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Saint-Céré

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Marx au grand magasin

Saint-Céré
Théâtre de l’Usine
06/05/2009 -  et 31 juillet, 5, 6, 10* août (Saint-Céré), 6 (Chalon-sur-Saône), 8 (Niort), 18 (Montauban) décembre 2009, 2 (Clermont-Ferrand), 8 (Sarreguemines), 22 (Châtellerault), 23 (Saint-Affrique) janvier, 11 (Lavelanet) , 21 (Saint-Gaudens) février, 18 mars (Blagnac), 28, 29 avril (Oullins), 4 mai (Cahors), 7 octobre (Mazamet) 2010, 25 mars 2011 (Dreux)
Mischa Spoliansky : Es liegt in der Luft

Claudia Mauro, Béatrice Burley, Anne-Sophie Domergue, Flore Boixel, Eric Vignau, Eric Perez, Jean-Pierre Descheix, Yassine Benameur (chant)
Francis Prost (clarinette, saxophone), Marie Bedat (trompette), François Michels (trombone), François Villevieille (violon, percussion), Samuel Domergue (percussion), Dominique Trottein (piano, flûte à coulisse et direction musicale)
Olivier Desbordes (mise en scène), Jean-Michel Angays et Stéphane Laverne (Studio Fbg 22-11) (costumes), Patrice Gouron (décors et lumières)





Toujours sous la direction artistique de son fondateur, Olivier Desbordes, le Festival de Saint-Céré poursuit dans la voie qui a fait son succès depuis 1981. La vingt-neuvième édition, du 27 juillet au 15 août, s’intéresse à la musique chorale, vocale et instrumentale (Carmina burana, polyphonies méditerranéennes, Schubert revu par Bernard Cavanna, récitals Weill et Brahms, quatuor à cordes, quintette à vent), mais l’opéra et le théâtre musical demeurent les points forts de la programmation, avec trois spectacles de la compagnie «Opéra éclaté», dont deux créations qui seront présentées en tournée la saison prochaine.


Dans des styles radicalement opposés mais tout aussi séduisants, le Théâtre de l’Usine, ancienne fabrique de malles et valises, et, en plein air, les somptueux châteaux environnants du Haut-Quercy (Castelnau-Bretenoux, Montal) accueillent près de la moitié des représentations, mais les communes du Lot (Bretenoux, Cahors, Carennac, Cavagnac, Labastide-Marnhac, Lachapelle-Auzac, Martel, Souillac) et même de Corrèze (Argentat, Beaulieu-sur-Dordogne, Curemonte, Meyssac, Tulle) sont également associées à un festival qui peut s’enorgueillir ainsi d’une forte proportion de spectateurs d’origine locale. Enfin, comme en 2008, un «festival off» comprenant neuf manifestations gratuites (répétitions publiques, concerts) se déroule à Saint-Céré même, en différents points de la ville, du 14 juillet au 14 août.


Deux nouvelles productions sont à l’affiche cette année: La Flûte enchantée et un spectacle «Berlin années 20!»: ce dernier semble a priori fort éloigné du singspiel de Mozart, mais Olivier Desbordes y déniche un même message humaniste. En réalité, derrière le sous-titre «La Revue des grands magasins», il s’agit de C’est dans l’air (1928), hybride entre comédie musicale et «revue» satirique typique du cabaret berlinois de l’époque: un «air du temps» que respire la musique de Mischa Spoliansky (1898-1985), très perméable aux rythmes des années folles. Il en va de même du livret et des lyrics de Marcellus Schiffer (1892-1932), qui écrivit cette «Pièce au grand magasin» entre deux collaborations avec Hindemith, le «sketch en musique» Hin und Zurück (voir ici) et l’opéra «amusant» Neues vom Tage, que Desbordes mettra en scène en décembre prochain à Dijon. La femme du librettiste n’était autre que l’actrice Margo Lion, qui chantait le duo «Quand la meilleure amie avec la meilleure amie» avec Marlene Dietrich, alors seulement au seuil de la célébrité.


D’une durée d’un peu plus d’une heure et demie, les vingt-quatre tableaux et dix-neuf numéros ont nécessité une double adaptation: le texte, traduit par Hilla Heintz et expurgé des allusions qui échapperaient aujourd’hui au spectateur français, laisse subsister quelques traces d’allemand, sans doute pour la couleur locale, et a été aménagé, pour chacune des chansons, par ses interprètes ou par le directeur musical, Dominique Trottein; celui-ci, associé au tromboniste François Michels, a par ailleurs arrangé la partition, qui est donnée avec un effectif proche de la version originale – clarinette (alternant avec saxophone), violon, trompette, trombone, clavier et batterie – placé au-dessus de la scène. Quatre girls et quatre boys, pour la plupart des fidèles d’Opéra éclaté, se partagent les nombreux rôles, galerie de portraits défilant dans l’univers du grand magasin, plus proche de celui des frères Marx que de celui de Zola: affreux jojos et caniches abandonnés, kleptomanes, quatuor de bibelots kitsch, crooner chuchotant, photographe – rien ne résiste au dynamisme et à l’abattage de cet octuor d’artistes qui doivent se faire à la fois chanteurs, danseurs et comédiens, à l’unisson des musiciens, portant chapeau et bretelles, réunis autour du clavier de Dominique Trottein.




(© Nelly Blaya)



Travestis, boule à facettes, rampes lumineuses, roulements de tambour: avec les décors et lumières de Patrice Gouron, avec les costumes flashy et baroques de Jean-Michel Angays et Stéphane Laverne, on pourrait se contenter sans peine des paillettes du cabaret et du gros rire de la farce, même parfois teintés de nuances fantastiques ou douces-amères. Mais les refrains caustiques, le persiflage intemporel des puissants et des inégalités, la dénonciation d’un monde déshumanisé car voué à la consommation triomphante confèrent une dimension politique et sociale qui n’est pas sans évoquer L’Opéra de quat’sous de Brecht et Weill, exactement contemporain: bien plus que les Marx au grand magasin, Karl Marx au grand magasin.


Le site du Festival de Saint-Céré



Simon Corley

 

 

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