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Un vent de jeunesse souffle sur le Théâtre des Champs-Elysées

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
07/01/2009 -  et 29 juin 2008 (Genève)
Wolfgang Amadeus Mozart : Quatuor n° 15, K. 421: Andante
Claude Debussy : Quatuor, opus 10: Animé et très décidé
Franz Schubert: Quatuor n° 14 «Das Mädchen und der Tod», D. 810: Allegro
Béla Bartók : Quatuor n° 4, sz. 91: Allegro molto – Quatuor n° 2, sz. 67: Lento (arrangement de Robert Mann pour ensemble à cordes)
Ludwig van Beethoven : Quatuor n° 8, opus 59 n° 2: Molto adagio
Johannes Brahms : Sextuor n° 1, opus 18: Allegro ma non troppo
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Sérénade pour cordes, opus 48

Musiciens de l’International Music Academy - Switzerland, Robert Mann [Bartók], Seiji Ozawa [Tchaïkovsky] (direction)


Seiji Ozawa (© José Albiol)


Tout mélomane qui fréquente un tant soit peu les salles de concert le confessera. Certaines représentations auxquelles il a assisté ont été ennuyeuses, d’autres musicalement bien faites mais sans trahir de véritable investissement de la part des protagonistes, d’autres encore ont pu être calamiteuses ou routinières… et puis, moments privilégiés qu’il convient de savourer pleinement, certaines ont été tout simplement enthousiasmantes. Non pas seulement en raison de la perfection de l’interprétation mais aussi en raison d’une atmosphère particulière, d’une véritable communion entre les artistes et le public, de ce supplément d’âme qui transforme un très bon concert en un concert mémorable. Tel fut le cas ce soir, indéniablement.


L’International Music Academy – Switzerland (IMAS) est une institution récente. Fondée en 2005, elle a pour but d’initier de jeunes musiciens sélectionnés dans les meilleurs conservatoires des quatre coins du monde (les artistes de cette soirée étant français, japonais, allemands, américains, russes…) à la découverte et à l’apprentissage du quatuor à cordes, école d’exigence musicale particulièrement redoutable. Alliant pratique chambriste et confrontation en orchestre, l’IMAS fait appel à des pédagogues d’envergure au cours de ses sessions annuelles puisqu’on y croise notamment les noms de Robert Mann (fondateur, en 1948, du légendaire Juilliard Sring Quartet), de l’altiste Nobuko Imai, de Pamela Frank (violoniste titulaire notamment de l’envié Avery Fisher Prize) et de Sadao Harada (fondateur du Tokyo String Quartet). Mais, il faut surtout mentionner le nom du fondateur de l’IMAS, Seiji Ozawa, qui fait également fonction de directeur artistique. A l’image de ses professeurs et mentors (Hideo Saito, Herbert von Karajan, Leonard Bernstein), Ozawa tient en effet depuis plusieurs années, parallèlement à son investissement dans le cadre du festival de Matsumoto et du Saito Kinen Orchestra, à transmettre tout son savoir et tout son enthousiasme aux jeunes musiciens les plus prometteurs. Basé à Genève, l’IMAS donnait, ce soir au Théâtre des Champs-Élysées, son premier concert en dehors de la Suisse : pour cette seule raison, il était intéressant d’y assister.


Comme pour une audition de fin d’année au sein de n’importe quelle école de musique, ces jeunes instrumentistes (vingt-huit filles et garçons âgés de 15 à 25 ans) sont donc venus tour à tous sur scène pour interpréter des mouvements issus de différentes pièces, des quatuors à cordes pour l’essentiel. Quel émerveillement ! Au tragique Allegro du Quatuor K. 421 (un des six quatuors de Mozart dédiés à Haydn) succédait un étourdissant premier mouvement du Quatuor de Claude Debussy (1862-1918) : qu’on nous permette de souligner la fougue de la jeune première violoniste Yukari Aotani (vingt-deux ans) qui a emmené ses camarades sur des sommets dont on pense trop rapidement qu’ils ne peuvent être atteints que par des formations depuis longtemps aguerries ! Plus connu, le merveilleux Andante con moto du Quatorzième quatuor « La jeune fille et la mort » de Franz Schubert (1797-1828) a semblé ici renouvelé : pas de concession, aucun alanguissement ni apesanteur… L’attention parfaitement silencieuse de la salle (constante tout au long du concert) reflétait l’impression distillée par ces quatre jeunes (et, au-delà, par l’ensemble des instrumentistes) : une assurance (il suffisait de regarder leur façon de se tenir, éloignés du dossier de leur siège, droits, emportés dans leurs mouvements, n’ayant de cesse de se regarder les uns les autres…) qui, sans nul doute, trahissait des musiciens d’ores et déjà accomplis. Au grinçant Allegro du Quatrième quatuor de Béla Bartók (1881-1945) où, là encore, le premier violon (tenu par l’impeccable violoniste japonaise Mayu Kishima) s’avère d’une maîtrise tout à fait incroyable, faisait suite le premier mouvement du fameux Huitième quatuor de Beethoven (1770-1827), un des trois « Razumowsky ». L’Andante ma moderato du Premier sextuor de Johannes Brahms (1833-1897) conclut de la plus belle manière cette première partie grâce à la mélancolie implacable du motif qui, lancé par les altos, conduit l’auditeur sur des sommets d’harmonie et de poésie.


L’ensemble des protagonistes de la première partie, rejoints par Nobuko Imai, Pamela Frank et deux contrebassistes, s’installèrent ensuite pour donner, sous la direction de Robert Mann, le Lento du Deuxième quatuor de Béla Bartók, dans un arrangement pour orchestre à cordes réalisé par Mann lui-même. Servie par un ensemble d’une parfaite cohésion, la mélodie put tranquillement s’épanouir, à peine troublée par les dissonances et les innovations rythmiques (brusques ruptures coupant court aux envolées attendues) souhaitées par le compositeur hongrois. Puis Ozawa entra… Son arrivée, saluée par des applaudissements frénétiques, permit au public de voir un chef trottinant sur scène, souriant comme à son habitude, ragaillardi par la jeunesse qu’il s’apprête à conduire : comment imaginer qu’il s’est fait opéré d’une hernie il y a moins de trois semaines, l’obligeant à interrompre son activité pendant une dizaine de jours ? Au programme, un classique pour tout orchestre à cordes au même titre que La Nuit transfigurée ou les Métamorphoses : la Sérénade de Piotr Tchaïkovsky (1840-1893). L’attaque du premier mouvement, « Pezzo in forma di Sonatina », place d’emblée cette interprétation sous le sceau de l’excellence : plénitude du son, emportement des instrumentistes (galvanisés par un Ozawa plus agile que jamais, chantant avec les musiciens, modelant à mains nues un son qui jamais ne s’avèrera sirupeux ou grossier), clarté des lignes… On rêve éveillé. La suite sera de la même eau : une « Valse » pleine de délicatesse dévoilant ici un léger ralenti, là un bref silence avant que la mélodie ne reparte de plus belle. Le public ne peut se retenir et, à deux reprises, conclut les mouvements par des applaudissements enthousiastes. Ozawa aborde avec un art inégalable le troisième mouvement et la transition vers le frénétique quatrième mouvement aux couleurs russes. Sans surprise, triomphe absolu (Henri Dutilleux n’étant pas le dernier à applaudir) et salle debout pour saluer un chef qui, modeste comme à son habitude, ne recherche pas les acclamations pour lui seul et fait venir à ses côtés Robert Mann, Nobuko Imai, Pamela Frank et Sadao Harada pour le salut final.


Au-delà de la prestation de Seiji Ozawa qui, à elle seule, a fait de ce concert un des plus grands de la saison donnés au Théâtre des Champs-Elysées, on retiendra surtout l’excellence des jeunes instrumentistes : aucun doute, on a entendu là les futurs grands chambristes et chefs de pupitre des plus grandes phalanges à travers le monde. La relève est assurée !



Sébastien Gauthier

 

 

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