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Tempête sur le Rütli : Guillaume Tell à l’Opéra de Vienne

Vienna
Wiener Staatsoper
05/01/1999 -  et 5, 8, 11 mai 1999
Gioacchino Rossini : Guillaume Tell
Thomas Hampson (Guillaume Tell), Giuseppe Sabbatini (Arnold), Nancy Gustafson (Mathilde), Alexandru Moisiuc (Walter Furst), Walter Fink (Melcthal), Stefania Bonfadelli (Jemmy), Egils Silins (Gesler), John Dickie (Rodolphe), Mathias Zachariassen (Ruodi),
Yu Chen (Leuthold), Mihalea Ungureanu (Hedwige), Mario Steller (un chasseur)
Choeurs et Orchestre de l’Opéra de Vienne, Fabio Luisi (direction)
David Pountney (mise en scène), Richard Hudson (costumes et décors), Renato Zanella (chorégraphie)

L’opéra de Vienne reprend, dans le cadre des "Wienerfestwochen" quatre représentations de Guillaume Tell de Rossini, dans la nouvelle production de David Pountney créée en novembre dernier. L’occasion d’entendre cet opéra est rare et mise en scène et chanteurs se conjuguent pour offrir au public viennois, enthousiaste, un spectacle mémorable.

Etrange destin que celui de Guillaume Tell….Qui n’a pas un jour entendu, ému, le solo pour violoncelle de l’ouverture ou échappé à son final devenu un classique des courses-poursuites des dessins animés, Tex Avery en premier ! Créé le 3 août 1829 au Théâtre de l’Académie Royale de Musique à Paris, Guillaume Tell est le premier opéra original que Rossini offrit au public parisien, après ses adaptations de Mose (Moïse et Pharaon) ou encore de Maometto II (le Siège de Corinthe). Les réactions critiques de ses confrères furent élogieuses, de Berlioz, "rossinophobe" notoire, à Wagner. Pourtant l’ouvrage demeura largement incompris du public : la longueur de l’ouvrage ainsi que le livret de Etienne de Jouy et Hippolyte Bis –à partir de la pièce de Schiller- n’y étaient certes pas étrangers. A Paris, la seule ville où Guillaume Tell resta au répertoire, l’ouvrage n’était que rarement donné dans son intégralité : on ne donna bientôt plus que 3 des 4 actes avant de se limiter au second. Chacun connaît l’anecdote célèbre racontant la rencontre de Rossini et de Louis Véron, alors directeur de l’Opéra de Paris. Ce dernier informa Rossini qu’on représentait le second acte de Guillaume Tell à la "Grande Boutique", ce à quoi Rossini, avec l’humour qui le caractérise, répliqua :"en entier ?". Il fallut attendre la fin des années 80 et le travail de la Fondation Rossini à Pesaro pour retrouver le visage que le compositeur souhaitait lui donner.

La version proposée à Vienne est légèrement écourtée – on regrettera notamment la suppression du duo Mathilde-Hedwige de l’acte IV- mais demeure d’une grande cohérence dramatique. Lors de l’ouverture, le spectateur découvre une Suisse stylisée : chalets miniatures disposés sur la scène, collines verdoyantes, la Suisse de Guillaume Tell est la cible –matérialisée sur un panneau de gaze qui s’opacifie ou s’éclaire selon les différentes parties de l’ouverture - du gouverneur Gessler, qui deviendra à son tour "cible" du célèbre arbalétrier. Cagoulés, vêtus de cuir noir, arborant le drapeau des Habsbourg et avec une démarche évoquant étrangement le pas de l’oie, les hommes de Gessler tyrannisent le peuple suisse et l’on comprend que cette approche du metteur en scène ait soulevé des mécontentements lors des représentations de novembre. La chorégraphie de Renato Zanella vient conforter ce sentiment d’oppression, l’émotion atteignant son paroxysme lors du ballet du 3ème acte où les suisses doivent danser pour sauver leurs vies. La mise en scène est esthétiquement séduisante et pertinente, d’autant plus que la direction d’acteurs est très soignée. Elle réussit notamment le pari de mettre au premier plan simultanément le choeur –admirable choeur du Wiener Staatsoper-, véritable protagoniste de ce premier opéra patriote, ainsi que les individus et leurs conflits.

L’investissement scénique des chanteurs y contribue beaucoup. Thomas Hampson campe un Guillaume Tell bienveillant et protecteur, qui se pose d’emblée comme l’âme de la révolte. Véritable "maquisard" qui compte, béret sur le crâne et arbalète sur l’épaule, les hommes des cantons voisins qui ont répondu à son appel ; homme d’honneur qui refuse le joug des Habsbourg et père bouleversant dans l’air "Sois immobile", Thomas Hampson varie les couleurs à l’infini et crée l’émotion. Il forme avec le ténor Giuseppe Sabbatini un tandem idéal. Ce dernier surmonte tous les écueils de la tessiture redoutable du fier et ombrageux Arnold, avec ses accents élégiaques, et fascine par la beauté des sons mezza voce : quelle douceur dans le duo de l’acte II avec Mathilde ! Thomas Hampson et Giuseppe Sabbatini font tous deux preuve d’une excellente diction et apportent un soin méticuleux au mot et à la phrase qui magnifie l’esprit de la langue. Nancy Gustafson, Mathilde au demeurant fort belle scéniquement et dramatiquement très crédible, peine dans " Sombre forêt" et montre de réelles tensions dans l’aigu. Ce n’est pas le cas du Jemmy de la soprano italienne Stefania Bonfadelli, qui faisait des débuts remarqués au WSO, aux aigus clairs et sonores. Le médium manque de projection et la diction est un peu approximative mais il ne fait aucun doute que ce Jemmy est allé droit au coeur des Viennois. De plus, la petite taille de la cantatrice lui permet de créer sur scène un vrai rapport père-fils avec Guillaume Tell-Hampson. Mention spéciale au pêcheur de Mathias Zachariassen à l’émission très "rossinienne", contrairement aux autres seconds rôles.

L’orchestre était placé sous la direction de Fabio Luisi, très applaudi, qui nous a offert une lecture claire, davantage tournée vers les accents dramatiques que les réminiscences belcantistes de l’ouvrage. On regrettera cependant un manque de tension dans l’ouverture, jouant trop sur les contrastes piano-fortissimo, et une présence par trop envahissante des cuivres. En définitive, une soirée en tout point mémorable qui amène, avec nostalgie, la question suivante : à quand le retour de Guillaume Tell à Paris ?



Laurence Varga

 

 

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