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Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir

Paris
Théâtre du Châtelet
01/23/2009 -  
Robert Schumann : Papillons, opus 2
Johannes Brahms : Sonate pour piano n° 2, opus 2
Frédéric Chopin : Fantaisie, opus 49 – Mazurka, opus 41 n° 4 – Scherzo n° 4, opus 54
Claude Debussy : Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir – Les collines d’Anacapri – Minstrels (extraits du Premier livre de Préludes)
Heitor Villa-Lobos : Chôros V «Alma Brasileira » – Dança do Indio Branco (extrait du Ciclo Brasileiro)

Nelson Freire (piano)


Nelson Freire (© James McMillan)



Dans l’intimité d’une salle attentive et ostensiblement chaleureuse, au milieu d’un public plongé dans l’obscurité, Nelson Freire invite son auditoire à un voyage aussi exigeant qu’hypnotisant. Un an après son dernier récital parisien, la même magie opère au théâtre du Châtelet, dans la nuit de Piano****. On reste frappé par ce mystérieux dosage de sérénité et de fureur, de pudeur et de brio, par ce contraste entre une apparente économie de moyens et un toucher d’une richesse inouïe. Les doigts effleurent à peine le clavier, à une vitesse folle : la frappe se fait pourtant aussi riche de sonorités que longue en résonance. En témoigne cette manière unique de jouer Chopin, qui demeure – les années passant – d’une étonnante fraîcheur. La vélocité – sans la précipitation – inonde le discours toujours libre du pianiste brésilien, où les accélérations subites n’apparaissent jamais déplacées.


On admire également l’architecture de ce récital qui permet de parcourir un siècle de musique pour culminer dans l’alliage miraculeux des sons debussystes et des parfums tropicaux. Certes, réunir Schumann et Brahms, dont les Opus 2 investissent la première partie du concert, ne risque pas de surprendre. On est cependant bien en peine d’anticiper les bondissants coups de patte que le vieux lion, sagement assis devant son clavier, assène aux Papillons (1831) de Schumann. La vivacité désarmante de ce toucher de rêve alterne à merveille avec les moments de douce rêverie. Plus rare est la Deuxième sonate (1852-53) de Brahms, qui est le fruit – un peu vert – d’un musicien d’à peine vingt ans qui se livre à des expériences sonores sans concessions mais manquant peut-être d’une ossature plus solide. Patiemment, avec entrain mais sans emphase, Nelson Freire parvient pourtant à faire vivre cette œuvre, à lui donner du sens, à habiter les abîmes de silence de l’Andante con espressione, à magnifier le chatoiement des trilles conclusifs du Finale.


«Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir» : c’est ce qu’annonce – comme pour décrire l’atmosphère de ce récital – le premier des trois Préludes (1910) de Debussy retenus par le pianiste mineiro. Ce dernier a magistralement confirmé – dans un disque gravé récemment (Decca) – les profondes affinités qu’il entretient avec le compositeur, dont il exalte, par un toucher magnétique, la résonance infinie des notes et la profondeur du son, à la fois mobile et comme suspendu. Alors que les quelques accrocs entendus en première partie se sont effacés, cette rencontre France–Brésil ne pouvait trouver juxtaposition plus pertinente qu’au travers de la confrontation entre Debussy et Villa-Lobos. Le ton alerte et espiègle de «Minstrels» en fait ainsi, sous les doigts de Nelson Freire, une espèce de Polichinelo du vieux continent. De même, le parallèle est frappant entre la conclusion des «Collines d’Anacapri» et les dernière notes d’«Alma Brasileira» (1925). Et c’est bien «L’Âme brésilienne» qui s’exprime ici. Dans des notes de concert particulièrement inspirées, Michel Le Naour décrit à juste titre cette partition comme «une courte sérénade qui exprime la dualité de l’âme brésilienne entre débordement rythmique et sentimentalité». Nelson Freire en exalte l’esprit d’allégresse sans jamais occulter le saudade sous-jacent, omniprésent, déchirant de poésie. Le miracle de la musicalité de l’interprète opère pleinement dans un mélange de fragilité pudique et d’extériorisation possédée. Telle cette «Danse de l’Indien blanc», dernière des quatre pièces du Ciclo brasileiro (1937), où l’interprète galope jusqu’à l’hypnose dans l’obscurité du grave et l’intensité du médium. Et si l’on ne devait retenir qu’un seul moment de cette soirée, ce pourrait être, lors des bis, un Preludio – extrait des Bachianas Brasileiras n° 4 – tout à la fois humain et grandiose, noble et chaleureux, simple et bouleversant. A l’image du pianiste.


Le site de Piano****



Gilles d’Heyres

 

 

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