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Arithmétique musicale

Paris
Théâtre du Châtelet
02/14/2010 -  
Joseph Haydn : Quatuor n° 46, opus 50 n° 3
Henri Dutilleux : Ainsi la nuit
Maurice Ravel : Quatuor

Quatuor Arcanto: Antje Weithaas, Daniel Sepec (violon), Tabea Zimmermann (alto), Jean-Guihen Queyras (violoncelle)


Le Quatuor Arcanto (© Marco Borggreve)


Comment appelle-t-on des parents qui enferment leurs enfants dans le noir durant 90 minutes en leur interdisant de boire et de manger tout en leur ôtant même le droit de bouger et de parler? Des tortionnaires, bien sûr. Mais pas quand il s’agit de les emmener trop jeunes au concert, où ce genre d’initiative réussit pourtant généralement un triple exploit: ennuyer les enfants – au bout d’un quart d’heure, au plus, le rituel «Dis papa, quand est-ce qu’on part?» ne manque pas de retentir – tout en gâchant la sortie des parents et en dérangeant les spectateurs avoisinants.


Mais c’est bien le seul inconvénient – avec l’admission peu discrète des retardataires sans même attendre la faveur d’une pause entre deux mouvements – des «Concerts du dimanche matin» au Châtelet, dont la qualité de programmation, semaine après semaine, ne laisse pas de susciter l’admiration. Ainsi du Quatuor Arcanto, qui professe une bien curieuse arithmétique musicale, dans laquelle 1 + 1 + 1 +1 = 1. Car chacun de ses membres – les violonistes Antje Weithaas et Daniel Sepec, l’altiste Tabea Zimmermann, le violoncelliste Jean-Guihen Queyras –, pour être un soliste réputé, ne s’en fond pas moins dans un tout sans abdiquer quoi que ce soit de sa personnalité. Après tout, au-delà de la certitude d’une qualité instrumentale de tout premier ordre, rien ne garantissait que la complicité artistique entre les membres cette «dream team», qui se produit depuis maintenant près de six ans, allait bénéficier de cette imprévisible alchimie qui fait toute la différence entre un quatuor et quatre musiciens.


Mais la respiration, l’inspiration sont visiblement partagées, et ce dès le Quarante-sixième quatuor de Haydn, troisième de ces six Prussiens de l’Opus 50 (1787) un peu injustement négligés par rapport aux recueils antérieurs (Opus 20, Opus 33) ou postérieurs (Opus 64, Opus 76). Or l’Andante più tosto allegretto de ce quatuor, par exemple, déroule l’une des plus belles séries de variations du «père du quatuor». Transparente et légère, l’interprétation évite le registre niaiseux du gentil «papa Haydn».


Toute la finesse et la précision des Arcanto ne sont pas de trop pour rendre justice à la subtilité et à la richesse des évocations d’Ainsi la nuit (1976) de Dutilleux: même s’il est dommage que trop d’arrêts entre les sept parties viennent interrompre un flux dont la partition indique qu’il ne doit s’arrêter qu’une seule fois, l’œuvre est magnifiquement mise en valeur par leur jeu limpide et étincelant, lyrique et fantastique, de telle sorte qu’on se demande si le compositeur, venu pour l’occasion et salué comme de coutume par une longue ovation, l’a souvent entendue de la sorte.


Toujours d’une formidable clarté, le Quatuor (1903) de Ravel paraît toutefois en retrait. Les tempi semblent un peu lents, sauf dans le dernier mouvement, très enlevé comme pour faire étalage d’une maîtrise technique pourtant amplement démontrée par ailleurs. Surtout, à force de délicatesse évanescente, au bord de l’évanouissement, comme dans le second thème du premier mouvement ou l’épisode central du scherzo, l’atmosphère se charge d’une préciosité excessive. Après ce copieux programme donné d’une seule traite, Jean-Guihen Queyras, ne dissimulant pas l’émotion ressentie par le quatuor à avoir joué en présence de Dutilleux, annonce le bis: le Menuet du Quinzième quatuor (1783) de Mozart, très travaillé, dont le strict contrepoint ne ressort pas de façon aussi austère que d’habitude, d’autant que son Trio sonne ici comme une délicieuse petite boîte à musique.



Simon Corley

 

 

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