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Le grand vol de l’albatros

Aix-en-Provence
Grand Théâtre de Provence
11/21/2009 -  et 20 novembre 2009 (Montpellier)
Ludwig van Beethoven: Symphonie n° 6, opus 68, « Pastorale »
Johannes Brahms: Concerto pour piano n° 1, opus 15

Nicholas Angelich (piano)
Orchestre national de Montpellier Languedoc-Roussillon, Cristian Mandeal (direction)


N. Angelich (© Alvaro Yañez)


Après les Cinquième et Neuvième Symphonies données par Anima Eterna en septembre dernier (lire ici), la programmation du Grand Théâtre de Provence poursuit son cycle Beethoven avec la Pastorale. L’Orchestre national de Montpellier Languedoc-Roussillon est dirigé pour l’occasion par le Roumain Cristian Mandeal, chef principal des orchestres de Bucarest, Copenhague et Manchester, qui a déjà gravé des intégrales des œuvres symphoniques de Brahms, Enesco (Arte Nova) et Bruckner (Electrochord). Sous sa direction, l’Orchestre de Montpellier fournit une prestation très satisfaisante. Certes les violons sonnent avec une pointe d’acidité, mais la discipline d’ensemble et la précision d’intonation sont convenables. Il n’y a eu de petites défaillances que dans les dernières mesures de l’Allegro initial de la Sixième Symphonie, et bizarrement dans celles de l’Adagio du Premier Concerto de Brahms, comme si certains musiciens anticipaient le relâchement. La clarinette a semble-t-il rencontré quelques problèmes techniques au moment des célèbres chants d’oiseaux, dans ses réponses à la flûte, problèmes qui ont persisté au début du troisième mouvement, avant que tout rentre dans l’ordre, mais ce sont là des broutilles insignifiantes, aléas ordinaires du concert.


Cristian Mandeal adopte des tempi partout assez allants, sans atteindre les extrêmes d’un célèbre concert de Carlos Kleiber. Sa lecture survole un peu l’œuvre, on aurait aimé davantage d’émotion et d’attendrissement dans les deux premiers mouvements, mais l’orage est très impressionnant, et le final entraînant. Il assure également un accompagnement très convenable, un peu clairet peut-être, à Nicholas Angelich dans le Premier Concerto de Brahms. Le pianiste franco-américain a hissé cette soirée sur les sommets ! Il nous fait décidément penser à l’albatros de Baudelaire : il semble toujours timide et peu à l’aise lorsqu’il paraît sur scène, malgré quelques progrès depuis ses débuts, mais à peine pose-t-il les doigts sur le clavier que son chant s’élève avec une souveraineté, une majesté, une puissance qui lui permettent d’incarner dans toute sa splendeur ce gigantesque concerto. Il réussit à soutenir l’intérêt de l’immense Adagio en habitant chaque phrase d’un cantabile et d’une expressivité bouleversantes, comme peu de pianistes savent le faire. Il confirme l’impression laissée par ses gravures discographiques des Variations et Klavierstücke tardifs (Virgin), que nous avons affaire au plus grand pianiste brahmsien depuis Julius Katchen !


D’ailleurs, il est parvenu encore à procurer de grands frissons avec deux petits bis, qui sont plutôt des anti-bis, dont le choix est on ne peut plus révélateur de son état d’esprit : au lieu d’une pièce de virtuosité brillante, il a joué avec une élégance infinie une minuscule mazurka de Chopin, et surtout d’abord « Le poète parle », l’ultime page des Scènes d’enfants de Schumann, la musique la plus simple et dépouillée qui soit. Mais quelques accords, quelques notes lui suffisent à toucher au plus profond notre âme. Et soudain nous percevions que le formidable concerto précédent est tout entier sorti de ces quelques mesures. Certes nous savons intellectuellement que Brahms l’a composé sous le coup de l’émotion de la mort de Schumann, comme un hommage funèbre, mais là véritablement nous l’éprouvions charnellement, par la magie du jeu de Nicholas Angelich.



Philippe van den Bosch

 

 

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