About us / Contact

The Classical Music Network

Grenoble

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Grenoble
MC2
02/26/2009 -  et 27, 28 février 2009
Felix Mendelssohn : Trios pour piano, violon, violoncelle – Quatuors à cordes – Quintettes à cordes – Sonates pour violoncelle et piano – Octuor à cordes
Dana Ciocarlie et Sandra Moubarak (piano), Lise Berthaud (alto), Anthony Leroy (violoncelle), Trio Chausson, Trio Arte, Quatuor Sine Nomine, Quatuor Modigliani


Le Quatuor Modigliani (© Adriana da Silva)


« Totalement Mendelssohn », oui, mais pas intégralement : il manque encore, pour que l’on ait une vraie intégrale de la musique de chambre du compositeur de la Symphonie italienne quelques raretés, comme la Sonate pour violon ou les Konzertstücke pour clarinette, cor de basset et piano. Mais ne nous plaignons pas, félicitons même la MC2 grenobloise d’une si belle initiative en ce début de l’année Mendelssohn, à laquelle elle a de surcroît associé de jeunes talents : tout ne se passe donc pas à Paris. Cela fait d’autant plus regretter que si peu de monde ait été attiré, l’Auditorium n’atteignant une jauge honorable que pour le sixième concert, dernière étape d’un véritable marathon qui nous aura rappelé la force du génie de Mendelssohn, dans sa précocité et sa maturité : rien moins qu’un Schumann de second rang, il a toute sa place dans le romantisme européen.


Les deux Trios, dont le Premier est, avec l’Octuor, la partition de musique de chambre la plus connue du compositeur, échoient au jeune Trio Chausson, qui en restitue les élans fougueux dans une belle homogénéité de jeu et de son, même si le piano très sûr de Boris de Larochelambert peut paraître parfois un peu sec et le violoncelle impeccable d’Antoine Landowski un peu timide, le violon racé de Philippe Talec jouant d’autant plus son rôle de leader. Cela dit, le Premier Trio soutient la comparaison avec des versions popularisées par le disque et le Second a bien cette puissance qui, dans le Finale, annonce nettement Brahms.


Dana Ciocarlie et le Trio Arte jouent ensuite les juvéniles Quatuors avec piano, qui témoignent, alors même que certaines formules restent encore convenues ou tributaires de grands aînés comme Beethoven, d’une incroyable maîtrise – le Premier est l’œuvre d’un adolescent de quatorze ans – et portent déjà la marque d’un musicien reconnaissable entre tous. Peut-être les quatre instrumentistes font-ils dire au Premier plus de choses qu’il n’en dit vraiment, mais ils mettent dans leur approche de ces trois premiers opus de Mendelssohn un enthousiasme, une invention qui rendent leur interprétation plus flamboyante, plus libérée et plus inspirée que celle du Trio Chausson, l’écriture très concertante du piano flattant le jeu coruscant de la pianiste.


Les deux concerts du lendemain permettent une passionnante comparaison entre le Quatuor Sine Nomine et le Quatuor Modigliani, que doit séparer une génération. Le premier frappe aussitôt par l’homogénéité et la fusion des sonorités, la maîtrise et la concentration du jeu : dans le Premier Quatuor op. 12, il privilégie l’équilibre, donnant parfois des couleurs automnales à cette œuvre de jeunesse, en particulier dans la Canzonetta, pour mieux montrer à quel point derrière la fraîcheur perce déjà la maturité. La grande maturité, justement, caractérise les trois Quatuors op. 44 : du Deuxième, les quatre musiciens n’éludent aucune tension, en particulier dans l’Allegro assai appassionato initial ; ils concilient surtout la spontanéité de l’inspiration et la maîtrise de la forme, notamment dans le Scherzo si typiquement mendelssohnien. Le Quatuor Modigliani offre une tout autre approche du Deuxième Quatuor op. 13 : œuvre de jeunesse, elle prend ici un relief inattendu à la faveur de ce jeu beaucoup plus économe de vibrato, de ces timbres beaucoup plus acérées, de cette sorte de jusqu’auboutisme – un peu démonstratif ? - qui conviendront ensuite parfaitement au Premier Quatuor op. 44, puis au Quatuor op. 80, le dernier du compositeur, le plus déchiré et le plus déchirant. Leur lecture est aussi plus polyphonique, comme si l’on entendait plutôt quatre solistes, moins axée sur le fondu des sonorités, montrant à quel point Mendelssohn s’inscrit dans la tradition allemande. Mais cela n’exclut pas le lyrisme ou la mélancolie, comme dans l’Intermezzo du Deuxième Quatuor, à la mélancolie presque tchaïkovskienne. Il n’est pas sûr, en revanche, que le Second Quintette, où les rejoint Lise Berthaud, s’accommode parfaitement de ce genre d’approche : il gagnerait à être joué dans une perspective plus classique, avec moins de tensions.


Le troisième jour est d’abord placé sous le signe de la jeunesse, avec Anthony Leroy et Sandra Moubarak dans les deux Sonates pour violoncelle et piano. Tous deux s’accordent parfaitement, même si le piano, toujours très concertant, aurait parfois tendance à dominer le violoncelle, qu’on remarque pourtant pour la qualité de sa projection et la richesse de sa sonorité. Les deux instruments rivalisent en effet de fougue romantique, emportés par une sorte d’euphorie dans les mouvements rapides, mais très concentrés dans les mouvements lents, pas seulement brillants et sans cesse attentifs aux couleurs. Les différences observées la veille entre les Sine Nomine, plus concentrés, et les Modigliani, plus inventifs, se confirment ensuite dans le Troisième Quatuor op. 44 et dans le Second Quintette, œuvre de la grande maturité cette fois, qui réussit mieux aux cinq musiciens que le Premier. Les deux Quatuors se retrouvent enfin pour un superbe Octuor, où aînés et cadets réconcilient Apollon et Dionysos, comme les réconciliait, en 1825, un génie de seize ans.


Les notices de présentation n’ont jamais été le fort de la maison. On nous a, cette fois, servi des « copier coller » des introductions du Guide de la musique de chambre publié chez Fayard, sans la moindre citation de source. Qu’un établissement à mission de service public s’adonne à de telles pratiques et bafoue ainsi la propriété intellectuelle laisse pantois. Cela dit, en programmant ces trois soirées Mendelssohn, la MC2 n’a pas failli à cette mission : elle s’en est même remarquablement acquittée.



Didier van Moere

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com