Back
Bibliothèque rose Paris Théâtre du Châtelet 12/06/2009 - et 8*, 9, 10, 11, 12 (m et s), 13, 15, 18, 19 (m et s), 20, 22, 23, 24, 26 (m et s), 27, 29, 30, 31 décembre 2009, 1er, 2 (m et s), 3 janvier 2010 Richard Rodgers : The Sound of Music
Sylvia Schwartz*/Julie Fuchs/Christine Arand (Maria Rainer), Rod Gilfry (Captain Georg von Trapp), Kim Criswell (Mother Abbess), Christine Arand*/Jeni Bern (The Baronessa Elsa Schraeder), Laurent Alvaro (Max Detweiler), James McOran-Campbell (Rolf Gruber), Carin Gilfry (Liesl), Benjamin Skingsley/Lukas Papenfusscline*/Fraser Belle (Friedrich), Sofia Stern/Juliette Chopin*/Vanessa Starcevic (Louisa), Camille Chopin/Eléonore Duizabo*/Nelly Stajic (Brigitta), Jonathan Saint-John/Théodore Lamorinière*/Florestan Mosser (Kurt), Marie Oppert/Elisa Bergomi*/Julia Mazingue (Marta), Michèle Bréant/Eva Baranes*/Arthémis Désiré (Gretl), Letitia Singleton (Sister Berthe), Jeni Bern (Sister Margaretta), Béatrice Dupuy (Sister Sophia), Lee Delong (Frau Schmidt), Martin Vaughan-Lewis (Franz), Leslie Clack (Admiral von Schreiber), Olivier Podesta (Herr Zeller), Claire Geoffroy de Chaume (Frau Zeller), Jean-Vital Petit (Baron Elberfeld), Florence Bonet (Ursula)
Chœur du Châtelet, Alexandre Piquion (chef de chœur et assistant du chef d’orchestre), Orchestre Pasdeloup, Kevin Farrell (direction musicale)
Emilio Sagi (mise en scène), Sarah Miles (chorégraphie), Daniel Bianco (décors), Jesús Ruiz (costumes), Caetano Vilela (lumières)
Dès son accession à la direction du Châtelet, Jean-Luc Choplin a remis à l’honneur la comédie musicale: il n’y a pas lieu de crier au scandale, bien au contraire, car dans un théâtre dont une grande partie de l’histoire a été dévolue au répertoire léger, il est venu occuper un créneau tombé en déshérence dans la capitale. Au premier semestre de 2010, on pourra ainsi découvrir A Little Night Music de S. Sondheim ainsi que Magdalena de Villa-Lobos et retrouver Les Misérables de C.-M. Schönberg. Mais le genre se prête encore mieux à la période des fêtes de fin d’année: après Candide en 2006 (voir ici), West Side Story en 2007 (voir ici) et On the town en 2008 (voir ici), le millésime 2009 renonce à Bernstein mais reste fidèle aux Etats-Unis. Jusqu’au 3 janvier, La Mélodie du bonheur (1959) est ainsi à l’affiche pour 25 représentations.
Comme On the town, cette ultime collaboration entre Richard Rodgers (1902-1979) pour la musique et Oscar Hammerstein II (1895-1960) pour les lyrics, duo qui avait déjà signé des succès tels qu’Oklahoma!, South Pacific et The King and I, n’avait encore jamais été montée à Paris. Comme West Side Story, ce musical a été popularisé par un film (1965) de Robert Wise (avec Julie Andrews), sa programmation au Châtelet coïncide avec les cinquante ans de sa création à Broadway et son héroïne se nomme Maria, donnant également son titre à l’une des chansons.
Mais la ressemblance s’arrête là. Voici deux ans, c’est la reconstitution du West Side Story original qui avait été présentée, alors que La Mélodie du bonheur fait ici l’objet d’une nouvelle production, confiée à Emilio Sagi, déjà à l’œuvre pour l’ouverture du «nouveau Châtelet» avec Le Chanteur de Mexico (voir ici) puis dans La Generala (voir ici) et Les Fées (voir ici). Un Sagi... assagi, presque timoré: alors que l’affiche de Pierre et Gilles (ci-dessus) et même le rideau de scène – une immense montagne enneigée aux sommets embrumés – laissaient craindre ou peut-être même espérer un tant soit peu de second degré, voire l’avalanche de kitsch à laquelle incite le livret mielleux et sucré des dramaturges et producteurs Howard Lindsay (1889-1968) et Russel Crouse (1893-1966), le metteur en scène espagnol demeure d’un classicisme confinant à la neutralité. Les chorégraphies trop prévisibles de Sarah Miles que les grands volumes des décors académiques de Daniel Bianco et les costumes couleur locale de Jesús Ruiz n’apportent pas plus de piment.
Tout est parfaitement professionnel, tiré au cordeau – les enfants se meuvent en mesure, l’herbe est bien verte, pas un voile ne manque aux nonnes – mais quel manque de vie, d’inspiration, de profondeur par rapport aux trois pièces de Bernstein, pourtant très différentes l’une de l’autre, vues au cours des dernières années! Malgré son contexte historique, celui de l’Anschluss, qui, dans les dernières minutes, suggère à Sagi l’une de ses rares inspirations fortes, le côté cucul la praline de l’intrigue et des dialogues a vraiment mal vieilli. La problématique de la résistance et de la capitulation est ici survolée, car elle ne constitue qu’un ressort dramatique, tant cette Mélodie du bonheur est, par exemple, à Candide, ce que la Bibliothèque rose est à Voltaire. Rien à voir avec les questions philosophiques, existentielles et sociales posées respectivement par Candide, On the town et West Side Story.
Et, pour paraphraser Gide, «on ne fait pas de musique avec les bons sentiments». Car la partition paraît, elle aussi, très datée – on pourrait d’ailleurs penser qu’elle est contemporaine de l’action (1938) – et pèche par sa pauvreté: non seulement elle manque d’originalité, mais ne comprend que quinze numéros, dont la plupart sont repris au moins une fois durant ces près de deux heures et demie où les dialogues parlés tiennent donc une place importante. Au demeurant, elle ne peut être que partiellement attribuée à Rodgers, puisqu’on finit par découvrir dans le programme de salle – remarquable, comme de coutume – que l’orchestration est réalisée par Robert Russell Bennett (1894-1981) et les arrangements vocaux par Trude Rittmann (1908-2005). L’Orchestre Pasdeloup et son très actif chef, l’Américain Kevin Farrell, n’y peuvent mais: ainsi éventé, le champagne des réveillons ne pétille guère, même si le public apprécie visiblement le breuvage qui lui est servi.
L’excellence des chanteurs et acteurs, qui portent une attention toute particulière à la diction, fait encore davantage regretter que tant de talents et de moyens aient été déployés pour une entreprise aussi vaine: tous ne méritent que des éloges, qu’ils soient issus du milieu lyrique – Sylvia Schwartz en Maria aussi fraîche que précise, Rod(ney) Gilfry en Capitaine portant beau et sachant même gratter sa guitare, Laurent Alvaro en mondain pique-assiette et opportuniste, Christine Arand, qui tiendra le rôle de Maria pour trois représentations, en baronne Schraeder mijaurée et écervelée–, de Broadway – Kim Criswell qui brûle toujours autant les planches en mère supérieure – ou de la scène – la paire comique de domestiques formée par Lee Delong et Martin Vaughan-Lewis. Trois distributions alternent pour six des sept enfants von Trapp, qui l’emportent évidemment à l’applaudimètre, l’aînée de la famille n’étant autre que Carin Gilfry, la fille du baryton américain. Fallait-il dès lors sonoriser toutes les voix, parlées aussi bien que chantées? Car le fait qu’elles proviennent toutes d’une même source, placée très en hauteur, au-dessus du surtitrage, suscite une impression à la fois curieuse et irritante de décalage spatial.
Le site de la Rodgers & Hammerstein Organization
Le site de Rod Gilfry
Le site de Carin Gilfry
Le site de Laurent Alvaro
Simon Corley
|