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Sur de bons rails

Orléans
Théâtre (Salle Touchard)
02/13/2009 -  et 27, 29, 31 janvier (Saint-Quentin-en-Yvelines), 10, 11 (La Rochelle), 15 (Orléans) février
Wolfgang Amadeus Mozart : Don Giovanni, K. 527

Marc Callahan (Don Giovanni), Marc Labonnette (Leporello), Frédéric Bourreau (Le commandeur), Sara Hershkowitz (Donna Anna), Arthur Espiritu (Don Ottavio), Chantal Santon (Donna Elvira), Caroline Meng (Zerlina), Pierrick Boisseau (Masetto), Léo-Antonin Lutinier, Eric Jovencel (comédiens), Chœur: Véronique Chevallier (soprano), Anne Maugard (mezzo), Rudi Fernandez (ténor), Sorin Dumitrascu (basse)
Hélène Clerc-Murgier (clavecin), Pauline Warnier (violoncelle continuo), Orchestre Opera Fuoco, David Stern (direction musicale)
Yoshi Oïda (mise en scène), Caroline Marcadé (chorégraphie), Tom Schenk (décors et vidéo), Elena Mannini (costumes), Pascal Mérat (création et conduite lumières)


(© Artcomart)


Fondée en 2003 par le chef David Stern, directeur musical à St. Gall et directeur artistique de l’Opéra d’Israël (Tel Aviv), la compagnie Opera Fuoco, sous l’impulsion de Catherine Kollen, ancienne directrice du Centre de la voix de Royaumont, où elle a fondé une «Unité scénique», s’est enrichie depuis l’an dernier d’une «troupe-atelier». Mêlant Français et Américains, cette nouvelle structure comprend douze «membres» pour une durée de trois ans (renouvelables par tiers), trois ou quatre «associés» ponctuels et un ou deux, plus jeunes, en «pré-troupe». En participant chaque année à trois projets (opéras, oratorios, cantates, classes de maître, ateliers pédagogiques, ...), les jeunes chanteurs bénéficient d’un suivi, d’un parcours personnalisé et, à l’instar de la pratique des maisons d’opéra allemandes, d’un temps de formation suffisamment long pour leur permettre d’acquérir dans ce cadre collectif les bases de leur métier.


Opera Fuoco a déjà monté des opéras, mais ce Don Giovanni, d’abord présenté en version de concert, marque la première participation de cette nouvelle troupe, en résidence au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, qui coproduit le spectacle: tourné par Arte, puis donné à La Rochelle et à Orléans, il fera ensuite l’objet d’une publication en DVD chez Alpha. C’est la version de la création à Prague qui est choisie: dès lors, l’air d’Ottavio au premier acte («Dalla sua pace») est omis et, surtout, il ne reste du sextuor suivant la mort du dissoluto que le «Questo e il fin» conclusif – les chanteurs, alignés face au public, interrompent les rappels pour tirer ainsi la morale de l’histoire. Au second acte, l’air de Leporello («Ah, pieta, Signori miei») disparaît également, mais on revient toutefois à la version de Vienne pour y emprunter l’air d’Elvira («Mi tradi»).


Le plateau évoque l’univers du théâtre de tréteaux, ne serait-ce que par la modestie de la scénographie de Tom Schenk, qui signe par ailleurs des projections vidéo suffisamment vagues pour évoquer ce que chacun voudra bien y voir: un petit praticable central, un échafaudage tenant notamment lieu de balcon, des embrasures, parfois tendues de papier froissé au travers duquel passent les personnages, des chaises de café figurant des portes ou des tombes. Mais l’économie de moyens n’empêche pas des effets spectaculaires: lorsque Don Giovanni est entraîné dans les Enfers, les éclairages de Pascal Mérat, jusque là assez discrets, s’imposent avec violence, une rampe rouge descendant des cintres pour aveugler les spectateurs.


Revendiquant tous ces artifices, avec changements de décors à vue effectués par deux comédiens, la mise en scène de Yoshi Oïda introduit en outre une distance ironique, qui recourt d’abord à l’incontournable transposition chronologique, tant dans les accessoires (canettes de bière, mafiosi, ordinateur portable, valise à roulettes, ...) que dans l’adaptation du livret, les quatre doublons que Don Giovanni concède à son valet au début du second acte devenant... 500 euros. Les costumes d’Elena Mannini contribuent à cette réactualisation, avec un Don Giovanni en parrain entouré de sbires en costumes sombres, une Anna portant son deuil bien court vêtue et un Ottavio en grand uniforme de militaire.


La multiplication de petites notations triviales, comme ces préservatifs gonflés comme des ballons durant l’«air du champagne», finit par suggérer un monde déclassé, dérisoire et désabusé, dans lequel personne ne croit plus à grand-chose, impression qu’accentuent les chorégraphies volontairement décalées de Caroline Marcadé. C’est sans doute le propre du dramma giocoso que de pratiquer l’alternance rapide entre la tragédie et la comédie, mais on peine à trouver une cohérence d’ensemble dans cette production, d’autant qu’elle suscite ici ou là un sentiment de déjà-vu: ainsi, le catalogue de Leporello se déroule comme dans le film de Joseph Losey tandis que le cran d’arrêt rappelle la mise en scène d’André Engel.


Etouffé par la fosse et par une acoustique très sèche, l’orchestre sonne comme s’il jouait en coulisses. Faut-il pour autant le regretter? Non seulement cela facilite sans doute la tâche à une distribution vocale manquant globalement de projection, mais le peu qu’on en entend n’est guère engageant: déséquilibre entre vents et cordes, bien peu nombreuses (dix-neuf exécutants) et à la sonorité aigrelette, bois anémiques et aux couleurs ternes, cors naturels toujours aussi délicats à maîtriser. Les récitatifs secco sont assurés par un violoncelle et un clavecin, qui, placés sur le plateau côté jardin, se joignent à l’orchestre dans certains numéros, tandis que le chœur est réduit à sa plus simple expression, c’est-à-dire un choriste par partie. Comme il semble être de règle avec ces formations d’instruments anciens, David Stern adopte des tempi rapides, voire précipités, comme dans le «trio des masques».


Autres maniérismes «authentiques» que ces vocalises sur les points d’orgue et ces reprises variées – du coup, l’air d’Ottavio au second acte en finit curieusement par ressembler davantage à Rossini qu’à Mozart. Cela étant, les jeunes chanteurs, affectés pour la plupart à des emplois qui leur conviennent bien, offrent les principales satisfactions de cette soirée. Marc Callahan (né en 1978) possède la prestance d’un Don Giovanni; sa voix est peut-être un peu légère pour le rôle-titre, mais on apprécie sa clarté d’émission et sa capacité à phraser agréablement. En Leporello, Marc Labonnette (né en 1976) sait tirer parti de ce personnage toujours payant, et Pierrick Boisseau (né en 1972) campe un Masetto très convaincant. En revanche, Frédéric Bourreau, commandeur imposant mais un peu engoncé, et Arthur Espiritu (né en 1975), Ottavio tendu et pas très naturel, paraissent un peu en retrait. Chez les femmes, Sara Hershkowitz (née en 1980), encore un peu verte, domine les difficultés du rôle d’Anna, et l’Elvira inégale de Chantal Santon (née en 1973) réussit néanmoins son air du second acte, mais le fort tempérament et le timbre séduisant de Caroline Meng (née en 1980), de format presque trop grand en Zerlina, recueillent le plus de suffrages.


L’essentiel est donc là: indépendamment des réserves que peuvent appeler d’autres aspects de cette production, la «troupe-atelier» d’Opera Fuoco est d’ores et déjà lancée sur de bons rails.


Le site du Théâtre d’Orléans



Simon Corley

 

 

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