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De l’art du recyclage

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
01/22/2009 -  
Maurice Ravel : Le Tombeau de Couperin
Piotr Ilyitch Tchaïkovsky : Variations sur un thème rococo, opus 33
Serge Prokofiev : Symphonie n° 3, opus 44

Antonio Meneses (violoncelle)
Orchestre national de France, Daniele Gatti (direction)


Daniele Gatti (© Pascal Gély/Radio France)



Sans dire que les compositeurs ont parfois manqué d’imagination, force est de constater qu’ils ont été nombreux, au fil de leur vie, à utiliser à plusieurs reprises des compositions antérieures ou certains thèmes qui, au fil du temps, ont été récurrents au point de devenir un des leitmotivs de leur œuvre. On sait que Jean-Sébastien Bach utilisa des concertos de Vivaldi pour ses propres concertos pour violon, d’ailleurs également destinés au clavier, que Gustav Mahler se servit généreusement du thème du Knaben Wunderhorn que ce soit dans ses symphonies ou dans certains cycles pour voix et orchestre, que les Jeux d’enfants de Georges Bizet avaient donné lieu à une pièce pour piano à quatre mains avant d’être orchestrés… Les exemples peuvent être multipliés à l’envi. Le concert de ce soir en donnait trois nouveaux exemples dans des styles, il est vrai, bien différents.


Le Tombeau de Couperin est initialement un morceau destiné au piano. Maurice Ravel (1875-1937) achève l’orchestration de quatre des six pièces originelles en juin 1919, soit quelques mois seulement après la création de l’œuvre par Marguerite Long. Composées à une époque douloureuse (Ravel, malade et mélancolique, vient d’être démobilisé à l’automne 1917 alors que les combats de la Première Guerre mondiale continuent de faire rage), les pièces se veulent un hommage à la musique baroque française avant d’être un hommage au seul François Couperin. Les quatre mouvements sont dédiés, à l’instar des deux autres qui n’ont pas été repris dans la version orchestrale, à des soldats, amis de Ravel alors que celui-ci était au front, ce qui accentue le caractère profondément mélancolique de l’œuvre. L’Orchestre national de France aborde le Prélude avec douceur, le magnifique hautbois de Nora Cismondi dialoguant harmonieusement avec la clarinette de Patrick Messina. Si Daniele Gatti fait ensuite très justement ressortir la noblesse grinçante, voire ridicule, de la Forlane, on regrettera néanmoins que sa direction manque de rythme et transforme ainsi l’atmosphère rêveuse en ennui. Faisant suite à un très beau Menuet où, là encore, brille la petite harmonie, Gatti reprend le dessus dans le Rigaudon final, conduisant avec vivacité un mouvement où s’illustrent notamment les cor et trompette solos du National.


Lorsqu’il compose les Variations sur un thème rococo, Piotr Ilyitch Tchaïkovsky (1840-1893) en est fort satisfait, chose étonnante pour quelqu’un de si timide et, justement, si peu sûr de lui… Succession de sept variations basées sur un thème initial développé par le soliste après une brève et langoureuse introduction orchestrale, l’œuvre connut une première version pour violoncelle et piano avant d’être orchestrée (et finalement créée en décembre 1877 par le violoncelliste Wilhelm Fitzenhagen). Même si Antonio Meneses joue parfois un peu trop bas, force est de constater qu’il allie avec grâce ductilité du toucher et forte implication dans une œuvre physique au sens premier du terme. Certains suraigus et glissandi témoignent d’une maîtrise époustouflante de son instrument ; Meneses, accompagné par un Daniele Gatti ronronnant que l’on aurait, là encore, aimé plus dynamique, évite avec soin tout sentimentalisme (notamment dans la cinquième variation) alors que les cadences dont bénéficie le violoncelle peuvent facilement donner lieu à des épanchements du plus mauvais goût. Devant l’accueil fervent d’un public parisien habitué, ces derniers temps, à surtout l’entendre comme partenaire de musique de chambre – il a en effet, jusqu’à sa récente dissolution, fait partie du fameux Beaux-Arts Trio – Antonio Meneses offrit un bis assez classique puisqu’il s’est agi de la Sarabande tirée de la Suite n° 1 en sol majeur, BWV 1007 de Jean-Sébastien Bach.


La seconde partie du concert était consacrée à la Troisième symphonie de Serge Prokofiev (1891-1953). Reprenant certains thèmes de L’Ange de feu dont les ébauches remontent à décembre 1920 alors qu’il était en voyage aux Etats-Unis, c’est une symphonie très moderne et étonnement théâtrale, achevée en novembre 1928 avant d’être créée il y a tout juste quatre-vingt ans (en mai 1929) par Pierre Monteux lors d’un concert donné à Paris. Faisant tour à tour preuve d’une violence contenue (à l’instar du début du premier mouvement) et d’une acrimonie « malsaine » (les glissandi de l’Allegro agitato), c’est une œuvre riche qui nécessite un orchestre étoffé (ainsi, par exemple, les percussions sollicitées dans le Moderato initial sont non seulement les timbales et les cloches, mais aussi la grosse caisse, le tambourin, le gong, la caisse claire…) et techniquement au meilleur de sa forme. Ce fut incontestablement le cas ce soir. Laissant jouer l’orchestre avec une grande liberté, Daniele Gatti fait enfin montre de tous ses talents, aidé il est vrai par des solistes (clarinette, contrebasson notamment) et des pupitres (les altos et les contrebasses dans le second mouvement, les cuivres tout au long de la symphonie) témoignant de l’excellence du National lorsqu’il est galvanisé par une œuvre.



Sébastien Gauthier

 

 

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