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L’ascension de l’Everest

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
05/05/1999 -  
Ludwig van Beethoven : Quatuor à cordes n° 12 opus 127, Quatuor à cordes n°8 op. 59 n°2 " Razumovsky "

Quatuor Alban Berg

Les débuts de concert ont quelque chose de mystérieux. On se croit prêt à écouter, sans savoir dans quel état on se trouve réellement. Il n’est pas si simple d’entrer instantanément dans la musique. D’où un phénomène bien connu des mélomanes : le concert semble aller s’améliorant. Peut-être ne fait-on en fait que rattraper son retard sur les musiciens, à qui la concentration donne une longueur d’avance. Le concert du quatuor Alban Berg semblait aller en s’améliorant, avec un très bon Douzième Quatuor, un excellent Neuvième Quatuor, et, en bis, une sublime cavatine de l’Opus 130.

Après cette première explication, proposons-en une autre. Peut-être le Douzième Quatuor n’a-t-il pas seulement pâti de notre entrée dans le concert. Le quatuor Alban Berg vieillit. Cela s’entend. Avec les bons et les mauvais côtés. Pour les mauvais : les musiciens n’ont plus leur fougue d’antan, ni leur puissance, ni même exactement leur beauté sonore. Pour les bons : les Berg jouent Beethoven depuis plus de vingt ans, et leur interprétation est pétrie de ce temps, de ce parcours commun avec la musique, de la liberté que cela donne. Ce qui ne bouge pas, c’est leur concentration, leur intensité musicale, leur amour de la musique. Irréprochables, les mouvements lents atteignent des profondeurs insondables, y compris dans ce Douzième Quatuor. C’est seulement aujourd’hui, à leur âge, et après vingt ans, qu’ils peuvent les jouer comme cela.

Les autres mouvements du Quatuor op. 127 n’ont d’ailleurs pas été décevants : tout était bien joué, et très intense, mais on ne pouvait s’empêcher d’entendre les légers dérapages, de constater des limites dans les contrastes dynamiques. L’équilibre des voix était dans l’ensemble préservé, mais certaines voix semblaient bridées, incapables de s’exprimer à plein. Subitement, les Berg faisaient un peu vieille cire. Ce n’est pas moins émouvant. Car on voit mal qui pourrait habiter ce quatuor avec cette profondeur, cette charpente sonore. Curieusement, toutes ces questions n’avaient plus lieu d’être après l’entracte. Les Berg " éternels " étaient de retour : puissance, virtuosité, beauté, naturel, sens de l’architecture. Les contraintes physiques semblaient disparues. Tout était possible (dans un quatuor pourtant plus redoutable du point de vue technique). On n’oubliera pas cet extraordinaire Beethoven. Après un triomphe du public, ils ont joué en bis la cavatine du Treizième Quatuor : elle était bouleversante de dépouillement, de profondeur et de liberté. A cette altitude, l’oxygène se fait rare.



Stéphan Vincent-Lancrin

 

 

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