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Piano en liberté

Paris
L’Archipel
12/14/2009 -  
Claude Debussy : Préludes (Second livre)
Ludwig van Beethoven : An die ferne Geliebte, opus 98 (transcription Franz Liszt) – Sonate n° 30, opus 109

Jean-Louis Haguenauer (piano)





Comme chaque année, L’Archipel présente jusqu’au 20 décembre son festival «Concerts de Noël», occasion d’entendre les artistes dont Pierre Dyens, directeur des deux salles du boulevard de Strasbourg, édite les enregistrements sous sa propre étiquette (Saphir Productions). Ainsi de Jean-Louis Haguenauer, qui prépare – bicentenaire oblige – un disque Schumann avec le ténor Gilles Ragon, à paraître en mars prochain. Il ne fallait pas rater la venue du pianiste français, aujourd’hui âgé de 55 ans, bien trop rare depuis qu’il s’est installé outre-Atlantique. En ce lundi soir, le public ne s’est donc pas laissé décourager par les premiers frimas et il est même agréable de voir la salle bleue aussi bien remplie, au point qu’il n’y a plus de programmes à distribuer aux derniers arrivés.


Voici quinze ans, Haguenauer a gravé l’intégrale des Préludes de Debussy (La Guilde des musiciens): ouvrant son récital avec le Second livre (1912), il justifie, dans une brève introduction, sa préférence pour donner l’ensemble du recueil, estimant que le compositeur a soigneusement pensé la succession des douze Préludes et que le tout produit une impression différente de ses parties considérées isolément, même s’il n’est évidemment pas illégitime de les jouer séparément. Il rappelle par ailleurs comment l’idée de Debussy consistant à placer le titre, après des points de suspension, à la dernière page et non en tête de chaque pièce, interdit toute notion d’illustration. C’est donc une plus grande liberté qui est ainsi accordée à l’interprète, même s’il n’en dévoie ici jamais l’usage: rarement la diversité d’inspiration et d’écriture de ces Préludes aura été mise en valeur de façon si passionnante.


Pas la peine, dès lors, de surligner le pittoresque («La puerta del Vino») ou même simplement de décrire: l’auditeur est invité à se prêter au jeu, par conséquent à oublier le titre («Feux d’artifice», par exemple, n’évoque-t-il pas aussi bien de somptueux jeux d’eau?). L’alanguissement n’a plus lieu d’être («La terrasse des audiences du clair de lune», «Bruyères»), tandis que les citations (Obéron, La Marseillaise) se font discrètes («"Les fées sont d’exquises danseuses"», «Feux d’artifice»). Dans le même esprit, certaines pages tendent vers l’épure d’une étude, non seulement «Les tierces alternées», mais aussi «Brouillards» et «Ondine», où le travail sur le timbre devient prépondérant. La modernité du propos est ainsi sans cesse mise en valeur, tels «Brouillards» et «Feux d’artifice», annonçant l’un et l’autre Ligeti. Un Debussy «objectif», distancié? Assurément, en ce sens que l’humour reste pince-sans-rire, jamais appuyé («"General Lavine" -eccentric-», «Hommage à S. Pickwick Esq. P.P.M.P.C.») et que le texte est méticuleusement décomposé – la différenciation des plans sonores dans «Feuilles mortes» force ainsi l’admiration. Décomposé mais pas déconstruit: pour inhabituel qu’il soit, «Canope» fait sens, autrement. Et puis ce piano est tellement peu avare de qualités – précision, toucher, aisance – que le plaisir de l’écoute vient couronner la recherche et l’analyse.


Il y a déjà près d’un quart de siècle, une escouade de jeunes pianistes – Dalberto, Pennetier, Planès, Pludermacher – se partageait chez Harmonia mundi l’intégrale des Symphonies de Beethoven transcrites par Liszt. Haguenauer s’était joint à cette mémorable entreprise: les Première et Deuxième lui étaient alors échues, mais dans le cadre de son futur disque chez Saphir, il s’est intéressé cette fois-ci à l’arrangement (1849) par le même Liszt du cycle A la bien-aimée lointaine (1816), moins connu que ses adaptations de bon nombre de lieder de Schubert et de Schumann. Sans l’aide de la voix, le clavier parvient à raconter une véritable histoire, avec une ligne de chant parfaitement tenue et mise en valeur, ferme et dépourvue de tout effet facile.


Dans la Trentième sonate (1820), «liberté» est à nouveau le maître-mot, au profit d’une vision originale et puissante, comme seul le concert en autorise: vaste improvisation, et ce dès le premier mouvement, comme un prélude baroque, se poursuivant sur une implacable toccata pour aboutir au thème et variations, nullement confit en monumentalité – conformément à l’indication Andante – mais où le moindre recoin de la partition est soigneusement fouillé. Le Fazioli de L’Archipel n’est pas le plus bel instrument du monde, mais Haguenauer offre une réalisation fastueuse, à la fois claire et sans sécheresse, tout en sachant déclencher de formidables ouragans (ultime variation).


En bis, dans la transcription par Liszt (1848) de «Widmung», premier des lieder du cycle Myrthen (1840) de Schumann, il confirme que la virtuosité peut se conjuguer avec l’intelligence et la sensibilité, tandis que la transcription par Busoni du Prélude de choral «Wachet auf, ruft uns die Stimme» de Bach montre comment il excelle à faire ressortir le choral sur la richesse de l’accompagnement.


Le site de L’Archipel
Le site de Jean-Louis Haguenauer



Simon Corley

 

 

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