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Sea, sex and sun

Paris
Opéra Bastille
06/18/2009 -  et 20, 23, 25, 28, 30 juin, 2 juillet 2009
Karol Szymanowski : Król Roger, opus 46
Mariusz Kwiecien*/Scott Hendricks (Le Roi Roger II), Olga Pasichnyk (Roxana), Stefan Margita (Edrisi), Eric Cutler (Le Berger), Wojtek Smilek (L’Archevêque), Jadwiga Rappé (La Diaconesse)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, Maîtrise des Hauts-de-Seine, Winfried Maczewski (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Kazushi Ono (direction musicale)
Krzysztof Warlikowski (mise en scène), Malgorzata Szczesniak (décors et costumes), Denis Guéguin (conception vidéo), Saar Magal (chorégraphie), Felice Ross (lumières), Miron Hackenbeck (dramaturgie)


(© Ruth Walz/Opéra national de Paris)



A l’heure où chacun y va de son bilan du mandat de Gerard Mortier, on pourra difficilement ne pas mettre à son actif l’entrée au répertoire de l’Opéra national de Paris d’ouvrages aussi importants que L’Affaire Makroupoulos de Janácek (voir ici) ou Le Roi Roger (1918-1924, créé en 1926) de Szymanowski. Donné en version de concert sous la direction de Charles Dutoit en 1996 au Théâtre des Champs-Elysées puis de Jukka-Pekka Saraste en 2003 au Châtelet, le second opéra du compositeur polonais, qui fut pourtant un éminent francophone et francophile, n’avait encore jamais connu en France les honneurs de la scène. Plus de soixante-dix ans après une création parisienne avortée, même si l’Opéra offrit finalement celle de son ballet Harnasie, ce n’est que justice pour Szymanowski, auquel la capitale rend par ailleurs hommage actuellement au travers d’une exposition (gratuite) intitulée «Beau comme moi» et présentée à l’Opéra Bastille jusqu’au 10 juillet, mais aussi du Festival Chopin à l’Orangerie de Bagatelle, où chaque concert, d’ici le 14 juillet, permettra d’entendre l’une de ses œuvres.


En présence de Pierre Boulez, qui vient de diriger à Vienne le Premier concerto pour violon avec Christian Tetzlaff en soliste, la première de cette production est accueillie par des réactions contrastées, mêlant hostilité et enthousiasme. Voilà certainement de quoi réjouir Gerard Mortier, qui, dans son souci constant de bousculer les conventions, se voit peut-être en Berger du Roi Roger faisant vaciller l’ordre établi. Pour ce faire, rien de tel que Krzysztof Warlikowski: ainsi que l’ont montré précédemment à Paris Iphigénie en Tauride (voir ici) et Parsifal (voir ici), le metteur en scène polonais semble avoir toujours des comptes à régler, et plus encore quand il s’agit de son propre pays. A l’occasion de la présentation «Pleins feux» donnée au lendemain de la générale, il n’aura hélas pas été possible de tirer de son intervention passablement confuse et embrumée autre chose que l’expression d’un désintérêt revendiqué pour le livret de Jaroslaw Iwaszkiewicz et du compositeur mais aussi le fait que selon lui, peu d’opéras possèdent un titre se résumant au nom d’un «mec» – quid de Rinaldo, Don Giovanni, Otello, Parsifal et Wozzeck?


Warlikowski invente donc à la place sa propre histoire, celle d’un beatnik à la fois christique et benêt, aux attitudes caricaturalement efféminées, adepte des tatouages et du vernis rouge sur les ongles des mains et les pieds, ainsi que ne le laissent pas ignorer les incontournables images vidéo en temps réel projetées sur un rideau transparent à l’avant-scène. Au premier acte, l’homme au tee-shirt rouge sème le trouble parmi une high society glamoureuse que le roi et la reine, ni l’un ni l’autre insensibles à son supposé charme, s’apprêtent à rejoindre – exit, bien sûr, la cathédrale de Palerme. Le dernier acte (happy end?) révèle que le bouffon est non pas Dionysos – il ne faudrait quand même pas trop se conformer au texte – mais G.O. dans une sorte de Disneyland dont l’entrée est surmontée du mot «sun» inscrit en grandes lettres lumineuses sur fond de rayons stylisés en néons: portant un masque de Mickey et des escarpins, il fait faire des pompes à un petit groupe de vacanciers pareillement masqués et équipés de bouées gonflables aux couleurs vives. Quant à Roxane, elle est désormais accompagnée d’un enfant en habit de collégien anglais – mais qui donc en est le père?


Bref, ce n’est plus Théorème de Pasolini, duquel Le Roi Roger a pu être rapproché, mais Boudu sauvé des eaux. Pour peu qu’il ne s’agisse pas d’une simple provocation, cette dérision peut évidemment prêter à bien des interprétations: manière de déplorer que les idéaux portés par la génération de 1968 se soient dissous dans une société de consommation où le culte du soleil se réduit à celui de la bronzette? Pas de lavabos, pour une fois, malgré la baignoire de l’affiche, mais comme il faut toujours, chez Warlikowski, se purifier de quelque chose, l’eau tient une place essentielle dans le dispositif conçu par sa fidèle collaboratrice, Malgorzata Szczesniak, et éclairé par les lumières cliniques de Felice Ross. Le plateau s’entrouvre et se referme pour laisser apparaître puis dissimuler tour à tour une piscine, où l’on aperçoit le double de la reine, comme pétrifié. Sur une chorégraphie de Saar Magal, les danseurs y font trempette ou s’y livrent à des évolutions dont la cohérence et la sensualité ne sont pas les caractéristiques principales. Comme de coutume, le metteur en scène a fait appel à Denis Guéguin pour une «conception vidéo» diffusant, avant et durant le premier acte, les images d’un homme nu jouant avec des enfants et des extraits de films licencieux remontant aux premiers temps du cinéma.


L’aspect proprement musical du spectacle a en revanche fait l’unanimité, à commencer par Mariusz Kwiecien dans le rôle-titre. Un peu effacé au premier acte, le baryton polonais trouve progressivement ses marques en roi jaloux et pèlerin: si le timbre demeure mat, la sonorité gagne en rondeur et en puissance. A ses côtés, Olga Pasichnyk ne paraît pas toujours très à son aise: si elle possède la large tessiture de Roxane, allant jusqu’au contre-ut, les notes restent parfois engorgées et un format vocal insuffisant la contraint à forcer et à abuser du vibrato. Eric Cutler, dont le jeu d’acteur convainc modérément, négocie en revanche bien la partie difficile du Berger, avec un tempérament lyrique et des aigus qui passent en souplesse. Stefan Margita incarne un excellent Edrisi, dont la voix se projette avec aisance et dont le jeu un rien mielleux évoque le caractère insinuant d’un Loge.


Avec une partition qui traduit sinon l’influence du moins une communion d’esprit avec R. Strauss, Scriabine, Stravinski et Ravel, l’orchestre tient évidemment une place essentielle. Très attentif à mettre en valeur la construction et les progressions, Kazushi Ono, chef permanent de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon depuis cette saison, tire le meilleur des musiciens: l’orchestre resplendit sous sa baguette, sans pour autant se cantonner à la luxuriance «impressionniste» de cette musique, mais en faisant déjà ressortir ce qui y annonce les grandes pages ultérieures de Szymanowski, telles que le Stabat Mater, Harnasie ou la Symphonie concertante. Les interventions chorales ne se placent hélas pas au même niveau, en raison d’une intonation quelquefois prise en défaut au premier acte.


Le site de Mariusz Kwiecien
Le site d’Olga Pasichnyk
Le site de Stefan Margita
Le site de Jadwiga Rappé



Simon Corley

 

 

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