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Bienfaits et méfaits de la tradition

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
11/16/2009 -  et 13 (Wien), 18 (Köln), 19 (Amsterdam), 21, 22, 24, 27 (Wien) novembre 2009
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 8 en fa majeur, opus 93 – Ouverture d’Egmont, en fa mineur, opus 84 – Symphonie n° 7 en la majeur, opus 92
Wiener Philharmoniker, Christian Thielemann (direction)


C. Thielemann (© Münchner Philharmoniker)



Christian Thielemann a-t-il voulu réitérer le concert du 27 février 1814 où Ludwig van Beethoven lui-même avait dirigé sa Septième symphonie mais aussi, en première audition, sa Huitième symphonie, toutes deux accompagnées d’une ouverture (La Bataille de Vittoria) et du trio vocal Tremate, empi (opus 116) ? En tout état de cause, le programme proposé ce soir, à guichets fermés, était on ne peut plus classique même si l’Orchestre philharmonique de Vienne n’avait pas donné de symphonie de Beethoven depuis près de dix ans. Sauf erreur, il s’agissait de la Cinquième, sous la baguette alerte de Sir Simon Rattle (voir ici). Force est de constater que le terme « alerte » est, pour cette représentation, loin de caractériser la direction de Christian Thielemann, colosse à l’énergie débordante, ayant du mal à tenir en place sur le podium et dont la finesse d’exécution ne figure pas toujours parmi les premières qualités.


Beethoven compose sa Huitième symphonie en peu de temps, achevant la partition en octobre 1812. Tiraillée entre deux autres symphonies qui sont autant de « monstres sacrés » du répertoire, il s’agit d’une œuvre légère, allante, dont les accents rappellent à plusieurs reprises certaines pièces de Haydn, qu’il s’agisse du troisième (Menuet) ou du quatrième mouvement (Allegro vivace). L’oreille n’est plus habituée à l’interprétation telle que la conçoit Thielemann. Si, par le passé, Karajan, Furtwängler et quelques autres avaient déjà adopté des tempi beaucoup plus vifs, la révolution baroque a plus encore conduit les tenants de la tradition (Muti, Haitink, Mehta) et la nouvelle génération (Harnoncourt, Rattle) à considérablement alléger le discours musical. Certes, huit contrebasses et seize premiers violons peuvent handicaper cette volonté et, même, paraître excessifs mais Beethoven n’a-t-il pas lui-même écrit que, lors du concert de 1814 susmentionné, « l’orchestre se composait de 18 premiers violons, 18 seconds violons, 14 altos, 12 violoncelles, 7 contrebasses, 2 hautbois... » (B. et J. Massin, Ludwig van Beethoven, Fayard, page 676) ? A rebours de l’évolution interprétative, Thielemann adopte donc des tempi retenus qui, rapidement, enlisent la symphonie. Dirigeant un orchestre globalement toujours aussi admirable (des cordes à tomber mais des bois en petite forme, notamment la fragile clarinette solo d’Ernst Ottensamer dans le « Menuet »), le chef allemand ne convainc guère. La finesse de certains passages, notamment dans le délicieux Allegro scherzando, ne rachète pas pour autant le phrasé routinier qui, au bout du compte, suscite un certain ennui.


Même s’il est étrange de voir une première partie de concert se conclure par une ouverture, la deuxième œuvre au programme était, en remplacement de la création de Jörg Widmann initialement prévue, le compositeur n’ayant pas achevé son œuvre à temps, la célébrissime Ouverture d’Egmont. Si les mêmes commentaires peuvent en partie être faits, on se laisse néanmoins emporter par la partie finale de l’ouverture, menée tambour battant, où Christian Thielemann pousse l’Orchestre philharmonique de Vienne dans ses extrêmes limites. Le frisson passe dans le dos de chaque spectateur et, tout naturellement, une ovation salue l’accord conclusif.


De même que Beethoven avait qualifié la Huitième symphonie de « petite symphonie », de même voyait-il dans la Septième « une des plus importantes » (Lettre à Salomon, 1er juin 1815). Les qualités de l’orchestre se retrouvent dès les premières notes de ce cheval de bataille (créé en décembre 1813) : ampleur du son, tenue des phrases, discipline de fer… Thielemann développe là encore une approche extrêmement solennelle et grandiose, à mille lieues de ce que pouvait faire, par exemple, Carlos Kleiber dans cette œuvre qu’il chérissait tant. Le fameux Allegretto s’inscrit immédiatement dans la ligne de la Marche funèbre de l’Héroïque : le contresens peut certes être souligné mais on ne peut tout de même pas rester insensible à la pureté des lignes, à la plénitude sonore et à l’équilibre orchestral obtenu. Si le Presto est pris à la bonne vitesse, on regrette que l’Allegro con brio soit si lent : l’étourdissant final perd en folie et, même s’il emporte l’adhésion du public, conclut la symphonie sur une note quelque peu décevante.


En guise de bis, Thielemann reste dans la droite ligne du programme en proposant l’Ouverture de Coriolan. L’interprétation, massive et pourtant allante, concluait la soirée dans une véritable ivresse sonore, nouvelle preuve de l’excellence de l’Orchestre philharmonique de Vienne. On reste néanmoins sur sa faim : lorsqu’il dirigera la Symphonie « Pastorale » le 1er mars prochain, en ces mêmes lieux, Lorin Maazel réussira-t-il mieux que son confrère allemand à la tête de la prestigieuse phalange ? Le rendez-vous est pris !


Le site de l’Orchestre philharmonique de Vienne



Sébastien Gauthier

 

 

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