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Authentique ou rustique ? Aix-en-Provence Grand théâtre de Provence 09/25/2009 - Ludwig van Beethoven: Symphonie n° 5, opus 67, et n° 9, opus 125
Anna-Kristiina Kaappola (soprano), Marianne Beate Kielland (alto), Markus Schäfer (ténor), Thomas Bauer (basse)
Orchestre et chœur Anima Eterna, Jos van Immerseel (direction)
J. van Immerseel (© Agnès Mellon)
Anima Eterna, créé et dirigé par Jos van Immerseel, est un orchestre à géométrie variable parmi les plus originaux et novateurs du moment, puisqu’il s’attache à interpréter sur instruments d’époque des répertoires allant du classicisme au début du XXe siècle, ainsi qu’en témoignent de surprenantes réalisations discographiques consacrées à Liszt et Ravel (chez Zig-Zag Territoires), et dernièrement une intégrale des Symphonies de Beethoven, la plus convaincante de toutes celles tentées par les « baroqueux ». C’est évidemment avec un vif intérêt qu’on attend de savoir ce que deviennent ces relectures audacieuses dans la cruelle vérité du concert. Louons d’ailleurs le chef d’oser programmer ces deux écrasants chefs-d’œuvre : à force de les considérer comme des pages rebattues (ce qui était sans doute vrai au temps de Furtwängler), on fini par ne quasiment plus les donner en salle de nos jours. Dire que nous avons besoin de l’excuse d’une exécution « à l’ancienne » pour s’autoriser à les faire à nouveau entendre !
Les timbres d’époque produisent d’emblée un véritable choc esthétique, plus violent qu’au disque, les micros lissant quelque peu les aspérités. Grâce à l’excellente acoustique, extrêmement précise, du Grand Théâtre de Provence, nous pouvons goûter toute la poésie et la truculence des vents. Evidemment, ces vénérables instruments, plus difficiles à dompter, ne vont pas sans provoquer quelques accrocs, surtout du côté des cors naturels, mais, grâce à leur haut niveau de maîtrise et de discipline, la tenue de l’orchestre est globalement très satisfaisante, surtout lorsque l’on songe au « débraillé » de certains ensembles modernes que nous avons pu subir dans des symphonies de Beethoven.
Malheureusement, l’interprétation de la Cinquième Symphonie ne nous a guère donné plus que cet étonnement devant des sonorités inhabituelles, sans doute d’abord pour des questions de décibels. Cet orchestre de 42 musiciens semblait un peu juste pour une vaste salle de 1300 places, surtout avec le timbre délicat des cordes en boyau. Le fortissimo de ces dernières ne dépasse guère le piano de la flûte traversière en bois, d’où certains effets du Scherzo plutôt ratés, lorsque quelques notes des vents doivent répondre sur un ton de mystère aux cordes, mystère ici bien absent. L’Allegro con brio initial manquait lui cruellement de puissance, malgré un tempo très enlevé, et l’Andante con motode poids expressif. Ce Beethoven réduit aux dimensions d’un bibelot décoratif paraît bien hors-sujet. Sans doute les musiciens étaient-ils un outre un peu froids au début, car les choses se sont améliorées pour un Final plutôt ample mais nettement plus sonore et énergique.
La Neuvième Symphonie s’est avérée beaucoup plus intéressante, les timbres des cuivres anciens conférant de saisissantes couleurs cauchemardesques et infernales à l’Allegro initial, alors que le Scherzo portait l’élan d’une ivresse prométhéenne. Jos van Immerseel est parvenu à habiter l’immense Adagio, malgré quelques moments un peu périlleux de défaillances sonores aux vents. Mais les cordes se sont distinguées par un très joli chant soutenu. Et sa relance du discours dans le Final a fait merveille, aidé par un quatuor de solistes homogène et vaillant, ainsi qu’un chœur également valeureux. Alternant recueillement extatique et joie populaire, l’immense conclusion n’a pas manqué de produire son effet enthousiasmant, galvanisant le public aixois.
Le site d’Anima Eterna
Philippe van den Bosch
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