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Diva, sinon rien Zurich Opernhaus 03/29/2009 - et 7, 9, 11, 14, 16, 18*, 23 et 26 avril 2009 Giacomo Puccini: Tosca Emily Magee (Tosca), Jonas Kaufmann*/Fabio Armiliato (Cavaradossi), Thomas Hampson (Scarpia), Valeriy Murga (Angelotti), Giuseppe Scorsin (sacristain), Peter Straka (Spoletta), Morgan Moody (Sciarrone), Daniel Golossov (geôlier), Claudia auf der Maur (voix du berger)
Chœur de l’Opernhaus, Ernst Raffelsberger (direction), Orchestre de l’Opernhaus, Paolo Carignani*/Carlo Rizzi (direction musicale)
Robert Carsen (mise en scène), Anthony Ward (décors), Davy Cunningham (lumières)
E. Magee (© Suzanne Schwiertz)
Come la Tosca in teatro... Cette réplique de Cavaradossi au troisième acte du chef-d’œuvre de Puccini est à la base du travail de Robert Carsen pour cette nouvelle Tosca zurichoise. Le metteur en scène voit dans Floria Tosca la primadonna par excellence, l’archétype de la diva qui ne se départit jamais de gestes théâtraux, avec les bras largement levés au ciel, comme si elle était en représentation permanente. D’où l’idée de transformer l’Eglise de Sant’Andrea della Valle en salle de théâtre, sur la scène de laquelle l’héroïne se retrouve, à la fin du premier acte, dans le rôle de la... Vierge! Du coup, Scarpia devient le directeur du théâtre, le sacristain le concierge et les choristes, tour à tour, les ouvreurs distribuant le programme et les spectateurs. Seul Cavaradossi garde la fonction qui lui est assignée par le livret, puisqu’il continue de peindre, les décors cette fois. Le théâtre dans le théâtre n’est pas un concept nouveau et les metteurs en scène en ont usé et abusé, avec des bonheurs divers. Si Robert Carsen a tenté l’expérience avec succès dans ses Contes d’Hoffmann parisiens, sa Tosca zurichoise est à classer par contre dans ses productions les moins inspirées et les moins convaincantes, tant il est impossible d’y croire un seul instant, le livret venant à tout moment contredire ce qui est montré sur scène. Pourquoi par exemple le public chanterait-il un Te Deum dans une salle de spectacle? Y a-t-il des directeurs de théâtre assez pervers pour torturer l'amant d'une cantatrice?
Heureusement, la distribution vaut le déplacement à elle seule, quand bien même les voix des trois protagonistes peuvent surprendre dans ce type de répertoire. On le sait, Thomas Hampson n’est pas à son meilleur dans l'opéra italien. Son Scarpia, avare de nuances, chante souvent très fort, quand il ne crie pas, et la voix manque de legato; malgré tout, on ne peut s'empêcher d'admirer l’intelligence de l’artiste, qui réussit à conférer à la fois raffinement et brutalité à son personnage, pour en faire l’un des Scarpia les plus sadiques qui soient. A défaut d’aigus solaires et d’italianità, Jonas Kaufmann sait lui aussi utiliser les couleurs sombres de sa voix pour composer un Cavaradossi viril et héroïque, mais aussi passionnément amoureux. A cet égard, son E lucevan le stelle tout en douceur est un moment d’anthologie. Allure racée, port royal, mimiques exagérées, fourrure et grands bouquets de roses rouges, Emily Magee n’a aucune peine à convaincre dans le rôle de la diva pour qui tout est théâtre dans la vie. Sa voix chaude et métallique, admirablement bien tenue sur toute la tessiture, possède le souffle dramatique nécessaire pour le rôle et ses longues phrases lyriques. La saga de la direction musicale faisait nourrir les pires inquiétudes. Au départ, c’est à Michael Tilson Thomas qu’il revenait de diriger cette Tosca. Ayant décidé de renoncer pour se concentrer sur ses activités aux Etats-Unis, le chef cède la baguette à Christoph von Dohnanyi, qui déclare forfait quelques jours seulement avant la première. Appelé à la rescousse en toute dernière minute, Paolo Carignani fait beaucoup mieux que simplement sauver le spectacle, presque un miracle dans ces circonstances. Mais la flexibilité des musiciens est mise à rude épreuve puisque les deux dernières représentations seront dirigées par Carlo Rizzi.
Claudio Poloni
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