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Symphonie écossaise

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
02/08/2010 -  et 9 février 2010 (München)
Gabriel Fauré : Pelléas et Mélisande, opus 80
Jean Sibelius : Concerto pour violon, opus 47
Antonín Dvorák : Symphonie n° 8, opus 88, B. 163

Hilary Hahn (violon)
Royal Scottish National Orchestra, Stéphane Denève (direction)


S. Denève (© Drew Farrell)


Au lendemain de la rencontre Ecosse-France de rugby à Murrayfield, c’est l’Orchestre national royal d’Ecosse qui effectue le déplacement à Paris: malgré l’Auld Alliance qui lie les deux nations depuis le Moyen-Age, il ne s’y était rendu qu’à une seule reprise depuis sa fondation en 1891, à l’occasion du Festival Présences en février 2006. Cette deuxième visite prend place dans le cadre d’une tournée qui, après Baden-Baden et Luxembourg, emmènera d’ici le 11 février la phalange glaswegienne à Munich, Vienne et Belgrade. Pour Stéphane Denève, qui en est l'actuel directeur musical, cette étape au Théâtre des Champs-Elysées revêt en outre une signification particulière, car il se produit rarement dans son propre pays.


L’Ecossais Alexander Gibson (1926-1995), qui a façonné l’orchestre durant un quart de siècle (1959-1984), a été suivi de Neeme Järvi et Bryden Thomson, qui ont abondamment enregistré pour Chandos, puis de Walter Weller et Alexandre Lazarev, auquel le chef nordiste a succédé en septembre 2005. Mais c’est chez Naxos que la formation écossaise s’est récemment illustrée, venant d’achever une intégrale remarquée des Symphonies de Roussel sous la baguette de Denève, lui aussi originaire de Tourcoing. Agé de trente-huit ans, il est désormais invité par la plupart des grands orchestres européens et américains: voici donc encore, comme Philippe Auguin, Bertrand de Billy, Frédéric Chaslin, Louis Langrée, Yan Pascal Tortelier ou Emmanuel Villaume, et pour ne s’en tenir qu’aux seuls chefs d’orchestre, un de ces Français dont la carrière s’épanouit – pour l’heure, du moins – essentiellement à l’étranger.


Le Royal Scottish National Orchestra (RSNO) a emporté avec lui des œuvres de Dvorák, Fauré, Prokofiev, Sibelius et d’un enfant du pays, James MacMillan, dont diverses combinaisons permettent de constituer plusieurs programmes différents. A Paris et à Munich, pas d’ouverture pour précéder la traditionnelle séquence concerto/symphonie, mais une entrée en matière plus développée: les quatre morceaux purement symphoniques sur les cinq que compte la Suite de Pelléas et Mélisande (1898/1900) de Fauré, dont Denève a dirigé le Requiem le mois dernier à Edimbourg puis à Amsterdam, à la tête de 250 musiciens et choristes. De même, l’effectif est ici assez inhabituel (60 cordes), offrant une plénitude et une ampleur dont il joue sans en abuser: la couleur s’en trouve sans doute assombrie, d’autant que la sonorité de l’orchestre apparaît plutôt terne, mais hormis une «Sicilienne» un peu lente, la poésie («Prélude») et la fluidité («La Fileuse») y sont, pour conclure sur une poignante «Mort de Mélisande».


Quelques années après Fauré, Schönberg achevait son propre Pelléas et Mélisande, poème symphonique entendu la veille à Pleyel (voir ici), et un autre grand compositeur, Sibelius, écrivait lui aussi une musique de scène pour le drame de Maeterlinck. Mais du Finlandais, c’est le Concerto pour violon (1905) qui est à l’affiche, puisque toutes les dates de cet European Tour 2010 bénéficient de la présence de Hilary Hahn. En alternance avec le Premier de Prokofiev, elle donne donc ce Concerto de Sibelius dont elle a récemment laissé un magnifique témoignage chez Deutsche Grammophon (voir ici): en ce lundi soir, nul doute que c’est elle qui a attiré les foules avenue Montaigne.


Non sans raison, car l’accompagnement, épais et tonitruant, bien qu’allégé de quelques pupitres, contraste en tout point avec le jeu de la violoniste américaine: face à la Bête, la Belle s’impose avec finesse et sobriété, quitte à sembler un peu trop lisse dans le premier mouvement, sans forcer le caractère abrupt et âpre, ou même simplement romantique et virtuose de sa partie. Mais sa prestation culmine dans un Finale plus engagé, où une technique tant phénoménale qu’éblouissante – pas un seul trait savonné – se met au service d’une exactitude aussi vertigineuse que le décolleté plongeant de sa robe noire. Denève demeure dans l’embrasure de la porte menant aux coulisses pour ne pas rater les bis: l’inévitable Sarabande de la Deuxième partita de Bach, puis la Gigue de la Troisième partita.


Après l’entracte, la Huitième (1889), pourtant réputée la plus mozartienne des Symphonies de Dvorák, sonne de façon à la fois compacte et massive, robuste et rustique, balèze voire balourde. Sans parvenir à dissimuler certaines faiblesses instrumentales, à commencer par celles des premiers violons, Denève confère cependant élan et générosité à cette musique, veillant sans cesse à la respiration et au chant, mais dramatisant parfois excessivement le propos, jusqu’à en devenir excessivement bruyant. De même, en bis, la bonne santé de la première des huit Danses slaves de l’Opus 72 (1887/1888) verse souvent dans le tapage.


Le music director est si bien intégré en Ecosse qu’il a annoncé «slavonic» au lieu de «slave» et que, «sans mettre son kilt», il met fin à la soirée avec une série de danses folkloriques (Eightsome Reels), «signature» emblématique d’un orchestre qui s’est toujours plu à mettre ainsi en valeur sa spécificité nationale: entre dernière nuit des Proms, Marche de Radetzky du Nouvel An à Vienne et feria de la jeunesse vénézuélienne à la Dudamel, les musiciens crient ou brandissent bien haut leurs instruments tandis que les spectateurs ne se font pas prier pour marquer le rythme en frappant dans leurs mains.


Le site de l’Orchestre national royal d’Ecosse
Le site de Hilary Hahn



Simon Corley

 

 

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