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Sans saveur

Paris
Opéra Garnier
06/13/2009 -  et 16, 18, 20, 21 juin (Paris), 3, 5, 7 juillet (Ravenna) 2009
Niccolò Jommelli : Demofoonte
Dimitri Korchak*/Mario Zeffiri (Demofoonte), Maria Grazia Schiavo*/Barbara Bargnesi (Dircea), José Maria Lo Monaco*/Giacinta Nicotra (Timante), Antonio Giovannini*/Nicola Marchesini (Matusio), Eleonora Buratto*/Auxiliadora Toledano (Creusa), Valentina Coladonato*/Irini Kiriakidou (Cherinto), Valer Bama-Sabadus*/Pamela Lucciarini (Adrasto)
Orchestra Giovanile Luigi Cherubini, Riccardo Muti (direction)
Cesare Lievi (mise en scène)


M. G. Schiavo et A. Giovannini
(© Fred Toulet/Opéra national de Paris)



Le Napolitain Niccolò Jommelli (1714-1774) eut son heure de gloire et peut aujourd’hui attirer les amateurs de curiosités. Sa quatrième version de Demofoonte, que Riccardo Muti a choisie pour sa première apparition à l’Opéra de Paris, après l’avoir dirigée au festival de Pentecôte de Salzbourg et avant de la donner au festival de Ravenne, n’a pourtant guère convaincu. Ce n’est pas, d’abord, la meilleure production de Métastase. Encore une histoire de rébellion du fils contre le père, assez tyrannique il est vrai, d’identités masquées, d’amours contrariées. Mais lorsque la vierge promise à Apollon se trouve sauvée parce que, mariée secrètement, elle a perdu son pucelage ou que son mari, sur la foi d’une lettre trompeuse, croit avoir un moment fait un gosse à sa sœur, le public ne peut se retenir de rire – dans le genre, on préfère les vrais jumeaux de Wagner. La musique, de plus, semble fort convenue, avec ces récitatifs languissants, plus secco qu’obbligato, ces interminables arie da capo le plus souvent accompagnées par les seules cordes et où l’on ne sent guère d’invention. Jommelli se trouvait alors à la fin de sa carrière – il devait mourir quatre ans plus tard : quand on pense que l’année de la création de ce Demofoonte, à quatorze ans, Mozart composait Mithridate...


L’illustre maestro, qui s’est épris de l’opéra napolitain, ne nous donc pas offert ce que le genre offre de plus excitant. Sa direction, de plus, est tellement lisse et tellement impeccable que son classicisme, loin de l’émousser, aggrave notre ennui, quels que soient les mérites du jeune orchestre qu’il a fondé lui-même. On connaît son peu d’attirance pour les mises en scènes trop audacieuses : la production de Cesare Lievi a tout pour le contenter. Le décor, plutôt joli au demeurant, donne dans le néoclassicisme pur jus, s’autorisant toutefois une transposition dans l’univers napolitain : volcan en éruption, prêtres catholiques pour les ministres d’Apollon, avec quelques bagages Vuitton pour donner une touche de contemporain haut de gamme. Et comme il faut bien montrer que le désordre règne, les colonnes seront placées à l’horizontale. Quant à la direction d’acteurs, elle accompagne le texte et la musique, avec parfois une littéralité naïve qui prête à sourire. Certaines situations, pourtant, pourraient inspirer un grand metteur en scène.


Les voix sont jeunes, elles aussi – on ne peut que se réjouir, là encore, de cette promotion des nouveaux talents par une gloire de la direction d’orchestre. Parfois belles, jamais exceptionnelles, sans éclat dans la colorature – moins flamboyante ici, il est vrai, que dans certains ouvrages de l’époque. Or il faudrait ici des chanteurs de tout premier plan et plus aguerris. Le Demofoonte de Dmitry Korchak, au timbre rond bien qu’un peu nasal, à la voix homogène jusque dans le suraigu, domine la distribution par son aisance stylée. On n’en dira pas autant du contre-ténor Antonio Giovannini, ingrat de timbre et laborieux dans la colorature, sans parler du sopraniste Valer Barna-Sabadus, dont le filet de voix dans le haut de la tessiture frise la caricature. Les sopranos aiguës, confrontées à des parties parfois périlleuses, assurent avec de jolis phrasés et de belles nuances, mais la Direcea de Maria Grazia Schiavo accuse des acidités dans le timbre ; la voix de Creusa d’Eleonora Buratto paraît plus fruitée, sauf lorsqu’elle doit, au deuxième acte, chanter un air presque entièrement cantonnée dans la quinte aiguë, où son timbre a du mal à ne pas s’aigrir. Les deux frères qui n’en sont pas, en revanche, sont à suivre : Josè Maria Lo Monaco s’impose en Timante, plus dans les airs que dans les récitatifs où son mezzo passe un peu à travers les joues, par un timbre profond, de beaux phrasés et une ligne élégante, notamment dans son air du troisième acte. De même, Valentina Coladonato prête à son Cherinto stylé une voix de soprano riche et bien conduite.


Gérard Mortier a fait enfin venir Riccardo Muti dans la fosse de l’opéra. La star a reçu un accueil digne d’elle. En attendant, elle aurait pu nous servir un plat plus épicé. Un opéra de Haydn, par exemple, pour fêter dignement le bicentenaire de sa mort. Car enfin, ce Demofoonte n’a aucun goût.



Didier van Moere

 

 

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