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Somptuosité sans Princesse

Monaco
Grimaldi Forum (Salle des Princes)
11/19/2009 -  et 22*, 24 novembre 2009
Giacomo Puccini: Turandot

Sylvie Valayre (Turandot), Daniela Dessi (Liù), Fabio Armiliato (Calaf), Giorgio Caoduro (Ping), Nobert Ernst (Pang), Florian Laconi (Pong), Ramaz Chikviladze (Timur), Guy Gabelle (Altoum)
Chœur de l’Opéra de Monte-Carlo, Chœur de l’Opéra National de Montpellier Languedoc-Roussillon, Chorale de l’Académie de Musique Fondation Rainier III, Stefano Visconti (chef de chœur), Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, Jacques Lacombe (direction musicale)
Chen Kaige (mise en scène), Liu Qing (décors), Cheng Tong Xun (costumes)


(© Palau de les Arts Valencia/ Eva Ripoll)



Cette Turandot donnée à Monte-Carlo est une production de l’Opéra de Valence, dont la mise en scène a été confiée au réalisateur Chen Kaige, natif de Pékin, et Palme d’Or au Festival de Cannes en 1993 pour Adieu ma concubine. Il s’agit de sa toute première mise en scène lyrique ou même théâtrale. C’est évidemment une idée plutôt piquante de demander à un artiste chinois d’incarner cette vision occidentale fantasmée de la Chine, mais d’autres, comme Zhang Yimou, l’ont précédé dans cette voie. Sa conception est on ne peut plus traditionnelle, avec un décor et des costumes finement ciselés et somptueux, où dominent le rouge et l’or, qui matérialisent bien le désir de Chen Kaige de fuir tout réalisme et d’user de « belles couleurs et de lumières magiques [...] pour raconter une belle histoire ».


Turandot est assez communément le prétexte d’une semblable débauche de luxe, mais ici elle est réalisée avec un goût, un raffinement et un esthétisme impeccables, sans aucune surcharge qui confine au ridicule ou au grotesque. Certes, le magnifique décor du palais impérial ne laisse guère de place à la masse impressionnante des choristes pour se mouvoir, et la mise en scène peut sembler parfois statique, mais c’est là souvent la conséquence du manque d’action du livret. Les protagonistes ont cependant tous une tenue exemplaire, et quelques éléments viennent animer les scènes, comme le passage d’un groupe de jeunes moines, une jolie chorégraphie du bourreau, ou les virevoltes moqueuses de Ping, Pang et Pong autour de Calaf.


Les vraies stars de cette performance ont sans aucun doute été l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo et le chef canadien Jacques Lacombe. Sous sa direction inspirée, l’orchestre a exalté de manière fracassante les accords incandescents et cruels de la partition, comme il est parvenu à rendre avec beaucoup de subtilité et de précision les passages délicats et virtuoses. Les chœurs réunissant ceux des opéras de Monte-Carlo et de Montpellier, plus une chorale d’enfants, ont été aussi valeureux et souvent impressionnants. Peut-être l’acoustique de cette belle salle moderne aux amples proportions (la Salle des Princes du Grimaldi Forum) n’est-elle pas des plus charitables, car une étrange petite saturation venait affecter les chœurs et les ensembles dans la nuance forte.


Tous les chanteurs hommes ont été satisfaisants, avec des voix bien proportionnées à l’importance des rôles, que ce soit la basse Ramaz Chikviladze (Timur) ou le ténor Guy Gabelle (l’Empereur Altoum), et surtout le baryton Giorgio Caoduro, les ténors Nobert Ernst et Florian Laconi (respectivement Ping, Pang et Pong), truculents et fort habiles dans leurs complexes trios. Le ténor Fabio Armiliato a impressionné par une voix très puissante, d’un timbre peut-être un peu dur, moins immédiatement séduisant que celui des Domingo et des Pavarotti d’autrefois qui hantent nos mémoires dans ce rôle de Calaf. Mais sa vaillance, sa précision d’intonation et sa capacité à laisser passer davantage d’attendrissement au fil des actes nous ont finalement comblés. Daniela Dessi, soprano de grande expérience, a prêté à Liù une voix un peu grasse, pas très pure, en réservant prudemment la puissance à quelques moments clefs. Néanmoins, elle a su préserver une ligne de chant musicale et émouvante.


La seule grosse déception de cette production a été la Turandot de Sylvie Valayre. Cette chanteuse française, qui a triomphé sur les plus grandes scènes mondiales sans être bien reconnue en France, suscite les plus vives inquiétudes quant à l’état de sa voix, car elle était beaucoup plus assurée il y encore peu, par exemple dans sa Lady Macbeth de Verdi à Parme. Certes sa puissance à l’acte II pour couvrir les déchaînements orchestraux de Puccini a été très impressionnante, mais au détriment de la justesse, plus qu’approximative, avec un vibrato excessif et incontrôlé. Et à l’acte III, elle semblait souvent comme éteinte, épuisée, laissant le soin à Fabio Armiliato d’assumer l’essentiel des duos d’amour, ce qui au fond s’avérait préférable, épargnant ainsi les suaves harmonies pucciniennes. Ces défauts vocaux sont d’autant plus regrettables qu’elle possède une présence scénique puissante, et qu’elle a campé une Turandot originale, non pas « Princesse de glace », mais passionnée, farouche, vitupérante, avec des graves menaçants. Il est vrai que des chanteuse capables d’assumer ce rôle terrifiant sont rarissimes, quasi inexistantes depuis trente ans, et que nous vivons tous dans le souvenir de la miraculeuse Joan Sutherland (enfin, au disque, avec Zubin Mehta). Toutefois, cette unique réserve ne doit pas occulter le plaisir procuré par la solidité du reste de la distribution, l’éclat flamboyant de la direction musicale et de l’orchestre, comme la magnificence de la mise en scène.



Philippe van den Bosch

 

 

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