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Pari gagné

Paris
Hôtel de Soubise
07/16/2009 -  
Johannes Brahms : Sextuor n° 2, opus 36
Karol Beffa : Quatuor (création)
Arnold Schönberg : Verklärte Nacht, opus 4

Ensemble Hypnos: Raphaël Jacob (*), Justina Zajancauskaite (*) (violon), Jérémy Pasquier (*), Stéphanie Réthoré (alto), Pauline Buet, Sarah Jacob (*) (violoncelle)


R. Jacob, S. Jacob, S. Réthoré, J. Pasquier, P. Buet & J. Zajancauskaite



Le festival qu’organise l’association «Jeunes talents» durant le mois de juillet s’attache à programmer des artistes s’étant illustrés à l’Hôtel de Soubise au cours de la saison écoulée, à l’image de l’Ensemble Hypnos. Créé en 2008, il s’agit d’un sextuor à cordes regroupant des musiciens qui se sont connus au Conservatoire national supérieur de musique de Paris et dont la plupart, membres d’une ou plusieurs autres formations (Quatuor Tercea, Quatuor de la Musique principale de l’armée de terre, Trio_Nomade, Trio Nacarat, Trio Opale, Trio Jacob, Duo Amarante, Duo Pomme-Z, ...), se consacrent par ailleurs beaucoup à la musique de chambre. On espère qu’ils n’épuiseront pas trop rapidement les charmes d’un répertoire certes dominé par les chefs-d’œuvre de Brahms et Schönberg mais qui n’en demeure pas moins limité, malgré les pages attachantes de Bacri, Bridge, Dvorák, d’Indy, Korngold, Martinu, Reger, Schulhoff, R. Strauss ou Tchaïkovski.


En tout cas, l’heure n’est pas encore à l’originalité, Car l’Ensemble Hypnos commence par le Second sextuor (1865) de Brahms. Autant la veille, les cordes avaient semblé moins bien tirer parti de l’acoustique de la cour de Guise que le piano, autant elles sonnent ici parfois comme un orchestre de chambre. Compte tenu de la chaleur qui règne encore en cette fin de journée et dont le seul avantage est d’être suffisamment étouffante pour qu’aucun courant d’air ne vienne s’attaquer aux partitions, la prestation instrumentale, malgré une insuffisante homogénéité, mérite d’être saluée, mais elle ne se met pas au service d’une vision très convaincante. Nulle faute de goût, assurément, mais un manque de souffle, une absence d’arrière-plans, un jeu sur la réserve, un style plus tenu et appliqué qu’expansif ou jubilatoire, assez rédhibitoire dans ce qui est l’une des inspirations les plus radieuses de Brahms. Nom à double tranchant, Hypnos peut tout aussi bien évoquer un effet soporifique, tendance qui, de fait, menace dans le Poco adagio.


Compositeur invité de cette neuvième édition du festival, Karol Beffa y présente notamment deux créations, dont son Quatuor. Huit ans après une brève pièce intitulée ...Quelques cercles..., ce n’est donc pas exactement son premier essai pour cet effectif, qu’il a déjà précédemment associé à une voix de femme, à un orgue ou à un clavecin. D’une durée totale de vingt minutes, les cinq mouvements se révèlent d’ambition très dissemblable: trois de nature aphoristique et énigmatique, les deuxième et dernier étant en revanche plus développés. Assez fruste, l’écriture procède par autonomisation et opposition de groupes instrumentaux (second violon et alto, les deux violons, etc.) et se fonde sur un balancement mélancolique que suggère la répétition inlassable de petites cellules mélodiques et rythmiques, plus ou moins lentes. La coda s’achemine vers une sorte d’engourdissement progressif: la musique finit par s’immobiliser et se raréfier, avant de s’éteindre. Globalement, la quasi-inertie du discours et la pauvreté du langage contribuent au sentiment d’une indigence minimaliste et néoromantique qu’un Gorecki ou un Pärt savent efficacement cultiver.


Au début du concert, avant même que l’Ensemble Hypnos ne soit entré en scène, La Nuit transfigurée de Schönberg avait fait l’objet d’un exposé court mais non exempt d’imprécisions ou maladresses, comme la confusion entre la date de composition (1899) et la date de création (1902) ou bien l’explication du scandale ayant marqué la première exécution, qui aurait tenu à ce que le public viennois était alors habitué à ce qu’on ne joue «que des valses de Strauss». La lumière se faisant de plus en plus tamisée au fur et à mesure que le crépuscule progresse, accompagné du gazouillis de quelques oiseaux, les musiciens, en l’absence d’éclairage électrique d’appoint, doivent donner sans entracte ce programme de près d’une heure et demie. Malgré quelques indices de fatigue, ils s’accommodent bien de cette contrainte, mais la magie n’opère pas pour autant: plus raide, contrôlée et studieuse que naturelle ou narrative, leur interprétation reste en-deçà des inépuisables ressources expressives de l’œuvre, mais sans doute un supplément de confiance, conséquence d’un travail long et exigeant, leur permettra-t-il de se libérer pour en offrir une lecture à la fois plus fluide et plus passionnée.


Au vu du risque météorologique, les organisateurs auraient préféré déplacer d’emblée cette soirée dans la salle des gardes, à l’abri des éléments, mais ce sont les musiciens qui ont tenu à jouer en plein air. Pari gagné, certes, mais il s’en est fallu de peu: alors que dix heures sonnent, les éclairs commencent à zébrer le ciel et les premières gouttes tombent.


Le blog de l’Ensemble Hypnos



Simon Corley

 

 

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