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Le plaisir de jouer ensemble

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
03/13/2009 -  et 9 (Wien), 11 (London) mars 2009
Johann Sebastian Bach : Sinfonia de la cantate BWV 42 – Air « Ja, ich kann die Feinde schlagen » extrait de la cantate BWV 57 – Ricercare à six voix extrait de l’Offrande musicale, BWV 1079 – Concerto brandebourgeois n° 3 BWV 1048 – Air « Ich freue mich auf meinen Tod » extrait de la cantate BWV 82
Georg Friedrich Händel : Ouverture, récitatif « For behold darkness shall cover the earth » et air « The people that walked in darkness », extraits du Messie, HWV 56 – Concerto grosso opus 3 n° 2, HWV 313 – Ouverture et airs « Oh First wisdom » et « See, the ranging flames a rise », extraits de Joshua, HWV 64

Thomas Quasthoff (baryton-basse)
Berliner Barock Solisten, Rainer Kussmaul (direction)


T.Quasthoff (© DR)


Les ensembles de musique baroque fleurissent depuis plusieurs années, poussés par une vague interprétative qui a peu à peu relégué les orchestres traditionnels de ce vaste champ musical. Il existe néanmoins quelques exceptions, au nombre desquelles figurent les Berliner Barock Solisten, essentiellement composés de musiciens issus de l’Orchestre philharmonique de Berlin, créé en 1995 par Rainer Kussmaul, ancien Konzertmeister de la prestigieuse phalange de 1993 à 1998, qui dirige d’ailleurs l’ensemble de son violon. Leur venue est suffisamment rare en France pour que le Théâtre des Champs-Elysées soit comble ; il est vrai que la présence de Thomas Quasthoff n’y est certainement pas non plus étrangère. Le programme alternait intelligemment petites pièces orchestrales et vocales choisies parmi les œuvres des deux plus grands compositeurs de l’ère baroque, Johann Sebastian Bach (1685-1750) et Georg Friedrich Händel (1685-1759).


La Sinfonia débutant le concert était extraite de la Cantate BWV 42 « Am Abend aber desselbigen Sabbats » (« Au soir de ce même jour de Sabbat »). Composée en 1725 alors que Bach était en poste à Leipzig, elle fut exécutée pour la première fois le 8 avril de cette année, étant effectivement prévue pour être donnée le premier dimanche suivant la Pâques. Cette courte ouverture, de tonalité joyeuse, met immédiatement en valeur la qualité des instrumentistes et, surtout, l’esprit amical et la complicité visible qui innervent leur manière de jouer.


C’est sous des applaudissements nourris, et quelques bravos déjà lancés par des inconditionnels, que Thomas Quasthoff fait ensuite son entrée, prenant place sur un podium placé au centre des musiciens. Son premier air « Ja, ich kann die Feinde schlagen » est extrait de la Cantate BWV 57 « Selig ist der Mann » (« Bienheureux est l’homme »), composée pour la saint Etienne (le lendemain du jour de Noël), est créée le 26 décembre 1725 à Leipzig. Doté d’une agilité vocale remarquable, Thomas Quasthoff chante cet air (selon lequel il n’y a pas lieu de se plaindre dans ce bas monde puisque la présence seule de Jésus suffit à supporter les peines du monde terrestre et les sarcasmes de ceux qui ne croient pas) avec une joie intense, rehaussée il est vrai par l’agilité des violons dont la mélodie n’est pas sans rappeler certaines œuvres orchestrales de Bach.


Après un bref extrait de L’Offrande musicale où altos, violons puis violoncelles conversèrent avec tristesse, Thomas Quasthoff revient sur scène pour chanter un récitatif puis un air douloureux, tous deux tirés de la Cantate BWV 73 « Herr, wie du willt, so schick’s mit mir » (« Seigneur, fais de moi ce que tu veux »), composée pour le troisième dimanche suivant l’Epiphanie. Sans que l’on sache bien si elle date de 1723 ou 1724, elle fut donnée pour la première fois le 23 janvier 1724. Le propos chanté ce soir illustre la nécessité pour l’homme de s’incliner devant la mort, dessein d’ailleurs voulu par Dieu : il fut interprété par Quasthoff à la fois avec peine et apaisement, ce dernier trait ressortant notamment d’un passage d’une finesse absolue où, au milieu de l’air, la voix est accompagnée par les pizzicati des cordes.


Si le Troisième Concerto brandebourgeois n’appelle pas de commentaire particulier (le premier mouvement, à la justesse parfois hasardeuse et joué de façon quelque peu ennuyeuse, ayant été rattrapé par un troisième mouvement absolument génial qui a d’ailleurs soulevé l’enthousiasme de la salle), tel n’est pas, en revanche, le cas de l’extrait de la célébrissime Cantate BWV 82 « Ich habe genug » (« Je suis comblé »), créée le 2 février 1727. Pour une fois, et qu’ils en soient remerciés, les artistes de ce concert n’ont pas choisi de donner le premier air qui, à force d’être interprété partout et par tous, tend parfois à lasser l’auditoire. Moins connu, l’air « Ich freue mich auf meinen Tod » permet à Quasthoff de dialoguer harmonieusement avec un hautbois, de telle sorte que, là encore, la gravité du propos est éclipsée par le caractère serein, voire joyeux, de l’extrait.


Après un bref entracte, le temps de traverser la Manche, Händel succéda à Bach. Le premier air chanté par Thomas Quasthoff est extrait du plus célèbre oratorio du compositeur anglais, Le Messie. Un des journaux de l’époque écrivit, au lendemain de sa création le 13 avril 1742, « Les mots nous manquent pour exprimer le ravissement exquis qu’il [Händel] a offert à un public admiratif venu nombreux. Le sublime, le grandiose et le tendre, mis au service des mots les plus nobles, les plus majestueux et émouvants, conspiraient à transporter et à charmer le cœur et l’oreille ravis ». C’est exactement la sensation que l’on pu éprouver ce soir. Tous deux tirés de la première partie de l’oratorio (qui en comporte trois), ce récitatif et cet air dépeignent l’attente des peuples puisque l’arrivée du Messie a été annoncée dans un air précédent. Si tant est que cela soit possible, Quasthoff s’avère encore plus convaincant que dans Bach, entretenant d’évidentes affinités avec le compositeur anglais.


Comportant cinq mouvements, le Concerto grosso n° 2 pour deux hautbois, basson, cordes et basse continue est tiré de l’Opus 3, qui en comporte six. Les Berliner Barock Solisten en donnent une très belle interprétation qui culmine dans un sublime Largo, offrant aux violoncelles l’occasion d’un poignant dialogue auquel participe bientôt le hautbois.


Le programme se conclut par trois extraits (dont l’Ouverture) de Joshua, composé en l’espace d’un mois, œuvre moins connue de Händel, mais qui obtint pourtant, dès sa création le 9 mars 1748, autant de succès que le précédent oratorio, Judas Maccabaeus. Thomas Quasthoff incarna, l’espace d’un trop court instant, le personnage de Caleb, ce héros mentionné dans l’Exode, le seul adulte qui, avec Josué, sortit vivant d’Egypte et à qui il sera donné d’entrer dans le pays de Canaan. Encore une fois, le baryton-basse fut irréprochable, accompagné par des violons particulièrement attentifs dont les sons en venaient presque à imiter la voix humaine. Le véritable triomphe remporté par Quasthoff et ses partenaires fut quelque peu assombri par le malaise dont fut victime Rainer Kussmaul, qui l’obligea à s’asseoir puis à devoir ensuite être accompagné en coulisses. On ne peut donc qu’espérer son prompt rétablissement et une prochaine apparition parisienne tant l’atmosphère dégagée par ce concert fut agréable et l’interprétation admirable.


Le site des Berliner Barock Solisten



Sébastien Gauthier

 

 

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