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Elina Garanca, Carmen frôlant l'idéal

London
Covent Garden
10/03/2009 -  et 6, 10*, 13, 21, 24 octobre 2009
Georges Bizet: Carmen
Elina Garanca (Carmen), Roberto Alagna (Don José), Ildebrando D'Arcangelo (Escamillo), Liping Zhang (Micaëla), Changhan Lim (Moralès), Henry Waddington (Zuniga), Eri Nakamura (Frasquita), Louise Innes (Mercédès), Adrian Clarke (Le Dancaïre), Vincent Ordonneau (Le Remendado)
Chœur et Orchestre du Royal Opera House, Bertrand de Billy (direction musicale)
Francesca Zambello (mise en scène), Tanya McCallin (décors), Paule Constable (lumières), Arthur Pita (chorégraphie)


R. Alagna & E. Garanca (© Catherine Ashmore)


La Carmen idéale? C’est à Londres qu’il faut aller ces jours pour la voir et l’écouter. Après sa prise de rôle chez elle à Riga en 2007 puis quelques représentations aux Thermes de Caracalla l’été dernier, Elina Garanca promène cette saison la célèbre bohémienne sur les principales scènes lyriques internationales, en commençant par la capitale britannique, avant New York et Vienne. Pour être tout à fait honnête, on nourrissait quelques craintes sur l’adéquation de la chanteuse au rôle, tant la mezzo lettone, malgré une voix superbe et une technique irréprochable, s’est forgé une réputation de froideur et de manque de tempérament. La surprise n’est que plus grande: Elina Garanca convainc totalement en Carmen. Son entrée en scène, les cheveux foncés, la peau bronzée, la poitrine couverte de sueur, dissipe déjà les premiers doutes. Et au fil de la soirée, on se laisse totalement séduire par son incarnation: farouchement éprise de liberté, déterminée à faire ce qui lui plaît, jouant de ses charmes sans jamais tomber dans la vulgarité (il faut la voir mettre en valeur ses jambes ou passer une fleur sous sa jupe), très bonne danseuse au demeurant, sa Carmen est aussi une femme, vulnérable, follement amoureuse au deuxième acte, et non une croqueuse d’hommes comme on voudrait souvent nous le faire croire. Ajoutez à cela un timbre de velours, une riche palette de couleurs, des graves capiteux, un chant raffiné, et vous aurez une interprétation frôlant l’idéal. Le français, quand bien même tout à fait compréhensible, pourrait être amélioré, et le côté rebelle du personnage davantage mis en valeur, mais ce ne sont là que des détails, qui s’affineront au gré des représentations et des mises en scène.


En décembre 2006, à la création du spectacle, Don José aurait dû être chanté par Roberto Alagna, mais ce dernier avait préféré s’envoler pour la Scala qui lui proposait Radamès, créant le scandale que l’on sait. Trois ans plus tard, le ténor endosse le costume qui lui était initialement destiné. De Roberto Alagna, on connaît les qualités: la diction française irréprochable, la générosité du chant et l’insolence des accents, qui font à chaque fois merveille. Malgré tout, on ne peut s’empêcher de se dire qu’il est bien dommage qu’un artiste de ce calibre soit si peu scrupuleux avec la partition, chantant tout forte, sans aucune nuance. «La fleur que tu m’avais jetée» aurait gagné en émotion. Mais ne boudons pas notre plaisir, tant la réunion de deux chanteurs d’exception a offert une scène finale d’anthologie, d’une rare intensité.


L’Escamillo d’Ildebrando D’Arcangelo ne convainc lui qu’à moitié; on sent le chanteur sur la réserve, mal à l’aise, peut-être en raison de son manque d’affinité avec le répertoire français et la langue. Indubitablement, on le préfère dans Mozart ou Rossini. Quant à Liping Zhang, on ne comprend tout simplement pas qu’une voix stridente et fade comme la sienne puisse être distribuée sur une grande scène internationale. Dans la fosse, Bertrand de Billy mène l’ouverture au pas de charge, avant de s’attacher à souligner les couleurs et les rythmes de la partition, sans jamais faire retomber la tension dramatique. Le spectacle conçu par Francesca Zambello en 2006 (avec alors en tête de distribution Anna Caterina Antonacci et Jonas Kaufmann, immortalisés par un DVD) est de facture traditionnelle, pour ne pas dire conventionnelle, dans de superbes tons orange foncé et ocre, traduisant une Espagne écrasée de chaleur et de soleil. Au lever de rideau, pendant l’ouverture, Don José se lamente dans sa prison, les mains menottés. Pour le reste, rien ne vient éclairer le chef-d’œuvre de Bizet d’une lumière nouvelle. Le plateau est rempli d’enfants, de soldats, de bohémiennes, de contrebandiers, de toréros et de picadors, sans oublier les inévitables animaux (cheval, âne, poules…), ce qui n’est pas sans rappeler la Carmen selon Zeffirelli encore visible à Vienne. A défaut d’originalité, le spectacle dénote un grand professionnalisme et un art consommé du déplacement de foules. Mais, on l’a dit, cette reprise vaut avant tout pour la confrontation électrique entre deux chanteurs au sommet de leur art.



Claudio Poloni

 

 

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