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Intensité et profondeur Paris Salle Pleyel 01/29/2010 - et 19 janvier 2010 (Toulouse) Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Symphonies n° 3, opus 29, et n° 6 «Pathétique», opus 64
Orchestre du Théâtre Mariinsky, Valery Gergiev (direction)
V. Gergiev (© Sasha Gusov/Decca)
Comme les divers essais de reconstruction des projets de Tchaïkovski pour une Septième ne se sont pas imposés au répertoire, l’intégrale de ses Symphonies présentée salle Pleyel par l’Orchestre du Théâtre Mariinsky s’achève sur cette soirée associant sans doute la moins célèbre et la plus célèbre des six. En effet, la Troisième (1875), encore plus négligée que la Deuxième, souffre sans doute d’être considérée davantage comme une suite d’orchestre que comme une symphonie, notamment au vu de sa forme en cinq mouvements, dont deux danses (ländler et polonaise). Mais cette raison ne saurait suffire: après tout, certaines pages des quatre Suites mériteraient aussi d’être redécouvertes et Tchaïkovski demeure l’un des plus grands compositeurs à avoir écrit pour le ballet – Balanchine a d’ailleurs sélectionné des extraits de cette Troisième symphonie pour la dernière («Diamants») des trois parties de ses Joyaux.
A l’image d’une Deuxième assez décevante trois jours plus tôt (voir ici), Valery Gergiev surprend à nouveau par un manque de dynamisme, en particulier dans l’Allegro final, pas très con fuoco, tandis que se confirment certaines faiblesses des musiciens, tant individuelles (intonation toujours aussi problématique des solos de cor et de hautbois) que collectives (difficultés à jouer ensemble). L’interprétation a toutefois le mérite d’éviter le piège du pompiérisme dans les deux mouvements extrêmes et de mettre en valeur les trois mouvements intermédiaires, particulièrement l’Andante elegiaco, épisode de caractère lyrique que ne possède pas la Deuxième.
Comme pour la Cinquième, l’orchestre semble retrouver ses cordes et ses basses après l’entracte pour une Sixième (1893) très contrastée: à de foudroyantes éruptions – par exemple dans le développement du premier mouvement – et à une allure soutenue – dans les mouvements centraux – répondent de longs silences – comme après le coup de tam-tam final – et des tempi alanguis, presque (in)dolents – second thème des mouvements extrêmes, partie centrale de la Valse. Mais à la différence de la Cinquième, qui avait tendance à s’enliser dans des excès de sentimentalisme, cette «Pathétique», sans perdre en quoi que ce soit de son impact, se refuse à toute dérive larmoyante. L’ensemble mêle avec une rare réussite intensité de l’expression et profondeur du propos, pour se conclure sur un magnifique choral des trombones, dans une atmosphère quasi brucknérienne, puis sur une déchirante descente vers le néant.
Au cours du précédent concert, le chef russe avait enchaîné attaca les quatre mouvements: cette fois-ci, il respecte une pause après le premier et tente de diriger les trois autres sans interruption – mais la tradition consistant à applaudir après le troisième n’en sera pas moins respectée. De même, alors que les derniers souffles pppp des violoncelles et contrebasses se sont éteints, certains spectateurs commencent à se manifester, mais ne tardent pas à s’interrompre, car il attend encore un long moment pour reposer les bras. Aucun bis ne vient ensuite couronner les nombreux rappels: il est vrai qu’après de telles œuvres, tout ne peut paraître que superflu.
Simon Corley
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