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Un régal Paris Théâtre des Champs-Elysées 09/28/2009 - et 30 septembre 2009 (Grenoble) Wolfgang Amadeus Mozart: Così fan tutte, K. 588
Alexandra Coku (Fiordiligi), Renata Pokupic (Dorabella), Benjamin Bruns (Ferrando), Andreas Wolf (Guglielmo), Simone Alberghini (Don Alfonso), Claire Debono (Despina)
Chœur de chambre Les Eléments, Joël Suhubiette (direction), Le Cercle de l’Harmonie, Jérémie Rhorer (direction)
Le Cercle de l’Harmonie (© Alvaro Yañez)
Tout juste deux semaines après avoir dirigé l’Ensemble Modern dans un spectacle Weill (voir ici), Jérémie Rhorer revient au Théâtre des Champs-Elysées avec son ensemble Le Cercle de l’Harmonie pour la reprise du Così fan tutte (1790) présenté au Festival de Beaune en juillet dernier. Déjà monté en novembre dernier par Jean-Christophe Spinosi et Eric Génovèse (voir ici), l’opéra buffa de Mozart sera à nouveau à l’honneur avenue Montaigne, entouré des deux autres volets de la «trilogie Da Ponte», pour la reprise de la production de Pierre Constant sous la baguette de Jean-Claude Malgoire.
Même s’il s’agit ici d’une version de concert, l’urgence et l’émotion de la scène triomphent d’emblée grâce à la fibre éminemment mozartienne du chef français: rien à voir avec la sécheresse brutale et artificielle de Spinosi, mais une direction vive et bondissante, ne laissant rien au hasard et toujours en alerte, théâtrale dans le meilleur sens du terme, tout en sachant ménager des respirations opportunes (quintette «Senti, oddio» et trio «Soave sia il vento» au premier acte, quatuor du toast au second acte). Cette constante mise en danger pousse l’orchestre dans ses derniers retranchements, avec des cors naturels voire des hautbois parfois à la peine, même si l’effectif restreint (vingt-trois cordes) ne paraît jamais chétif. Mais elle ne lâche pas l’auditeur un seul instant, d’autant que les numéros s’enchaînent quasiment sans interruption, avec des récitatifs soutenus par le pianoforte interventionniste de Paolo Zanzu et des ensembles à la verve rossinienne, sans oublier les douze choristes des Eléments de Joël Suhubiette.
Aucune star, mais nul point faible dans la distribution vocale, renouvelée aux deux tiers depuis Beaune: les hommes déposent chacun leur volumineuse partition sur un pupitre, mais ils ne s’y reportent quasiment pas, tandis que les femmes s’en privent tout bonnement – libérés de cette contrainte, tous peuvent ainsi plus aisément encore suggérer la scène. La soprano américaine Alexandra Coku donne l’impression de ménager ses moyens, mais en véritable tragédienne et avec une magnifique musicalité, elle fait de Fiordiligi un personnage blessé, plus fragile qu’à l’accoutumée. Faisant étalage de moyens impressionnants (richesse et stabilité du timbre sur l’ensemble de la tessiture, justesse), la mezzo croate Renata Pokupic s’impose avec aisance en Dorabella. Le ténor allemand Benjamin Bruns campe un Ferrando subtil et délicat, à l’aigu facile, chez lequel on ne pourra guère regretter qu’un manque d’homogénéité des registres et des graves un peu engorgés. Son compatriote Andreas Wolf est un Guglielmo de haute tenue, point trop fanfaron et phrasant avec grâce. La soprano maltaise Claire Debono incarne assurément une Despina vocalement convaincante et tout à fait piquante, impayable lorsqu’elle contrefait le médecin et le notaire, mais ses incessants changements d’inflexion, de couleur et de style tendent à tourner au procédé. Au contraire, l’Italien Simone Alberghini se veut un Don Alfonso sobre, pas outré, allégeant délibérément la voix et parlant quelquefois plus qu’il ne chante.
Le site du Cercle de l’Harmonie
Le site d’Alexandra Coku
Simon Corley
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