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Haydn dignement fêté

Aix-en-Provence
Grand Théâtre de Provence
07/10/2009 -  
Joseph Haydn : Symphonie n°44 en mi mineur « Funèbre » – Arianna a Naxos, Hob. XXVIb:2 – Scena di Berenice, Hob. XXIVa:10 – Symphonie n°104 en ré « Londres »
Magdalena Kozena (mezzo soprano)
Camerata Salzburg, Louis Langrée (direction)


L. Langrée (© Elisabeth Carecchio)


En faisant appel pour l’année Haydn à Louis Langrée, qui a dirigé l’an passé une production de Zaïde controversée et dirigera, l’année prochaine, un Don Giovanni mis en scène par Dimitri Tcherniakov, le Festival d’Aix a eu la main heureuse. Si le chef français a compris la leçon des « baroqueux », il n’en est pas l’esclave, montrant au passage que rien n’oblige à jouer systématiquement sur des instruments anciens – cela dit, les timbales, par exemple, sont d’époque. Question d’acoustique ? La Camerata de Salzbourg s’est montrée très supérieure aux Musiciens du Louvre dans Idoménée, tant par la qualité des timbres que par l’homogénéité de la sonorité.


La Symphonie funèbre témoigne d’une énergie, d’un sens des contrastes dynamiques remarquables, qui replacent bien la partition dans la mouvance du Sturm und Drang. Mais l’interprétation n’est jamais débraillée : au-delà des ruptures et des surprises chères à Haydn, le chef n’oublie jamais, dans l’Allegro con brio initial, la cohérence de la structure, avec un développement d’une grande précision dans les fusées de doubles croches. Le Menuet trouve son juste tempo, ni trop lent ni trop rapide, rien moins que sec dans la rigueur de son canon, tandis que le Trio s’épanche librement. On croirait ensuite, dans l’Adagio, entendre un air d’opéra, où la direction, très raffinée, trouve des éclairages nouveaux pour chaque réapparition du thème. Le Presto final déchaîne une tempête orchestrale comme on les aimait à l’époque, sans que rien n’échappe au contrôle d’une baguette qui, habituée à la fosse des opéras, confirme le génie dramatique de Haydn – comme Mozart, il peut concevoir ses symphonies en termes de dramaturgie, surtout à cette époque de sa carrière.


La cantate Ariane à Naxos, fort prisée de Rossini, pour voix et pianoforte dans la version originale de Haydn, et la scène dramatique « Berenice, che fai » bénéficient ainsi d’un accompagnement idéal. Magdalena Kozena s’y montre malheureusement inégale, plus intéressante en tout cas que dans la soirée où elle avait interprété d’une voix monochrome et monotone, au Théâtre du Jeu de paume, des lettres d’amour de compositeurs du XVIIe siècle en compagnie de l’ensemble Private Musicke. Dès le premier récitatif d’Ariane, un tempérament dramatique se révèle, avant un « Dove sei, mio bel tesoro » aux très beaux phrasés. Mais le grave manque et, dans les pages de fureur, l’émission se raidit là où il faudrait jouer sur les couleurs, en particulier dans le Presto du « Misera abbandonata » final. On se demande finalement, à l’écoute de « Berenice, che fai », où l’on remarque les mêmes qualités et les mêmes défauts, si la voix n’est pas trop claire et trop légère : alors que « Non partir, bell’idol mio » séduit par la noblesse du style, la chanteuse semble bientôt épuiser ses réserves et frise même l’accident, à la fin, dans le « Perchè se tanti siete ».


L’ultime symphonie de Haydn, qui clôt le concert, montre tout le chemin parcouru par le compositeur. L’introduction lente ne s’appesantit jamais, bien assise sur ses rythmes pointés, d’une grande franchise d’accent comme le sera l’Allegro, où la netteté des attaques ne nuira jamais à la souplesse des phrasés. Le chef ne tombe pas dans le piège beethovénien en faisant dire à la partition ce qu’elle ne dit pas : elle sonne plus ici comme un aboutissement que comme une anticipation. L’Andante séduit par la précision raffinée du détail, par le sourire de son sol majeur ; mais la violence éruptive du passage en mineur, loin d’être éludée, est très théâtralement déchaînée. Plein de sève, le Menuet bondit et jubile, témoignant de l’incroyable verdeur du compositeur sexagénaire, tout de charme viennois dans le Trio. Parfaitement construit dans sa forme sonate, le Finale n’en sonne pas moins spirituoso, tant ses arêtes sont vives et sa verve populaire assumée, débordant d’une énergie digne des élans Sturm und Drang de la Quarante-quatrième Symphonie, montrant bien que Haydn, sans cesser d’avancer, est resté tel qu’en lui-même. Louis Langrée n’a rien à envier à son confrère Sir Simon Rattle qui, l’avant-veille, a dirigé la Quatre-vingt-onzième à la tête de la très prestigieuse Philharmonie de Berlin.



Didier van Moere

 

 

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