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Iconoclastie

Paris
Cité de la musique
01/16/2010 -  
Joseph Haydn : Quatuors n° 38 «Der Scherz», opus 33 n° 2, et n° 39, «Vogelquartett», opus 33 n° 3
Franz Schubert : Quatuor n° 4, D. 46
Alfred Schnittke : Quatuor n° 3

Quatuor Casals: Vera Martínez Mehner, Abel Tomàs Realp (violon), Jonathan Brown (alto), Arnau Tomàs Realp (violoncelle)


Le Quatuor Casals (© Luís Montesdeoca)



Pour sa quatrième «Biennale de quatuors à cordes», la Cité de la musique a reconduit la formule des éditions antérieures: une intégrale (Schubert) et quatre créations (Dusapin, Monnet, Neuwirth et Pauset), le tout entouré des piliers du répertoire, de Haydn à Kurtág en passant par Beethoven, Mendelssohn, Schumann, Brahms, Dvorák, Debussy, Chostakovitch et Ligeti. Comme de coutume, la liste des treize ensembles invités est stupéfiante (Arditti, Borodine, Emerson, Hagen, Juilliard, Mosaïques, Prazák, Sine Nomine, Tokyo, Ysaÿe, ...) d’autant que s’y joignent, le cas échéant, des partenaires non moins prestigieux (François-Frédéric Guy, Heinrich Schiff, ...). Dès lors, la tentation est forte de vouloir tout entendre, mais quinze concerts en six jours, dont huit pour le seul week-end, requièrent une telle endurance que des choix déchirants doivent inévitablement être exercés et que cette manifestation, séduisante sur le papier, ne peut susciter que des frustrations. Mais quand on a pour seul regret que la mariée est trop belle, c’est qu’il n’y a pas réellement de quoi se plaindre.


Les deux tiers des concerts se déroulent dans la grande salle, l’amphithéâtre du musée étant le plus souvent réservé aux formations plus récentes, qui ont néanmoins toutes déjà acquis une appréciable renommée, puisqu’il s’agit des Diotima, des Zemlinsky et des Casals. Ces derniers ont ainsi donné à guichets fermés un programme dont chacune de deux parties débutait par l’un des quatuors de l’Opus 33 (1781) de Haydn, le Deuxième («La Plaisanterie») puis le Troisième ( «L’Oiseau»). Les musiciens espagnols, dont les deux violons alternent aux pupitres de premier et de second, confirment leur peu de goût pour des interprétations lisses et standardisées, préférant une approche innovante, aventureuse, voire quelque peu hétéroclite. Ne cessant pas de faire contraster le galant et le robuste, les sonorités tantôt mates tantôt charnues, ils cultivent également l’inattendu, ou même l’étrange: Haydn aura rarement paru aussi résolument original et en avance sur son temps dès cet Opus 33.


A ce jeu-là, la «plaisanterie» ne se cantonne plus au Presto final auquel l’œuvre doit son titre: le «gag» y est d’ailleurs mis en valeur de façon efficace – les rires du public en témoignent – mais un rien trop appuyée. De même, dans le Trio du Scherzo, les notes liées de la partie du premier violon deviennent des glissandi, d’effet sans nul doute cocasse mais inutilement décoratif. Les Casals se plaisent ainsi à déstabiliser et à bousculer «papa Haydn» par de grands gestes ou de petits détails: le Trio du Scherzando de L’Oiseau gazouille de manière délibérément artificielle, comme un de ces animaux mécaniques tant prisés au XVIIIe siècle. Et le tout se fait avec une discipline de fer et une mise en place impeccable, comme dans le Presto conclusif, qui, abordé avec une grande vélocité, n’en demeure pas moins mordant et clairement articulé.


En première partie, Schubert prolonge la veine haydnienne, d’autant qu’il s’agit de l’un de ses quatuors de (prime) jeunesse, le Quatrième (1813), juxtaposant recherches audacieuses – les lignes chromatiques descendantes de l’Adagio liminaire – et pages plus convenues, voire touchantes dans leur maladresse. Mais le Quatuor Casals s’amuse visiblement de cet assemblage encore assez composite que son interprétation iconoclaste parvient à rendre constamment intéressant. En seconde partie, changement de ton radical, en revanche, avec le Troisième quatuor (1983) de Schnittke, mais ici aussi, il y a fort à faire pour tirer le meilleur parti de ces trois mouvements enchaînés, hybrides, bariolés et rhapsodiques, tour à tour sombres, neurasthéniques et grinçants, tressés de citations (Lassus, Beethoven) et références au passé.


En bis, le Quatuor Casals offre, comme en novembre 2008 au Châtelet (voir ici), mais dans l’ordre inverse, la Polka de Chostakovitch, seconde des Deux pièces (1931), s’enchaînant logiquement avec le quatuor de Schnittke, dont les ultimes pages font entendre les quatre notes de la «signature» du compositeur russe (DSCH), puis une adaptation de la «Danse du meunier» extraite du Tricorne (1919) de Falla, dans laquelle il ne parvient pas à faire oublier les sortilèges de l’orchestre.


Le site du Quatuor Casals



Simon Corley

 

 

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