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Peer Gynt sans esprit de suite

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
10/01/2009 -  
Edvard Grieg : Concerto pour piano et orchestre en la mineur opus 16 – Peer Gynt, extraits de la musique de scène opus 23
Elisabeth Leonskaja (piano), Camilla Tilling (Solveig), Brigitte Vinson (Anitra), Eric Génovèse (Peer Gynt), Marianne Pousseur (Anitra)
Chœur de Radio France, Orchestre national de France, Kurt Masur (direction)


E. Leonskaja (© Rafael Martin)


Pour le deuxième concert de la saison, c’est toujours Kurt Masur qui officie à la tête du National : il faudra attendre le 29 octobre pour que Daniele Gatti retrouve enfin « son » orchestre avec le début de son cycle Mahler. Situation singulière, mainte fois soulignée, sinon dénoncée : c’est un peu comme si Abbado et Rattle se partageaient la Philharmonie de Berlin… n’y revenons pas. Cela n’enlève rien, d’ailleurs, au plaisir que nous a donné ce concert Grieg, où à un tube du répertoire succédaient des extraits de Peer Gynt, dont certains ne se donnent hélas pas si souvent.


Elisabeth Leonskaja rapproche le Concerto pour piano des grands concertos russes, y déployant dès les premières mesures de l’Allegro molto moderato une énergie puissante, torrentielle, avec une cadence grandiose, mais sans dureté. Si le jeu est profond, il reste souple et trouve même, dans certains passages, une certaine fraîcheur populaire. La pianiste, décidément inspirée, imprègne l’Adagio – ce mouvement lent constituera le bis – d’une poésie rhapsodique, avant un Allegro moderato molto e marcato plein de verve et de sève, presque sauvage parfois, d’un lyrisme intense dans le cantabile médian. Elle ne tombe donc dans aucun piège, ni dans celui d’un romantisme débordant ni dans celui d’un folklorisme outré. Kurt Masur évite, de son côté, de confondre Grieg et Brahms, ne cherchant pas à émousser la verdeur de certains timbres ; il n’avance malheureusement pas toujours à l’unisson de la soliste et il n’est pas rare qu’il arrive après elle à la fin des phrases.


Cette verdeur un peu drue des timbres convient parfaitement à Peer Gynt, où le chef allemand semble particulièrement à l’aise, aussi loin de l’hédonisme que du sentimentalisme. Le caractère populaire de la partition est ainsi préservé. Il a l’art de l’évocation pittoresque, notamment dans une Danse arabe sans complexe ; « Dans la halle du roi de la montagne », les trolls se livrent à un véritable sabbat ; on respire un air frais dans « Au matin », où s’admirent les couleurs des bois. Mais il obtient également des cordes, dans la Danse d’Anitra, une rondeur soyeuse qu’on ne leur connaît pas toujours, sans parler du travail sur la finesse des nuances. Il a bien compris qu’un Peer Gynt réussi se fonde sur la spécificité des timbres. Sa direction nous rappelle le chef de théâtre qu’il fut, alors qu’il est devenu exclusivement un chef symphonique : on entend une vraie musique de scène, avec des morceaux chantés, pas une simple suite – c’était déjà le cas d’Egmont, donné une semaine avant. Il est vrai que le concert doit beaucoup à un Eric Génovèse remarquable, tant par la clarté de l’articulation que par la justesse du jeu – quelle différence avec l’impréparation de Gérard Depardieu dans Lelio ! Après avoir été la récitante de Psyché de Franck, autre œuvre rare exhumée par Masur (lire ici), l’excellente Marianne Pousseur revient en Anitra. Le chœur appelle moins d’éloges, sans parler des interventions des trois Filles des pâturages, et l’Anitra de Brigitte Vinson paraît bien sèche de timbre. Camilla Tilling, en revanche, phrase parfaitement la Chanson de Solveig, à qui elle prête une voix dont la légèreté sied au personnage – ce fut, à Garnier, celle d’Ilia pour l’Idoménée dirigé par Thomas Hengelbrock. Quatorze numéros sur les vingt-six de la musique de scène : s’il en manque encore, cela suffit à nous rappeler que Peer Gynt ne se réduit décidément pas à deux Suites d’orchestre.



Didier van Moere

 

 

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