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L’attrait du vide

Normandie
Deauville (Salle Elie de Brignac)
04/13/2009 -  
César Franck : Quintette avec piano en fa mineur
Anton Webern : Six bagatelles pour quatuor à cordes, opus 9
Arnold Schönberg: Verklärte Nacht, opus 4

Arnaud Thorette (alto), Fabrice Bihan (violoncelle), David Kadouch (piano), Quatuor Ebène: Pierre Colombet, Gabriel Le Magadure (violon), Mathieu Herzog (alto), Raphaël Merlin (violoncelle)


Le Quatuor Ebène (© Claude Doaré)


Le troisième concert de la treizième édition du Festival de Pâques de Deauville était placé sous le signe du post-wagnérisme et, plus exactement, comme indiqué justement dans les notes de programme, regroupait intelligemment des œuvres conçues après la révolution tristanesque (1865), marquées pourrait-on dire par une sorte d’attrait pour le vide.


Présentées dans un ordre légèrement différent de celui annoncé, elles débutèrent par le Quintette de César Franck (1822-1890), composé en 1879 après un silence de trente-cinq ans dans le domaine de la musique de chambre. Le quatuor Ebène y fut, comme David Kadouch, souverain, laissant la musique parler d’elle-même, sans en faire trop dans ces pages d’une intensité presque suffocante. Le deuxième mouvement, Lento con molto sentimento, fut empreint de religiosité simple et apaisé après l’expression des passions douloureuses dans le premier mouvement, répit indispensable avant le déferlement des vagues d’exaltation dans le dernier. Après une interprétation aussi exceptionnelle, d’une parfaite justesse de ton et irréprochable techniquement, il fallait prendre l’air dans le parc environnant avant de suivre d’autres ravages provoqués par Tristan, comme on peut le faire dans le parc entourant le Festspielhaus de Bayreuth, pour reprendre son souffle.


La seconde partie commença par une œuvre dont on a parfois du mal à concevoir qu’elle date de près d’un siècle : les Bagatelles (1910-1912) d’Anton Webern (1883-1945), pièces à la fois adamantines et déprimées, faisant curieusement référence par leur titre aux ultimes caprices beethovéniens pour piano. Faites autant de sons que de silences, auxquels le Quatuor Ebène donna la priorité sur l’abstraction, les Bagatelles furent malheureusement troublées par des bavardages tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la salle qui empêchèrent de goûter leur fabuleuse densité. Le Quatuor Ebène sembla au total un peu moins à l’aise avec la tension wébernienne qu’avec l’esthétique franckiste, par exemple dans la quatrième bagatelle, Sehr langsam, où le violon doit crier sa douleur incommensurable, les mots – les sons – étant insuffisants pour l’exprimer. Après ces pages d’une brièveté fascinante, le Quatuor Ebène n’autorisa en tout cas pas d’applaudissements puisqu’il entama immédiatement, en compagnie d’Arnaud Thorette et Fabrice Bihan, qui étaient déjà en place, La Nuit transfigurée (1899) d’Arnold Schönberg (1874-1951). Superbe techniquement, l’interprétation, très retenue, souligna moins l’unité postromantique, décadente, désespérée, le flot incessant des passions, que l’enchaînement de tableaux distincts d’un vaste poème contant une histoire dramatique, l’éréthisme culminant lors des pizzicati d’un des altos, après les tremblements d’effroi du début et avant l’effondrement final. C’est ensuite avec raison et cohérence que les artistes, tous exemplaires, se retirèrent sans offrir un bis qui eût été déplacé.


Le site du Quatuor Ebène



Stéphane Guy

 

 

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