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Pianiste parmi les pianistes Geneva Victoria Hall 03/04/2009 - et 5 (Lausanne), 6 (Paris) mars 2009 Robert Schumann: Concerto pour piano, opus 54
Richard Strauss: Eine Alpensinfonie, opus 64 Nikolaï Lugansky (piano)
Orchestre de la Suisse Romande, Marek Janowski (direction)
N. Lugansky (© Caroline Doutre)
La direction de l’Orchestre de la Suisse Romande a annoncé cette semaine la programmation de sa saison prochaine. A coté des œuvres classiques, des Haydn, Mozart, Schumann et autres Brahms, seront joués la Huitième Symphonie de Bruckner ou la non moins imposante Dixième Symphonie de Chostakovitch. Après l’écoute de la Symphonie Alpestre de Richard Strauss, il n’y a pas de doute que le niveau des musiciens leur permet bien de s’attaquer à de tels monuments mais on peut se permettre de se demander si ce n’est pas une erreur que de les jouer au Victoria Hall. Cette salle est plus adaptée à un orchestre d’une cinquantaine de musiciens et non de la centaine que demande Strauss. Les musiciens semblent tassés sur scène mais surtout les tutti de l’orchestre ont tendance à saturer dans les (nombreux) fortissimos. Malgré le travail approfondi des cuivres, il n’est pas possible dans ces conditions d’obtenir la clarté que demande Strauss. Ce même programme devait être répété le lendemain salle Pleyel (voir ici), qui par sa taille et son acoustique devrait permettre aux auditeurs et aux musiciens de mieux apprécier l’exécution.
Le Victoria Hall est bien plus approprié pour le Concerto pour piano de Robert Schumann, une œuvre que cet orchestre connaît bien pour l’avoir en son temps beaucoup jouée avec l’ancien professeur de piano du conservatoire voisin, un certain Dinu Lipatti. A tous leurs niveaux, tous les professeurs de piano vous diront qu’il faut éviter toute crispation dans le dos et les bras pour obtenir une beauté du son. (Il existe à ce sujet une interview de Claudio Arrau que tous les pianistes professionnels ou amateurs se doivent d’écouter.) Il faut voir jouer Nikolaï Lugansky pour saisir à quel point ceci est important. Il n’y a à aucun moment de brusquerie quelle que soit la rapidité des traits ou que la nuance soit pianissimo ou fortissimo. C’est de la virtuosité pianistique au meilleur sens du terme. Il y a des pianistes qui peuvent être plus engagés ou plus poètes mais il doit y en avoir peu qui soient meilleurs pianistes. Plus apollinien que dionysiaque, il préfère laisser l’œuvre parler d’elle-même alors que tant de pianistes confondent ce concerto avec ceux de Liszt. Marek Janowski, qui a beaucoup travaillé avec Lugansky, l’accompagne avec beaucoup de respect pour son phrasé. L’orchestre brille en particulier dans le premier mouvement où les équilibres font penser à une symphonie concertante plus qu’à un concerto classique.
En bis, le pianiste nous donne l’Intermezzo du Carnaval de Vienne. Comment ne pas penser en écoutant ce type de répertoire et à cette maîtrise de l’instrument à un autre pianiste qui a fréquenté ces pages, un certain Arturo Benedetti Michelangeli?
Antoine Leboyer
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