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Fin de cycle Paris Salle Pleyel 01/30/2010 - et 23 (Basingstoke), 26 (Lisboa), 27 (Madrid) janvier, 2 (Frankfurt), 3 (Stuttgart), 9 (London) février 2010 Ludwig van Beethoven : Ouverture d’«Egmont», opus 84 – Concerto pour piano n° 2, opus 19 – Symphonie n° 6 «Pastorale», opus 68
Maria João Pires (piano)
London symphony orchestra, John Eliot Gardiner (direction)
J. E. Gardiner (D.R.)
A peine Valery Gergiev a-t-il quitté Pleyel où il vient de diriger trois concerts à la tête de son Orchestre du Théâtre Mariinsky (voir ici et ici) que lui succède l’Orchestre symphonique de Londres, dont il est par ailleurs le principal conductor. Mais c’est le chef russe qui, en septembre dernier (voir ici et ici), avait inauguré la série de concerts que la formation d’outre-Manche donne chaque année à Paris depuis la réouverture de la salle Pleyel: le 16 mars, ce sera le tour de John Adams et la conclusion de cette saison de «résidence» rue du Faubourg-Saint-Honoré se fera avec Peter Eötvös le 22 juin.
D’ici là, John Eliot Gardiner vient pour deux rendez-vous beethovéniens, comme à pareille époque en 2008 (voir ici) et en 2009 (voir ici et ici), dans le cadre d’une tournée européenne qui, rodée en Angleterre, va de la péninsule ibérique à l’Allemagne pour s’achever à Londres: en trois ans, il aura ainsi mené à bien une intégrale des Symphonies, entourée de quelques ouvertures et, à chaque fois, de l’un des cinq concertos pour piano avec Maria Joao Pires en soliste. Ceux-ci sont tout particulièrement à l’honneur à Pleyel, entre le cycle de François-Frédéric Guy avec l’Orchestre philharmonique de Radio France, étalé de février 2009 à juin 2010, et celui de Daniel Barenboim avec sa Staatskapelle de Berlin, concentré sur trois jours du 5 au 7 février prochain.
Gergiev, Gardiner, Adams et Eötvös: toute la polyvalence et la malléabilité de la phalange londonienne pourraient tenir dans cette énumération de tempéraments, de goûts et de styles on ne peut plus différents. De ce point de vue, l’Ouverture d’Egmont (1810) illustre d’emblée tout ce dont elle est capable, s’adaptant sans peine à des modes de jeu inconnus des formations modernes: le hautbois ornemente brièvement son point d’orgue avant la «symphonie de victoire» finale et même si le vibrato est proscrit, les quarante-deux cordes, d’une parfaite cohésion dans les attaques, ne sonnent pas de façon étriquée, bien au contraire, avec des basses d’une belle profondeur. L’ensemble frappe par sa transparence, mais aussi par son ardeur «révolutionnaire et romantique», pour reprendre le nom que Gardiner a choisi pour l’orchestre (sur instruments anciens) avec lequel il a enregistré les neuf Symphonies chez Archiv voici déjà quinze ans. D’où la mise en valeur inhabituelle des bois, au premier plan légèrement sur la droite, entre les seconds violons et les altos, les violoncelles se trouvant un peu repoussés en arrière: piccolo en avant des autres, flûtes et hautbois au premier rang (la première flûte juste devant le chef au centre), clarinettes et bassons au deuxième, devant les cuivres, la masse des vents fait bloc pour porter le message triomphal de la coda.
Le souffle des haut-parleurs, qui n’ont sans doute pas été éteints après la diffusion rituelle du message invitant les spectateurs à fermer leurs téléphones portables, est encore nettement perceptible, du moins depuis le premier balcon, même s’il est le plus souvent couvert par la musique. Mais le bruit, qui ne tardera pas à s’arrêter, ne semble pas perturber la concentration de Maria Joao Pires: en plein accord avec Gardiner, elle n’aborde pas le Deuxième concerto (1795) comme s’il était le «vingt-huitième de Mozart», mais le considère bien comme le premier (par ordre chronologique) à part entière de Beethoven: vivacité, esprit, fraîcheur et charme dès l’Allegro con brio initial, et un Rondo final encore plus pétillant. Et la pianiste portugaise excelle décidément dans les mouvements lents, avec un Adagio d’une merveilleuse simplicité, de même que la Sonate en la majeur (K. 208) de Scarlatti, un bis qui se fait un peu attendre et qu’elle a déjà offert lors de sa venue avec l’Orchestre de chambre de Bâle en septembre dernier au Théâtre des Champs-Elysées (voir ici).
L’orchestre reprend une disposition plus traditionnelle après l’entracte et Gardiner, droit comme un «I» à bientôt 67 ans mais victime d’une indisposition si l’on en croit le flûtiste Gareth Davies (voir ici), repousse sur le côté le haut tabouret qui avait été installé sur le podium à son intention. La Sixième symphonie «Pastorale» (1808) n’est sans doute pas celle où ses conceptions trouvent le mieux à s’épanouir, notamment dans les deux premiers mouvements: une «arrivée à la campagne» effectivement non troppo et une paisible «scène au bord du ruisseau», peut-être une délicieuse sieste. Mais dès que le propos s’anime, il emporte la conviction: une robuste «réunion de paysans», un «orage» saisissant, d’une formidable précision, et un vigoureux «chant de reconnaissance». Sans se montrer infaillible, tant s’en faut, l’orchestre offre peu d’individualités intéressantes – le clarinettiste Andrew Marriner, le timbalier Nigel Thomas – mais s’impose par une remarquable discipline collective.
Simon Corley
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