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Le Strauss le plus bouffe visite Séville

Séville
Teatro de la Maestranza
10/03/2009 -  & 5*, 7 octobre
Richard Strauss: Die schweigsame Frau
Franz Hawlata (Sir Morosus), Julia Bauer (Aminta), Bernhard Berchtold (Henry Morosus), Klaus Kuttler (Le barbier), Barbara Bornemann (La gouvernante), Elena de la Merced (Isotta), Karolina Gumos (Carlotta), Alfredo García (Morbio), Felipe Bou (Vanuzzi), Pavel Kudinov (Farfallo), Miguel Ángel Luque (Acteur)
Real Orquesta Sinfónica de Sevilla, Pedro Halffter (direction musicale)
Dagmar Niefind (costumes), Marco Arturo Marelli (mise en scène et lumières)


(© Teatro de la Maestranza)


Séville peut être bien fière de son théâtre de la Maestranza, de la direction artistique ambitieuse et équilibrée de Pedro Halffter, avec ses opéras, ses concerts symphoniques et de chambre, ses récitals, etc. A Séville il ne se passait pas grand-chose sur le plan musical il y a quelques années. Les choses ont changé radicalement pour cette ville de 750 000 habitants, où se déroule l’action de nombreux opéras. Pedro Halffter, un formidable chef d’orchestre (et jeune, il a 38 ans) est aussi aux commandes du Symphonique de Séville et du Philharmonique de la Grande Canarie, et il a fait le pari de proposer des opéras et des concerts de plusieurs périodes, tout en ménageant un public encore peu habitué à ces répertoires. Cependant, ces derniers années, on a vu et entendu (parfois en version de concert) à Séville des œuvres plutôt osées pour un public encore un peu néophyte : Schreker (Der ferne Klang), Janácek (La Petite renarde rusée), Berg (Lulu, version en deux actes), Busoni (Doktor Faust), Britten (The Rape of Lucretia), Menotti (Le Médium), Poulenc (Dialogues des Carmélites, La Voix humaine) et aussi quelques opéras rares et courts comme Savitri (Holst) et Façade (Walton), et même les opéras-minute de Milhaud.


Et le « grand » répertoire, bien sûr, n’a pas été oublié. Wagner, Verdi, Massenet, etc. Et même Richard Strauss. La Femme silencieuse est la quatrième présentation straussienne de La Maestranza, et une création en Espagne. Un pari osé, mais le succès a récompensé la hardiesse.


C’est la coproduction de Vienne et Dresde (1996) qui a été récupérée pour l’occasion. La Femme silencieuse est un opéra bouffe, du théâtre dans le théâtre, l’apothéose du travestimento, et hélas, la seule collaboration de Strauss avec Stefan Zweig, juif autrichien, banni par les nazis comme écrivain, et comme citoyen pendant l’Anschluss. La première eut lieu à Dresde (dirigée par Karl Böhm), mais les nazis n’ont autorisé que trois représentations. L’œuvre est agile, l’esprit italien, mozartien, mais la facture est straussienne, de racine wagnérienne.


La mise en scène reconstruite de Marelli est formidable dans cet esprit-là : vive, drôle, au rythme soutenu. Les décors ne sont pas le meilleur aspect de cette production : ils tombent dans la tentation de l’évident : le maître de la maison est un ancien marin, donc la demeure est un bateau…


Franz Hawlata possède un très beau médium, mais les graves redoutables de la partition lui posent très souvent des problèmes. Il construit néanmoins un Morosus efficace et plein d’humour, humain et bon enfant. Julia Bauer se tire mieux des difficultés d’Aminta grâce à la beauté et l’agilité de sa voix et par son tempérament de comédienne: un protagoniste qui sait se dédoubler dans ce rôle riche et exigeant. On dit souvent que Strauss haïssait les ténors: Berchtold souffre souvent dans les aigus, mais la voix est belle et lyrique, et lui aussi se voit contraint de se dédoubler, sans toutefois parvenir au résultat de Julia Bauer. Kuttler chante un bon Barbier qui, sans être génial, reste adéquat, même s’il force un peu trop le caractère bouffe du rôle. La troupe des comédiens est servie par un ensemble de voix très solides : la soprano Elena de la Merced et la mezzo Karolina Gumos sont très à la hauteur; tout comme les deux basses, Felipe Bou et Pavel Kudinov, ainsi que le baryton Alfredo García. Ne passons pas sous silence Barbara Nornemann, la contralto qui joue la Gouvernante et qui, dans cette mise en scène, se transforme en témoin cocasse et souvent interloqué tout au long de l’action : elle connaît les secrets des tricheurs et la crédulité de son maître.


Pedro Halffter dirige de mieux en mieux. On l’a vu dans des programmations difficiles, notamment la Onzième Symphonie de Chostakovitch où il sut formidablement bien corriger la médiocrité de l’orchestre. Ici, il dirige les drôles et les terribles dans un exercice ou Strauss reste un maître incontesté (ah, le sextuor de l’acte II !). Toute l’œuvre est menée avec énergie et sagesse. Le sens symphonique et théâtral de Halffter permet à ce chef de montrer le meilleur de son talent à la tête du Symphonique de Séville, un bel instrument pour une belle ville, ville de légende, de roman, de théâtre, d’opéras et dont l’histoire est trois fois millénaire.


Le site de La Maestranza



Santiago Martín Bermúdez

 

 

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