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Quand le grotesque éclipse la musique...

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
01/30/2009 -  et 1er*, 3, 5 février 2010
Gioacchino Rossini : La Cenerentola

Antonio Siragusa (Don Ramiro), Stéphane Degout (Dandini), Pietro Spagnoli (Don Magnifico), Carla Di Censo (Clorinda), Nidia Palacios (Tisbe), Vivica Genaux (Angelina), Ildebrando D’Arcangelo (Alidoro)
Chœur du Théâtre des Champs-Elysées, Stephen Betteridge (chef de chœur), Concerto Köln, Michael Güttler (direction)
Irina Brook (mise en scène), Noëlle Ginefri (décors), Sylvie Martin-Hyszka (costumes), Cécile Bon (chorégraphie)


(© Alvaro Yanez)


Lorsque La Cenerentola fut créée à Rome en janvier 1817, Gioacchino Rossini (1792-1868) en était déjà à son vingtième opéra! Si l’on compte quelques emprunts à des œuvres antérieures (notamment La Gazzetta, créée en 1816, dont il reprend ici l’ouverture sans rien y changer, et Il Barbiere di Siviglia, également créé en 1816), le nouveau chef-d’œuvre basé sur le célèbre conte de Charles Perrault fit sensation. Il est vrai que Rossini y met une verve incroyable et offre aux chanteurs de véritables bijoux vocaux oscillant comme souvent entre la franche bouffonnerie et le tragique doux-amer. Globalement, la trame du conte est respectée puisque, maltraitée par son père, faisant l’objet des sarcasmes de ses deux demi-sœurs, Cenerentola (surnommée pour l’occasion «Angelina») se morfond en rêvant au prince charmant. Repérée par ce dernier (déguisé en simple écuyer), elle est invitée à un bal, à l’instar et à l’insu de Clorinda et Tisbe. La suite est connue: naturellement, elle fait sensation et sera plus tard reconnue par le prince grâce au bracelet (et non ici à la pantoufle de vair) qu’elle porte à son poignet, bracelet identique à celui qu’elle avait perdu lors de la soirée. Magnanime, Angelina pardonne à son père et à ses deux demi-sœurs pour vivre avec le prince qui était tombé amoureux d’elle dès le premier regard.


C’est ici la reprise d’une production que le Théâtre des Champs-Elysées avait déjà présentée en mai 2003 (avec, dèjà, Vivica Genaux dans le rôle d’Angelina et Ildebrando D’Arcangelo dans celui d’Alidoro) et en novembre 2004 (Elina Garanca tenait alors le rôle-titre). Le Concerto Köln (qui officiait dans la fosse en 2003 sous la direction d’Evelino Pidò) ne se montre pas ce soir sous son meilleur jour. Outre quelques imperfections, notamment de légers décalages avec la scène, il fait preuve de sécheresse en trop d’occasions et manque singulièrement de volume. Il faut bien avouer que la direction prosaïque de Michael Güttler ne l’aide pas beaucoup: dès l’ouverture, la musique manque de vivacité et de subtilité, deux caractéristiques propres à la plupart des partitions de Rossini! La suite sera malheureusement de la même veine.


Pourtant, les chanteurs sont globalement convaincants. Reconnue aujourd’hui comme une magnifique interprète du répertoire baroque, Vivica Genaux compte à son actif l’interprétation de plusieurs héroïnes rossiniennes et Cenerentola est sûrement celle qui lui convient le mieux. Son agilité vocale lui permet de déjouer les chausse-trappes tendues par Rossini (au premier acte, dans le quintette «O figlie amabili» ou dans la scène «Tutto è deserto»), même si sa voix manque parfois de stabilité. Ses talents de comédienne lui permettent également de donner le change, apparaissant tour à tour comme une pauvre ingénue tortillant de façon un peu gauche un chiffon dans ses mains ou comme une princesse au charisme qui inonde la scène et la salle tout entière. Carla Di Censo (Clorinda) et Nidia Palacios (Tisbe) campent pour leur part des demi-sœurs dont l’excellence de la prestation est à l’image de la bêtise qu’elles incarnent: totale! Parfait comédien, Pietro Spagnoli est un bon Don Magnifico, grotesque à souhait, dont les morceaux de bravoure sont légion: on retiendra notamment son superbe «Miei rampolli femminini» (acte I) ou son aria «Sia qualunque delle figlie» (acte II). Les autres chanteurs sont en revanche beaucoup plus décevants, à commencer par Stéphane Degout qui semble parfois mal à l’aise avec les vocalises rossiniennes. Antonio Siragusa adopte quant à lui un timbre assez déplaisant, trop sec, et chante avec quelque peine ses airs, sa voix ayant tendance à pousser au maximum quel que soit le registre adopté (notamment dans son très beau duo avec Angelina au premier acte, «Tutto è deserto»). Quant à Ildebrando D’Arcangelo, le ressenti est extrêmement mitigé. Certes, son personnage n’apparaît quasiment pas au second acte. Certes, il chante merveilleusement sa longue aria «Là dell ciel nel’arcano profondo» (acte I) mais, pour le reste, il ne convainc guère et ce, en partie à cause d’une mise en scène qui est rapidement passée de l’acceptable à l’insipide.


Il est aujourd’hui de bon ton de transposer l’action à notre époque. Ainsi, pour ne prendre que deux exemples parfaitement illustratifs, on a pu voir des soldats utiliser des kalachnikovs aussi bien dans Les Troyens que dans Jules César... Ici, l’acte I s’ouvre sur un café aux néons fatigués et à la machine à expresso ronflante. Le décor est soigné et l’ambiance instillée plutôt convaincante. Néanmoins, nous en serons rapidement pour nos frais. Irina Brook a en effet choisi de multiplier les gags dont le mauvais goût s’est accru au fur et à mesure de la représentation. Qu’on en juge: Alidoro qui se cogne contre les murs de la scène ou qui actionne les personnages tels des automates durant le sextette «Siete voi?... Questo è un nodo avvilupatto» en leur faisant faire des gestes ridicules. Est-il normal qu’on en oublie presque qu’Ildebrando D’Arcangelo est là en principe pour chanter et non pour faire le pitre? De même, que doit-on penser de Pietro Spagnoli qui, pour faire patienter le public lors d’un changement de décor, commence à raconter en français une blague sur le pape et Berlusconi? Ou de cet usage immodéré de l’écran vidéo qui, principal élément du décor durant une grande partie du second acte, nous fait voir des images dont le lien avec l’histoire est difficile à déceler: quel intérêt de montrer des poissons nageant parmi des récifs coralliens si ce n’est pour nous dire que nous avons véritablement touché le fond – marin, bien sûr! En d’autres termes, mieux vaut pas de mise en scène qu’une mise en scène où son auteur se fait plaisir au détriment de la musique et du respect du public dont les rires, parfois francs, trahissaient surtout un malaise croissant de sa part. Quel dommage pour la qualité générale de ce spectacle!


Le site de Vivica Genaux
Le site de Nidia Palacios
Le site de Pietro Spagnoli
Le site de Michael Güttler
Le site du Concerto Köln



Sébastien Gauthier

 

 

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