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Mahlériens et brucknériens

Paris
Salle Pleyel
09/21/2009 -  et 14 (Luzern), 16 (Wien), 24 (London) septembre 2009
Josef Haydn: Symphonie n° 101 «L’Horloge»
Anton Bruckner: Symphonie n° 7

Chicago Symphony Orchestra, Bernard Haitink (direction)


B. Haitink (© Fred Toulet/Salle Pleyel)



Saison faste! Paris devait accueillir tous les Big Five, hormis l’Orchestre de Philadelphie. Le Symphonique de Boston ayant toutefois renoncé à sa visite en invoquant les conséquences de la crise économique, il n’en reste finalement que trois, un au Théâtre des Champs-Elysées (Cleveland le 25 octobre), et deux à Pleyel: avant le Philharmonique de New York (1er et 2 février), le Symphonique de Chicago, qui accomplit actuellement une tournée européenne de près de deux semaines (Allemagne, Suisse, Autriche, Royaume-Uni), s’arrête pour deux jours, comme à Lucerne (voir ici), Vienne puis Londres. En octobre 2007, sous la direction de Riccardo Muti, qui en sera le dixième directeur musical – «désigné» depuis janvier dernier et en fonctions à compter de la prochaine saison –, l’orchestre avait également donné deux programmes. Avec Bernard Haitink, principal conductor depuis le départ de Daniel Barenboim (2006) – aux côtés de Pierre Boulez, «principal chef invité» promu au même moment conductor emeritus – le répertoire est cependant tout à fait différent: si d’autres villes ont pu entendre la Quinzième symphonie de Chostakovitch, l’étape parisienne est quant à elle exclusivement dédiée à la symphonie viennoise, Mozart et Brahms le dimanche après-midi, Haydn et Bruckner le lundi soir.


Avant même d’avoir ouvert les notes de programme – une page entière remercie un couple de mécènes qui a contribué à ce que le concert puisse avoir lieu tandis que la liste des musiciens fait apparaître que la plupart des postes (chairs) de solistes portent le nom d’un illustre prédécesseur auquel se joint le plus souvent le nom d’un donateur – on sait d’emblée qu’on a affaire à un orchestre nord-américain. En effet, alors même que le public est loin d’être installé, bon nombre de musiciens sont déjà sur scène en train de répéter leurs traits – l’excellence de ces phalanges du Nouveau Monde tient aussi sans doute à un perfectionnisme de tous les instants. Encore que – tout est relatif – Chicago ne soit sans doute pas celle qui ait fait la plus forte impression à cet égard, y compris au regard de quelques formations européennes.


La qualité instrumentale demeure cependant de premier ordre, surtout dans une musique qui, telle la Cent unième symphonie «L’Horloge» (1794) de Haydn, ne pardonne guère les écarts. Haitink a fêté ses quatre-vingts ans le 4 mars dernier et s’avance à pas prudents vers le podium sur lequel un haut tabouret a été installé, mais il ne s’assoit que pour reprendre que brièvement des forces entre les mouvements. Pour être Néerlandais, le chef n’en semble pas moins totalement insensible à ce que l’interprétation «historiquement informée», comme diraient les anglophones, a pu apporter. L’effectif est certes réduit, mais les trente-et-une cordes possèdent le moelleux et la profondeur de cinquante. Peu enlevé et très legato, le Menuet serait emblématique de ce retour d’une certaine idée de «Papa Haydn», s’il ne fallait toutefois nuancer l’analyse: d’une battue toujours aussi sobre et précise, Haitink mène à vive allure le célèbre Andante qui donne son nom à l’œuvre et n’hésite pas à dramatiser le discours, notamment dans les développements des mouvements extrêmes, soutenus par les baguettes à la fois souples et toniques du timbalier Donald Koss. Et la partition met également en valeur Mathieu Dufour, flûte solo, qui s’apprête à rejoindre le Philharmonique de Los Angeles, où Esa-Pekka Salonen l’a choisi juste avant de quitter ses fonctions de directeur musical.


Un grand mahlérien peut-il être un grand brucknérien – et réciproquement? De fait, en forçant à peine le trait, on n’imagine ni Bernstein dans Bruckner ni Wand dans Mahler. Bernard Haitink, mahlérien d’exception, a montré qu’il pouvait réussir par exemple une remarquable Huitième symphonie, captée en public en 2002 à Dresde (voir ici). Et lorsque l’Orchestre symphonique de Chicago, suivant l’exemple du LSO, fonda en 2007 sa propre marque de disques (CSO Resound), l’un des tout premiers enregistrements fut consacré à la Septième (1883). Réputé pour le brillant de ses cuivres, Chicago ne faillit pas à sa légende: si, à soixante-neuf ans, Dale Clavenger est certes cor solo depuis 1966, les choses n’en ont pas moins évolué – deux des quatre Wagner-Tuben sont des femmes. Mais la sonorité conserve son éclat, particulièrement du côté des trompettes et trombones, précis et mordants dans leurs attaques. Quant au tuba, ce n’est certes plus le légendaire Arnold Jacobs (1917-1998), dont le pupitre porte désormais le nom, mais son successeur parvient néanmoins sans peine à dominer les tutti.


Maintenant, est-ce suffisant ou même nécessaire dans Bruckner? Les cordes, pourtant désormais au nombre de soixante, ne parviennent pas toujours à s’imposer: qu’en aurait-il été avec un chef plus exubérant? Car Haitink, toujours plus artisan que démiurge, très respectueux du texte qu’il laisse se déployer, demeure un homme du juste milieu: il éclaircit la pâte sonore, ne joue pas sur le pathos, notamment dans le fameux Adagio (avec point culminant ponctué par les cymbales et le triangle, conformément à l’édition Nowak) et déniche tout ce que le propos, derrière un aspect a priori imposant et solennel, peut receler de subtilité. Ce modèle d’équilibre, où le son ne sature jamais, manque cependant trop souvent de tension dramatique: malgré cela, malgré l’absence de bis, les spectateurs, au premier rang desquels Renaud Capuçon, Daniel Harding, Guennadi Rojdestvenski et son épouse Viktoria Postnikova, réservent une ovation debout à celui qui reste l’un des derniers grands de la direction d’orchestre.



Simon Corley

 

 

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