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Duo de choc London Covent Garden 03/02/2009 - et 5, 7, 30 mars, 2, 7*, 11 avril 2009 Vincenzo Bellini: I Capuleti e i Montecchi
Anna Netrebko (Giulietta), Elina Garanca (Romeo), Dario Schmunck (Tebaldo), Eric Owens (Capelio), Giovanni Battista Parodi (Lorenzo)
Chœur du Royal Opera House, Renato Balsadonna (direction), Orchestre du Royal Opera House, Mark Elder (direction musicale)
Pier Luigi Pizzi (mise en scène et décors), Massimo Gasparon (reprise de la mise en scène), Bill McGee/Pier Luigi Pizzi (lumières)
(© Bill Cooper)
Giulie….. Roméo expire dans les bras de sa bien-aimée sans avoir le temps de terminer son nom. Les quelques secondes qui séparent cet instant du cri de désespoir de Juliette sont l’un des silences les plus chargés d’émotion et d’intensité de toute l’histoire de l’opéra, comme on peut le constater une nouvelle fois à Londres, à la faveur d’une superbe reprise de I Capuleti e i Montecchi. Hasard du calendrier ou coup de marketing, les représentations programmées par le Royal Opera House coïncident avec la sortie dans les bacs d'un enregistrement du chef-d'œuvre de Bellini avec les mêmes interprètes dans les deux rôles principaux. La grande force du spectacle – et du CD – est que les voix d’Anna Netrebko et d’Elina Garanca se marient harmonieusement. On le sait, les deux chanteuses sont dotées d’un instrument vocal exceptionnel. Le timbre de la soprano russe est sombre et corsé, richement coloré, avec une pointe métallique qui lui permet de passer sans problème le mur de l’orchestre. Grâce à ces atouts, elle est parfaitement crédible dans la peau de la jeune femme déterminée, prête à se battre pour affirmer son amour, très loin de la Juliette ingénue et plaintive qu’on a plutôt l’habitude d’entendre dans le rôle. Pour sa part, Elina Garanca incarne un Roméo digne et racé, à la voix veloutée et sensuelle, au phrasé élégant et aux accents impérieux, la mezzo lettonne offrant une magistrale démonstration de belcanto. Le public de Covent Garden est à la fête tout au long des airs respectifs et des duos des deux artistes, qu’il ne manque pas d’ovationner comme il se doit. Seul bémol: les deux cantatrices semblent rester à la surface de leur personnage et ne pas suffisamment s'imprégner du texte pour donner vie au drame. Gageons qu’avec le temps, elles sauront mûrir leur interprétation. Dans la fosse, Mark Elder se révèle un styliste hors pair, parfait dans l’art d’accompagner les chanteurs, à l’inverse de Fabio Luisi en studio d’enregistrement, qui ne pense qu’à produire des décibels. Visuellement, la tragédie se déploie dans des décors sombres remplis d’immenses colonnes, le spectacle étant une reprise d’une production plutôt statique qui avait fait sensation à sa création en 1984, essentiellement pour sa partie musicale (Riccardo Muti dirigeait alors Edita Gruberova et Agnès Baltsa). Mais qu’importe ce qu’on voit sur scène car on peut tranquillement fermer les yeux, tant le charisme vocal d’Anna Netrebko et d’Elina Garanca fait des merveilles.
Claudio Poloni
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