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La valeur n’attend pas…

Paris
Salle Pleyel
01/15/2010 -  
Alexandre Borodine : Danses polovtsiennes du Prince Igor
Dimitri Chostakovitch : Concerto pour violoncelle n°1, en mi bémol majeur, opus 107
Henri Dutilleux : Métaboles
Alexandre Scriabine : Poème de l’extase, opus 54

Gautier Capuçon (violoncelle)
Orchestre Philharmonique de Radio France, Lionel Bringuier (direction)


L. Bringuier (© Anastasia Chernyavsky)


On ne peut s’empêcher de rappeler l’âge de Lionel Bringuier : 23 ans ! Et déjà chef associé à l’Orchestre de Los Angeles, aux côtés de Gustavo Dudamel... de cinq ans seulement son aîné. Régulièrement invité du Philhar’, il n’a pas déçu lors de son dernier concert, même s’il a fallu attendre la seconde partie pour qu’il donne toute sa mesure dans un programme marqué au sceau de l’année franco-russe qu’est d’ores et déjà 2010.


Les Danses polovtsiennes du Prince Igor révèlent en effet une direction précise dans ses gestes, aux couleurs nettes, bien cambrée rythmiquement, mais un peu raide, sans grande sensualité, sans abandon à l’ivresse dionysiaque – on aurait mieux vu ici Gustavo Dudamel, également lié au Philhar’. Gautier Capuçon offre ensuite un beau Premier Concerto de Chostakovitch, où, dès l’Allegretto initial, il concilie, dans un jeu très concentré, la beauté du son avec la véhémence de l’expression, tout à tour lyrique et sarcastique, avant de maîtriser les longues phrases du Moderato, aussi pures que colorées – très belle fin où le violoncelle chante dans le suraigu. D’une grande intensité et techniquement dominée, la cadence s’intègre parfaitement à l’ensemble, constituant bel et bien ici un troisième mouvement, qui débouche sur un Allegro con moto implacable, dont les sourires grinçants répondent à ceux de l’Allegretto. Accompagnement est attentif, impeccablement buriné, trop objectif cependant par rapport à la musique et au violoncelliste, même si celui-ci reste moins démonstratif que d’autres – on n’en apprécie pas moins le cor de Matthieu Romand, second soliste de la partition. L’enchaînement se fait idéalement avec, en guise de bis, une Marche de Prokofiev pleine d’humour, adaptation de la dixième des Douze pièces enfantines pour piano op. 65, que Gautier Capuçon joue volontiers après un concerto.


Avec les Métaboles, Lionel Bringuier se libère. La direction est acérée mais jamais sèche, remarquablement construite surtout, fidèle en cela à tout ce que le propos de Dutilleux a de rhétorique, de narratif aussi. Entre un énigmatique « Incantatoire » et un « Flamboyant » dionysiaque, quasi chorégraphique, « Linéaire » scintille de chatoiements mystérieux, « Obsessionnel » se tend sous l’urgence rythmique. Si les musiciens exécutent brillamment leur partie, le chef évite le piège de l’extériorité virtuose du concerto pour orchestre. Quels que soient les points de rencontre entre la musique française et la musique russe, l’association avec le Poème de l’extase, ne paraît pas évidente – à ceci près que les deux œuvres exigent une baguette aussi sûre. Heureusement, l’interprétation séduit vite, la souplesse agogique, la fluidité de la pâte sonore éclairant les méandres de la partition de Scriabine ; décomposant le magma sonore, la direction anticipe sur L’Oiseau de feu de Stravinski, plus proche de l’école française que de l’école russe, loin du délire d’un Svetlanov ou de l’opulence d’un Gergiev. La musique n’y perd en rien de sa grandeur, notamment dans l’embrasement cosmique de la péroraison, elle s’ordonne seulement dans sa démesure, grâce aussi à un orchestre – très belle trompette solo d’Alexandre Baty – visiblement inspiré par un chef aussi doué et aussi prometteur.



Didier van Moere

 

 

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