin de Deauville et célèbre pour son Singe en hiver depuis qu’Henri Verneuil y adapta en 1962 un roman d’Antoine Blondin, précéda ensuite une interprétation manquant à l’évidence de déhanchement et de fantaisie de la compendieuse Pièce en forme de Habanera de Maurice Ravel (1875-1937). Wild Bird du canadien Murray Schafer (né en 1933) rattrapa cette impression de fadeur dans de remarquables vols d’oiseaux de huit minutes suivant des trajectoires folles et en tous sens. Le violon finit par imiter par des pizzicati la harpe dans cette pièce aussi méconnue que plaisante, naturelle et d’intérêt constant. Avec Camille Saint-Saëns, dans des pages cette fois inspirées de l’opéra Samson et Dalila (1877), on retrouva des pluies de notes et un jeu moins précis, notamment au violon, la harpiste ayant parfois tendance à taper les cordes de son instrument. Mais le phrasé et la cohésion des artistes sans faille furent exemplaires dans les belles mélodies finales. Manuel de Falla (1976-1946) conclut alors le programme par un extrait de La Vie brève (1913), les artistes montrant un engagement plus net, la pulsation ibérique étant indéniablement là et semblant parfaitement justifier le premier prix obtenu par le duo au concours de musique de chambre de Madrid en 2008.
Le duo offrit en bis au trop maigre public un Nocturne très paganinien du fondateur de la harpe moderne Nicolas-Charles Bochsa (1789-1856) permettant à Nathalie Cornevin de montrer son indéniable domination de cette sorte d’hippocampe qu’est la harpe.
Le site du Duo Bergamasque
Le site de l’Association des amis de Lily Laskine
Stéphane Guy
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