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De l’aube à la nuit

Paris
Hôtel de Soubise
07/18/2009 -  
Joseph Haydn : Quatuor n° 78 «Lever de soleil», opus 76 n° 4
Henri Dutilleux : Ainsi la nuit
Claude Debussy : Quatuor, opus 10

Quatuor Tercea: Claire Bucelle, Anne Camillo (violon), Céline Tison (alto), Pauline Buet (violoncelle)


Le Quatuor Tercea (© Michel Dieuzaide)



Se plaçant sous la bannière de «l’élitisme pour tous» portée en son temps par Jean Vilar, l’association «Jeunes talents» prend à cœur cette mission pédagogique durant son festival de juillet: du mardi au samedi, les concerts de 20 heures à l’Hôtel de Soubise sont précédés, à 19 heures dans la chambre du Prince, d’une présentation gratuite intitulée «Piano à palabres». Une formule reconduite depuis quelques éditions avec des fortunes diverses: le propos avait ainsi paru décousu et approximatif l’an passé, tandis que cet été, Marie-Anne Le Roy s’en sort mieux... bien que sans piano, avec la seule aide du médiocre lecteur de disques d’un radio-réveil portable.


La tâche demeure difficile, car une demi-heure pour parler d’un programme tel que celui du Quatuor Tercea, associant trois piliers du répertoire – le Soixante-dix-huitième quatuor «Lever de soleil» (1797) de Haydn, Ainsi la nuit (1976) de Dutilleux et l’unique Quatuor (1893) de Debussy – ce n’est pas beaucoup, même si l’ambition affichée est modeste: offrir un guide d’écoute, partager un moment d’échange et de convivialité avec le public et tenter ainsi de remédier au fait que les «musicologues oublient parfois de rêver». S’exprimant sans temps morts et parvenant à faire participer les auditeurs par un jeu de questions/réponses, la jeune femme doit parfois s’accommoder de raccourcis mais, s’appuyant sur la diffusion de brefs extraits sonores, ouvre les bonnes portes: quels sont les autres grands «levers de soleil» de l’histoire de la musique? Quels compositeurs ont évoqué la nuit dans leurs œuvres? La musique contemporaine est-elle nécessairement inexpressive? Il est bien sûr possible de procéder autrement, mais on pourra lui reconnaître à tout le moins un mérite, celui de prononcer à chaque fois l’expression-clef, celle qui resterait s’il ne fallait en retenir qu’une: le style classique pour Haydn, la poésie pour Dutilleux, l’attachement à la sensation plus qu’au sentiment pour Debussy.


Constitué en 2004 au Conservatoire national supérieur de Lyon et bénéficiant actuellement d’une formation à ProQuartet, le Quatuor Tercea est, à l’image des Ardeo ou des Psophos, entièrement féminin. Il donne hélas l’impression de marcher sur des œufs dans un Lever de soleil droit mais sans grande personnalité: trop bridé, pas toujours précis et péchant par une sagesse excessive, il lui manque ce grain de folie, cet humour caractéristiques de Haydn. Mais c’est ensuite le jour et la nuit... pour Ainsi la nuit de Dutilleux, président d’honneur de «Jeunes talents»: non seulement les lumières s’éteignent mais, surtout, le Quatuor Tercea s’illustre ici par un élan infatigable, pas même interrompu par la chute de la partition de son premier violon. L’engagement l’emporte sans doute sur la finition instrumentale et la séduction sonore, mais cette approche terrienne et rugueuse, résolument expressive, a des arguments pour convaincre.


Aube pour Haydn, nuit pour Dutilleux, mais quel moment de la journée assigner au Quatuor de Debussy? Le crépuscule lui sied bien, en tout cas, sous les archets des Tercea: leur interprétation intense et romantique situe la partition trois ans après la mort de Franck (1890) et non pas un an avant le Prélude à l’Après-midi d’un faune (1894). Une conception haute en couleur, volontiers excessive, qui ne met pas seulement en valeur le lyrisme de l’Andantino, mais fait claquer les pizzicati du scherzo et se déchaîne dans le finale. Dans la belle acoustique de la salle des gardes, les conditions météorologiques ayant en effet une fois de plus contraint à renoncer à la cour de Guise, les musiciennes font preuve d’un niveau instrumental homogène, qui n’empêche toutefois pas Pauline Buet, par ailleurs membre de l’Ensemble Hypnos entendu deux jours plus tôt, de se distinguer au violoncelle. En bis, c’est à nouveau, et avec la même fougue, un sol mineur évoluant vers le majeur, l’Allegro con brio final du Soixante-quatorzième quatuor «Le Cavalier» (1793): un Haydn tour à tour tranchant et badin, aux antipodes de celui qui avait ouvert la soirée.



Simon Corley

 

 

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