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Un petit bijou du temps jadis

Madrid
Teatro Español
10/15/2009 -  & 17 octobre
Luigi Boccherini: Clementina
Livret de Ramón de la Cruz – Edition de Miguel Angel Marín (Boccherini Complete Edition, Lucca)

Anna Crietichetti (Clementina), María Rey-Joly (Narcisa), Amaya Domínguez (Cristeta), Cristina Faus (Doña Damiana), Joao Fernandes (Don Lázaro), Juan Sancho (Don Urbano), Jodi Boixaderas (Don Clemente), Vicente Díez (Marquis de la Ballesta)
Orchestre Baroque de Venise, Andrea Marcon (direction musicale)
Juan Sanz et Miguel Angel Coso (décors), Antonio Belart (costumes), Paco Ariza (lumières), Mario Gas (mise en scène)


(© Andrés de Gabriel)


Qu’est-ce qu’une zarzuela? On pourrait ainsi la définir : un opéra comique, ou un Singspiel façon espagnole. Au XVIIe siècle (le Siècle d’Or), la zarzuela est un grand spectacle de palais, aux thèmes mythologiques ou historiques, d’un niveau intellectuel raffiné. Le grand auteur dramatique Pedro Calderón de la Barca, le compositeur Juan Hildalgo et le scénographe Baccio del Bianco étaient des représentants de cette forme d’art lyrico-dramatique. Beaucoup plus tard, dès la deuxième moitié du XIXe siècle, la zarzuela devient un genre très différent, plus populaire. Pendant la crise espagnole de la fin du siècle, une zarzuela de petit format s’impose: le género chico, c'est-à-dire une pièce d’environ une heure - phénomène que l’on appelait « théâtre d’une heure» (Teatro por horas) - on assistait à une saynète (ou zarzuela); le public sortait, et l’heure suivante montrait une nouvelle pièce pour un public différent. Les quatre sessions du Teatro Apollo on connu un succès continu pendant au moins trois décades entre les deux siècles.



Au XVIIIe siècle, les choses sont un peu différentes. La zarzuela devient une forme d’art espagnole dans un milieu où l’opéra italien reignait en maître absolu. Clementina est un modèle peu habituel de zarzuela car il n’a plus les ambitions du Siècle d’Or et se rapproche de la zarzuela populaire, plus tardive. On peut dire que Clementina est un opéra semi-bouffe, sans recitativo secco, parfois avec un recitativo accompagnato (à deux reprises), avec des airs, de coplas, des duos et des ensembles. Pas de clavecin, ni de récitatif comme dans l’opéra italien. On parle et on chante. On parle peu, à part à quelques indispensables occasions qui permettent de faire progresser l’action. On chante, surtout: différence fondamentale avec la zarzuela de la fin du XIXe, grande ou chica (longue ou courte). On est à l’époque du Classicisme, et les unités d’action, de temps, et de lieu sont de règle: tout se passe pendant les quelques heures d’une journée, pas trop folle d’ailleurs, chez Don Clemente. Neuf personnages en tout (dont trois qui ne chantent pas): deux sopranos, Clementina et sa sœur Narcisa: deux mezzos (Doña Damiana, la nourrice) Cristeta, la soubrette), un ténor léger (Don Urbano, caballero portugais), une basse bouffe (Don Lázaro, professeur de musique), et trois comédiens: Don Clemente, le père, le Marquis de la Ballesta, et un domestique. Et une pointe de mélodrame : Clementina n’est pas la fille de Don Clemente… mais la sœur de son amoureux portugais. Un détail excellent de mise en scène est à souligner: le père dévoile la vérité, en parlant, tandis que les musiciens de l’orchestre s’exclament!



Les thèmes ont radicalement changé. L’action est contemporaine, et les personnages sont des bourgeois, des aristocrates, mais aussi des gens du peuple (la soubrette, le professeur). Une ambiance très fin-d’ancien-régime. L’auteur du texte est un dramaturge important de la fin du XVIIIe, Ramón de la Cruz (1731-1794), très populaire, auteur de 300 saynètes costumbristas. Clementina est une commande passée par une maison aristocratique, et la première eut lieu dans les salons de la Comtesse-Duchesse de Benavente, en 1786. Le musicologue Miguel Angel Marín nous renseigne sur une autre mise en scène qui date de 1799, donnée au Théâtre de los Caños del Peral, à Madrid (le théâtre juste antérieur au Teatro Real) et quelques autres à Valencia, un peu plus tôt. Miguel Angel Marín a préparé l’édition critique qui a rendu possible cette très belle représentation au Teatro Española: l’orchestre, composé de vingt musiciens, joue sur instruments anciens: cordes, deux hautbois qui doublent deux flûtes, deux bassons, et deux cors naturels. Les sources consultées par Marín se trouvaient à Madrid et à Berlin (Boccherini a travaillé pour Frédéric-Guillaume de Prusse et peut-être sa Clementina était-elle un cadeau, sans intention de mise en scène : une zarzuela espagnole au Berlin du XVIIIe siècle !) D’ailleurs, Boccherini, Italien hispanisé, était surtout un compositeur instrumental. Clementina est sa seule pièce pour le théâtre.



Après quelques tentatives pour la ressusciter, on peut dire que cette Clementina-là avait tout d’authentique. L’ancien enregistrement en italien était dissuasif. Aujourd’hui, nous avons entendu un ensemble musicologiquement fort respectable, rigoureux, (belle conception d’Adrea Marcon), brillant parfois, un peu plat à d’autres, notamment dans les moments à faible densité dramatique.
Les voix sont très belles. Le lyrisme et la couleur d’Anna Chierichetti, l’ampleur de la tessiture de María Rey-Joly (ses graves suivis d’aigus sont étonnants), la joie et la hauteur de la voix de Amaya Domínguez, l’élégance d’émission de Cristina Faus… ! Juan Sancho est un ténor léger possédant un grand avenir, encore jeune, et qui signe de très beaux moments. Joao Fernandes a une voix puissante mais appuie un peu trop le caractère bouffe de son personnage. De plus, María Rey-Joly et Amaya Domínguez sont d’excellentes comédiennes. Parmi les comédiens figurait l’un des meilleurs actuellement, le catalan Jordi Boixaderas qui vient de signer avec Mario Gas un formidable Willy Loman de Miller. Un vrai luxe pour un rôle comme celui-ci. Vicente Díez est un acteur de caractère bouffe qui lui aussi force parfois un peu trop le trait.



La mise en scène de Mario Gas, un connaisseur en matière de théâtre dramatique, de zarzuela et d’opéra, est belle, agile, et divertissante. Gas a réalisé ces derniers temps des mises en scène plus que remarquables : Mort d’un commis-voyageur, Homebody-Kabul, Molly Sweeney, Madama Butterfly et L’Elisir d’amore.


Avec cette Clementina on assiste à du véritable théâtre chanté, grâce à une vraie direction d’acteurs, à la beauté des costumes et des décors.


Cette production fait figure d’exception dans le répertoire du Teatro Español, plus habitué au théâtre dramatique, mais qui offre de temps en temps des spectacles musicaux. Après ces deux représentations, le spectacle se rendra au Teatro Arrimage de Bilbao et une tournée en Italie est aussi envisagée.


Il est important que cette zarzuela se fasse connaître, avec cette équipe, au-delà des frontières espagnoles car c’est un petit bijou.



Santiago Martín Bermúdez

 

 

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